Question de M. MAMAN André (Français établis hors de France - UC-R) publiée le 29/07/1999

M. André Maman appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la proposition que vient de présenter la Commission européenne, visant à combattre le blanchiment de capitaux. Il lui rappelle, en effet, que la Commission a présenté récemment une proposition devant actualiser et étendre le champ d'application d'une directive de 1991, tendant à renforcer les dispositions de lutte contre le blanchiment de capitaux. Cette proposition obligerait les Etats membres à combattre le blanchiment du produit de toute forme de criminalité et de fraude organisées, portant atteinte au budget de l'Union européenne, alors que les obligations prévues par la directive actuelle ne s'appliquent qu'au produit des infractions liées à la drogue. La nouvelle disposition étendrait aussi le champ d'application de la directive actuelle (limité au secteur financier) à diverses activités et professions de nature non financière, vulnérables au risque de blanchiment. Les modifications proposées constituaient l'une des priorités du plan d'action, prévu pour les services financiers, adopté au Conseil européen de Cologne, en juin 1999. Les nouvelles règles seraient conformes aux directives internationales, relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux, établies par le Groupe d'action financière sur le blanchiment des capitaux (GAFI). En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui faire connaître la position que son ministère entend défendre à l'égard de cette proposition, qui semble aller dans le bon sens.

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Réponse du ministère : Économie publiée le 07/10/1999

Réponse. - Le collège des commissaires a adopté le 14 juillet dernier une proposition de modification de la directive du 10 juin 1991, relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment. Cette proposition vise essentiellement à élargir le champ de " l'incrimination pénale du blanchiment et de la déclaration de soupçons " (actuellement limité aux infractions liées au trafic de drogues), et à soumettre des professions non financières aux obligations prévues par la directive. Sur le premier point, la Commission propose d'étendre l'application des obligations prévues par la directive à la participation à des activités liées à la criminalité organisée et à la fraude, la corruption ou toute autre activité illicite portant atteinte ou susceptible de porter atteinte aux intérêts financiers des Communautés européennes. Ce faisant, la Commission prend acte des progrès déjà réalisés au sein de la quasi-totalité des Etats membres de l'Union européenne qui, sous l'impulsion du Groupe d'action financière sur le blanchiment des capitaux (GAFI), ont considérablement élargi la gamme des infractions sous-jacentes au blanchiment d'argent. La France est le pays de l'Union qui est allé le plus loin en la matière, la loi nº 96-392 du 13 mai 1996 ayant étendu le délit de blanchiment aux produits de tout crime ou délit. Pour la France, ce projet n'induirait donc aucune modification du champ de l'incrimination pénale. Il se traduirait en revanche par un élargissement du champ de l'obligation de déclaration des transactions suspectes à la fraude, la corruption ou toute autre activité illicite portant atteinte ou susceptible de porter atteinte aux intérêts financiers des Communautés européennes. Cette proposition va clairement dans le bon sens et sera donc soutenue. Sur le second point, la proposition de la Commission est très novatrice. Elle vise à soumettre un nombre important de nouvelles professions (personnes physiques ou morales) aux obligations prévues par la directive, notamment : les gérants, propriétaires et directeurs de casinos, les commissaires aux comptes et comptables, les notaires et autres membres des professions juridiques indépendantes comme les avocats (dans certaines conditions), les agents immobiliers, les marchands d'articles de grande valeur et les transporteurs de fonds. La France a déjà réalisé des progrès dans cette voie en soumettant tous les professionnels qui contrôlent, conseillent ou réalisent des transactions immobilières (loi nº 98-546 du 2 juillet 1998) aux obligations de prévention et de détection du blanchiment d'argent (qui comprennent notamment l'identification des clients et la déclaration des transactions suspectes à Tracfin). La proposition de la Commission semble bien équilibrée, tenant compte à la fois de la position privilégiée de ces professions pour détecter les man uvres visant à blanchir de l'argent sale, et des missions particulières qui leur sont confiées et qui justifient certains aménagements. Par exemple, la Commission a pris soin d'exclure du champ d'application de sa proposition de réforme les avocats agissant dans le cadre de la représentation ou de la défense d'un client dans une procédure judiciaire. Si les modalités d'application de ces dispositions exigent un examen attentif, le principe mérite d'être soutenu. Au total, cette proposition de la Commission européenne paraît répondre de manière adéquate au besoin de modernisation de la législation européenne, qui était jusqu'ici quelque peu en retrait par rapport aux avancées réalisées par le GAFI depuis 1996. L'adoption de cette proposition par les Etats membres et le Parlement européen permettrait à l'Union européenne de reprendre le leadership mondial dans la lutte contre la délinquance financière.

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