Question de Mme BORVO COHEN-SEAT Nicole (Paris - CRC) publiée le 24/03/1999

Mme Nicole Borvo attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les importantes difficultés que rencontrent les organismes de recherche en matière de marchés publics. Ceux-ci se trouvent confrontés depuis 1999 à un blocage complet de leurs achats de fournitures et équipements destinés aux laboratoires. Toute commande doit depuis le 1er janvier 1999 se plier à la règle : un produit, un fournisseur. Or ce carcan administratif : 1) est unique en Europe, 2) constitue un frein essentiel qui handicape sérieusement la compétition avec les chercheurs anglo-saxons qui ne sont pas soumis à de telles contraintes, 3) est la cause de ralentissements dans les progrès scientifiques et médicaux et de pertes de brevets, 4) n'est pas compatible avec le développement, souhaité par le ministère, d'interactions avec le tissu industriel et de développement de sociétés de biotechnologie, 5) se traduit par des pertes sèches sur le plan financier avec l'achat de matériel inadéquat et plus cher et amène les chercheurs à rechercher des sources de financement qui ne passent pas par les finances publiques, 6) a été conçu sans réelle concertation avec les chercheurs et leurs représentants. Des mesures transitoires ont été prises mais elles ne sont pas satisfaisantes car les même problèmes risquent de se reproduire d'ici à quelques mois. Plus grave encore semble être la modification du code des marchés publics préconisée par le ministère des finances pour résoudre le problème à plus long terme. En effet, le projet de décret déposé au Conseil d'Etat visant à modifier l'article 76 du code des marchés publics ne répond nullement aux besoins des laboratoires de recherche. La philosophie de ce texte consiste à maintenir l'obligation de définir précisément, dès l'appel d'offres initial, les caractéristiques techniques de tous les produits que l'établissement se propose d'acheter. Ce contrôle des marchés sera complexe à mettre en oeuvre ; il demandera plus de travail pour les ordonnateurs, les comptables et les chercheurs et a pour résultat de les empêcher de choisir les fournitures les plus appropriées. Pour toutes ces raisons, elle lui demande s'il compte faire évoluer la réglementation dans un sens qui permettrait aux établissements de recherche de fonctionner normalement en tenant compte de la spécificité de la recherche scientifique. Elle lui demande également quand le Gouvernement compte entreprendre une réelle concertation avec les chercheurs et leurs représentants, qui jusqu'à présent semble avoir fait défaut.

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Réponse du ministère : Agriculture publiée le 19/05/1999

Réponse apportée en séance publique le 18/05/1999

Mme Nicole Borvo. Monsieur le ministre, ma question était motivée par les difficultés ressenties par les organismes
de recherche publique - Centre national de la recherche scientifique et Institut national de la santé et de la recherche
médicale - qui étaient contraints de se plier aux règles de droit commun de passation des marchés publics pour
l'ensemble de leurs fournitures.
Les chercheurs, qui, comme vous le savez, ont signé un grand nombre de pétitions contre ces mesures, voyaient dans
cette contrainte unique en Europe une cause de ralentissement des recherches et de perte de brevets, sans compter
les coûts financiers supplémentaires qu'elle engendre.
Fort heureusement, depuis le dépôt de cette question, la mobilisation des chercheurs, voire leur sagesse, a été
payante : en effet, le décret n° 99-131 du 29 avril 1999, paru au Journal officiel du 2 mai 1999, et régissant les marchés
publics, diffère sensiblement du projet initial. C'est ainsi qu'il prévoit un assouplissement des procédures dans le sens
souhaité par les chercheurs.
En reconnaissant la possibilité « de conclure des marchés à bons de commande sans minimum ni maximum avec
plusieurs titulaires pour le même objet », les rédacteurs du texte vont permettre aux chercheurs de commander - en
tout cas pour les matériels type recherche et technologie - à peu près ce qu'ils veulent à partir du moment où
l'entreprise a été incluse dans les marchés publics. C'est donc pratiquement un retour à la situation antérieure.
Si j'ai maintenu ma question, c'est parce qu'il me semble que tous les problèmes sont encore loin d'être résolus et qu'il
faut continuer à adapter la réglementation dans un sens qui permettrait aux établissements de recherche de fonctionner
normalement en tenant compte de la spécificité de la recherche scientifique.
S'il est parfaitement compréhensible de passer les commandes de gros équipements et de mobiliers dans le cadre
d'appels d'offres concurrentiels, en revanche, placer dans le même cadre les commandes de fonctionnement courant et
de petits matériels ne convient pas. Par exemple, pour l'achat d'un produit chimique, il faudrait définir dès le départ ses
propriétés techniques. Ensuite - au minimum pendant un an - les seuls critères de choix du fournisseur seraient le prix
et le délai, aucun autre critère ne pouvant être pris en compte, ce qui ne tient compte ni de l'évolution des produits ni de
la spécificité des produits chimiques.
Par conséquent, je souhaite - et tel est le motif de ma question - que les circulaires d'application paraissent, respectent
l'esprit et la lettre du décret et définissent un cadre précis pour les organismes de recherche.
A cet égard, il serait important d'approfondir la concertation avec les chercheurs, comme ils le souhaitent d'ailleurs.
Permettez-moi d'insister sur ce point : nombre de chercheurs s'interrogent sur le fait qu'il leur ait fallu deux ans avant de
parvenir à se faire entendre.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Madame le sénateur, les établissements de recherche ont
rencontré des difficultés grandissantes pour appliquer le code des marchés publics. Nombre de ces difficultés ont pu
être résolues, au terme d'une consultation étroite entre ces établissements et leurs administrations de tutelle.
Il est apparu cependant que, s'agissant spécifiquement des matériels ou des produits nécessaires à la poursuite de
certaines recherches, les textes actuels sont mal adaptés aux besoins des chercheurs, qui sont amenés à préciser les
caractéristiques des matériels qui leur sont indispensables au fur et à mesure de l'avancement des expérimentations.
Pour répondre à ces besoins, le ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie a élaboré, en
liaison étroite avec les établissements concernés, des dispositions insérées dans le décret n° 99-331 du 29 avril 1999
modifiant le code des marchés publics, à travers un nouvel article 76 bis propre aux achats liés à la recherche.
Ce dispositif spécifique permet de concilier le respect des principes généraux applicables à tout achat public, dont la
justice suit avec attention le respect, et les exigences de fonctionnement des laboratoires.
A cet effet, il permet aux établissements de lancer des consultations permettant de retenir au plan national, dans la
perspective d'obtenir un effet d'échelle favorable aux finances publiques, plusieurs fournisseurs pour une même gamme
ou famille de produits. Il appartient ensuite à chaque laboratoire de reconsulter ces fournisseurs lorsqu'il exprime un
besoin en indiquant les caractéristiques fines attendues du produit.
Ce texte et donc bien destiné, contrairement à l'inquiétude que vous exprimez, à permettre aux chercheurs de choisir
les fournitures les plus appropriées à leur activité et à la réussite de leur protocole d'expériementation, dans un cadre
juridique qui sera désormais sécurisé.
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le ministre, je suis tout à fait d'accord s'agissant de la modification dont vous avez fait
état et que j'avais moi-même mentionnée, car elle répond à la préoccupation des chercheurs.
Je renouvelle toutefois mon souhait que les circulaires d'application paraissent rapidement et que la consultation
fonctionne mieux à l'avenir.

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