Question de M. du LUART Roland (Sarthe - RI) publiée le 16/04/1999

M. Roland du Luart attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les effets du décret du 16 décembre 1998 sur la réglementation des armes - dont on peut comprendre l'inspiration - mais qui soulève plusieurs difficultés graves pour les chasseurs. Il s'agit tout d'abord du fusil dit " à pompe ", qui est maintenant classé en quatrième catégorie et ne peut plus être utilisé par les chasseurs de gibier d'eau, soit 200 000 chasseurs aux moyens modestes. C'est une véritable spoliation, puisqu'ils ne peuvent plus ni utiliser ni revendre ces fusils, et cela est d'autant plus choquant qu'ils venaient de déclarer ces armes au titre d'un autre décret de 1995. Il convient donc de prendre rapidement des mesures transitoires confirmant, peut être, les interdictions à la vente mais permettant en tout cas aux détenteurs actuels de continuer à les utiliser. Il s'agit ensuite de régler les problèmes juridiques liés à l'emploi, à l'article 5 du décret, du mot " acquisition " qui interdirait à toute personne, par exemple, de détenir des armes de chasse acquises par héritage si elle n'est pas elle-même détentrice d'un permis de chasse visé et validé. Ce décret pose enfin de nombreux autres problèmes pour les tireurs sportifs, les collectionneurs, les candidats au permis de chasser et les organisateurs de ball-trap qu'il convient de régler, étant entendu qu'ils n'ont absolument aucun impact en termes de sécurité publique.

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Réponse du ministère : Intérieur publiée le 12/05/1999

