Question de M. GINÉSY Charles (Alpes-Maritimes - RPR) publiée le 17/06/1999

M. Charles Ginésy attire l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conséquences de la loi nº 75-617 du 11 juillet 1975 instituant une prestation compensatoire en cas de divorce. Les personnes condamnées à verser une prestation compensatoire à leur premier époux ou épouse doivent assurer le paiement de la rente jusqu'au décès de leur précédent(e) conjoint(e). Cette rente est, par ailleurs, intégrée à la succession de la personne décédée. En cas de décès de la personne versant cette rente, le second époux ou épouse, voire les enfants, peuvent être amenés à devoir régler cette prestation sans que l'évolution de leur situation sociale ne soit prise en considération, notamment en cas de perte d'emploi. De plus, elle ne tient nullement compte des revenus de l'héritier et du niveau de vie de la personne créancière, si bien que cette mesure conduit de plus en plus fréquemment à des situations invraisemblables, voire dramatiques. Aussi, une réforme s'impose afin de prendre en considération les évolutions familiales, matrimoniales, professionnelles et patrimoniales tant du débiteur que du créancier. C'est la raison pour laquelle il lui demande si elle entend prendre des mesures afin d'envisager la non-transmissibilité de la prestation compensatoire, sa suppression en cas de remariage, la possibilité d'envisager sa révision ou même son annulation et sa fixation sous forme de capital, en un mot, la révision de la loi de 1975.

- page 2022


Réponse du ministère : Justice publiée le 30/09/1999

Réponse. - Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire qu'un certain assouplissement des conditions de mise en uvre de la prestation compensatoire, notamment de sa révision, actuellement posées par la loi, paraît en effet s'imposer eu égard au contexte socio-économique, sans qu'il y ait lieu, cependant, de revenir à un régime comparable à celui des pensions alimentaires préexistant à la réforme de 1975, dont les inconvénients ont été unanimement dénoncés. Lors de la discussion au Sénat des deux propositions de loi de MM. About et Pages relatives à la prestation compensatoire, le 25 février 1998, le Gouvernement a déposé différents amendements en ce sens, abordant également les problèmes fréquemment dénoncés de la transmissibilité de la charge de la rente aux héritiers du débiteur. Ces amendements n'ont toutefois pas été adoptés par la Haute Assemblée. Les réflexions engagées à ce sujet à la Chancellerie se sont poursuivies au sein du groupe de travail pluridisciplinaire, installé le 31 août 1998, sous la présidence de Mme Dekeuwer-Defossez, et chargé de présenter des propositions de réforme du droit de la famille d'ici le 15 septembre 1999. Il apparaît souhaitable d'attendre les résultats des travaux du groupe avant d'engager la réforme du dispositif en vigueur. C'est en effet dans le cadre d'une étude globale de l'ensemble des questions liées au divorce et à ses conséquences pécuniaires que doit être recherchée une solution tendant à remédier aux difficultés posées par la législation en vigueur relative à la prestation compensatoire. En tout état de cause, il semble difficile de systématiser la suppression de plein droit de la prestation compensatoire en cas de remariage de son bénéficiaire. Une telle solution méconnaîtrait en effet le pouvoir d'appréciation du juge en fonction des circonstances de l'espèce. De plus, la prestation compensatoire est une indemnité forfaitaire versée pour compenser, dans la mesure du possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des conjoints. En instituant la prestation compensatoire, le législateur a voulu que les effets pécuniaires du divorce soient réglés une fois pour toutes lors du prononcé de celui-ci. Pour cette raison la prestation doit en principe être versée en capital et ce n'est qu'à titre subsidiaire, lorsque l'allocation d'un capital n'est pas possible, qu'une rente peut être attribuée. Dès lors, il serait peu justifié que la rente cesse d'être versée de façon automatique en cas de remariage de son créancier. Il paraît également difficile de rendre la prestation compensatoire dans tous les cas intransmissible alors que le créancier est le plus souvent une femme qui s'est consacrée pendant de longues années à l'éducation des enfants et qui, au moment de la séparation peut ne pas être en mesure de retrouver du travail et d'assurer son autonomie financière. Il convient en revanche de rechercher les moyens propres à favoriser le versement de la prestation compensatoire en capital, le cas échéant sous forme d'annuités dont le versement est limité dans le temps.

- page 3238

Page mise à jour le