Réponse apportée en séance publique le 11/05/1999

M. Roland du Luart. Monsieur le ministre, je souhaiterais vous interroger sur les effets du décret du 16 décembre 1998
sur la réglementation des armes, dont on peut comprendre l'inspiration mais qui soulève plusieurs difficultés graves pour
les chasseurs.
Il s'agit tout d'abord du fusil dit « à pompe », qui est maintenant classé en quatrième catégorie et ne peut plus être
utilisé par les chasseurs de gibier d'eau, soit 200 000 chasseurs aux moyens modestes. C'est une véritable spoliation,
puisqu'ils ne peuvent plus ni utiliser ni revendre ces fusils ; c'est à mon sens d'autant plus choquant qu'ils venaient de
déclarer ces armes auprès du ministère de l'intérieur, au titre d'un décret de 1995. Il convient donc de prendre
rapidement des mesures transitoires, confirmant peut-être les interdictions à la vente mais permettant en tout cas aux
détenteurs actuels de continuer à les utiliser.
Il s'agit ensuite de régler les problèmes juridiques liés à l'emploi, à l'article 5 du décret, du mot « acquisition », qui
interdirait par exemple à toute personne de détenir des armes de chasse acquises par héritage si elle n'est pas
elle-même détentrice d'un permis de chasse visé et validé.
Ce décret pose enfin de nombreux autres problèmes pour les tireurs sportifs, les collectionneurs, les candidats au
permis de chasser, qui doivent s'initier au tir pour pouvoir passer leur examen, et les organisateurs de ball-trap,
problèmes qu'il convient de régler, étant entendu qu'ils n'ont absolument aucun impact en termes de sécurité publique.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous n'ignorez pas qu'un très grand
nombre d'accidents se sont produits ces dernières années du fait de l'utilisation d'armes à feu faciles à acquérir et ont
entraîné mort d'homme dans certaines circonstances où j'ai été amené à prendre des sanctions. Ce problème est
grave.
Le décret n° 98-1148 du 16 décembre 1998, qui modifie le décret n° 95-589 du 6 mai 1998 relatif au régime des armes,
reclasse en quatrième catégorie des armes jusqu'alors classées en septième ou en cinquième catégorie, parmi
lesquelles les fusils à pompe à canon lisse dont le chargeur ou le magasin peut contenir cinq cartouches au plus, ce
qui est déjà beaucoup !
Cette mesure obéit à des préoccupations de sécurité publique. Elle a été rendue nécessaire en raison de la diffusion
excessive de ces fusils à pompe qui, en raison d'un maniement aisé, d'un prix relativement peu élevé et d'un effet
certain de mode, sont devenus des armes utilisées à de toutes autres fins que la chasse, y compris dans nos
banlieues. C'est donc à la suite du rapport de l'inspecteur général de la police nationale Claude Cances que j'ai été
conduit à prendre cette mesure.
Au regard de cette évolution dangereuse et préoccupante pour la sécurité publique, il a paru nécessaire de reclasser
ces armes en arme de défense, c'est-à-dire en quatrième catégorie.
Le reclassement en quatrième catégorie implique que l'acquisition, la détention de ces armes sont prohibées, sauf
autorisation délivrée par l'autorité préfectorale pour les seuls motifs et dans les conditions prévus par la réglementation
en vigueur, à savoir la défense, en vertu de l'article 31 du décret précité du 6 mai 1995, ou le tir sportif, conformément à
l'article 28 du même décret. Ce dernier motif ne peut par ailleurs pas être retenu pour le fusil à pompe, qui n'est pas une
arme de tir sportif.
En tout état de cause, monsieur le sénateur, la chasse ne constitue pas un motif de détention d'une arme de quatrième
catégorie, et aucune mesure dérogatoire n'est prévue par la réglementation en vigueur pour les détenteurs des armes
qui font l'objet du reclassement en quatrième catégorie effectué par le décret précité du 16 décembre 1998. Par
conséquent, une mesure transitoire n'est ni prévue ni nécessaire. Il s'agit d'une mesure d'interdiction.
Outre le reclassement en quatrième catégorie, le décret du 16 décembre 1998 introduit également dans le décret du 6
mai 1995 une disposition aux termes de laquelle tout acquéreur d'arme ou de munitions de cinquième catégorie doit
présenter au vendeur un permis de chasser ou une licence de tir sportif en cours de validité.
Cette disposition, qui concerne l'acquisition des armes ou des munitions de chasse ou de tir sportif de ball-trap, est une
mesure de bon sens puisqu'elle conditionne cette acquisition à une pratique des activités pour lesquelles ces armes et
ces munitions sont destinées. Son application ne doit pas non plus être limitée.
Toutefois, ce dispositif ne s'applique qu'aux personnes qui achètent des armes ou des munitions de cinquième
catégorie. Il ne concerne donc pas, je vous l'accorde, celles qui entrent en possession d'une arme ou de munitions de
cinquième catégorie par voie successorale. Ainsi, si les personnes qui héritent d'une arme ne l'utilisent pas à la chasse
ou au tir sportif de ball-trap, elles peuvent la détenir, sous réserve de la déclarer s'il s'agit d'une arme de cinquième
catégorie soumise à déclaration, sans être pour autant titulaires d'un permis de chasser ou d'une licence de tir en cours
de validité.
M. Roland du Luart. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. du Luart.
M. Roland du Luart. Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir répondu à la question que je vous avais soumise.
Cette question comportait deux aspects, et visait, en premier lieu, le problème des fusils à pompe.
Je comprends la préoccupation sécuritaire qui doit prévaloir, notamment en banlieue. Mais je suis convaincu que, si les
chasseurs, quant à eux, déclarent bien leurs armes, les gangsters n'agiront jamais ainsi ! Nous sommes donc un peu à
côté de nos pompes s'agissant de cette réponse, si j'ose m'exprimer ainsi. (Sourires.)
Monsieur le ministre, normalement, aucune arme ne doit permettre aujourd'hui de tirer cinq coups. Tous les chargeurs
dont les chasseurs se servent sont limités à deux coups. Vos services devraient donc savoir qu'aucun fusil à pompe en
action de chasse ne peut légalement tirer plus de deux coups.
Cela dit, je peux très bien comprendre le problème sécuritaire dont vous faites état, connaissant les difficultés
auxquelles vous êtes actuellement confronté dans les banlieues, monsieur le ministre.
Le second aspect de la question concernait l'emploi du mot. Je vous remercie de m'avoir confirmé que ce terme ne vise
pas les personnes détenant des fusils par héritage ; le contraire aurait en effet constitué une aberration.
Enfin, un point me paraît quelque peu obscur en l'état actuel de la réglementation : un jeune chasseur, pour obtenir son
permis de chasser, doit obligatoirement passer une épreuve pratique de tir. Comment pourra-t-il s'y préparer puisque,
n'ayant pas encore son permis, il n'a pas le droit d'acquérir des cartouches ? Il est donc nécessaire de procéder à une
adaptation à cet égard. Nous sommes en effet tous très attachés - comme Mme Voynet et comme vous-même,
monsieur le ministre, j'en suis sûr - au maintien d'une épreuve pratique au permis de chasser, pour éviter tout accident
lorsqu'un chasseur pratiquera le sport qu'il chérit.

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