Question de M. DUFFOUR Michel (Hauts-de-Seine - CRC) publiée le 28/10/1999

M. Michel Duffour appelle l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur les conséquences qu'entraîne pour la vie des salariés l'intransigeance des directions des grandes entreprises. C'est ainsi que CEGELEC, filiale d'ALCATEL-ALSTHOM pour le bâtiment, se permet de licencier et de mettre à pied du personnel protégé et non protégé dont la seule faute est d'avoir fait grève pour faire respecter des avantages acquis et d'avoir occupé les locaux de Nanterre, décision prise par la majorité des salariés devant le refus de négocier de la direction. C'est une remise en cause inacceptable du droit de grève. Le groupe entier refuse d'aborder les questions de la réduction du temps de travail avec les représentants du personnel et, en préalable à toute discussion, procède à une remise en cause des avantages acquis dans le cadre des conventions collectives. Ce faisant, le groupe se comporte comme s'il voulait faire payer, par anticipation, les 35 heures en supprimant la prime d'outillage, les temps de pause dans la durée effective du temps de travail. L'émoi est grand parmi les salariés qui ont pris au pied de la lettre les décisions gouvernementales et parlementaires concernant la réduction du temps de travail. Rappelant que des collègues députés l'ont également interpellée sur cette question, il lui demande ce qu'elle compte faire pour ramener à la raison les dirigeants des grandes entreprises et que cesse leur jeu de massacre de vies humaines.

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Réponse du ministère : Ville publiée le 10/11/1999

Réponse apportée en séance publique le 09/11/1999

M. Michel Duffour. Monsieur le ministre, si j'attire votre attention sur le comportement de la direction de grandes
entreprises, c'est bien parce que la réduction du temps de travail est un acte majeur de ce gouvernement et que la
réussite de ce projet constituera - c'est mon voeu le plus cher - une avancée significative.
Sans ouvrir à nouveau le débat qui s'est tenu ici même, nous voyons que, si la réduction du temps de travail rencontre
un écho favorable chez les salariés, les craintes sont également vives. Ces dernières tiennent pour une grande part à
l'attitude négative de grands groupes qui mènent une bataille offensive pour détourner la réduction du temps de travail de
ses objectifs et créer le sentiment chez de nombreux salariés d'être totalement démunis devant leur toute-puissance.
Cette pression s'exerce souvent en amont de toute discussion sur la réduction du temps de travail et vise à créer un
rapport de forces défavorable au monde des salariés, avant toute amorce de négociation.
C'est ainsi que la direction de Cegelec, filiale d'Alstom, s'acharne sur le sort de treize grévistes qu'elle a pris en otages
sur le site de Nanterre.
Leur seule faute est d'avoir refusé la remise en cause d'acquis comme la prime d'outillage et d'avoir, avec d'autres
salariés, mis en oeuvre la décision, prise à la majorité, d'occuper les locaux face au refus de négocier de la direction.
L'un de ces grévistes est d'ores et déjà exclu. Il a dix-sept ans d'entreprise, après y être entré comme apprenti. Il est
père de quatre enfants, mais cela ne compte pas pour la direction de l'entreprise.
La procédure engagée est le licenciement pour faute grave. Encore faudrait-il que la direction daigne justifier ce qui
constitue, à ses yeux, une faute grave ! Mais ce n'est pas le cas.
Nous sommes donc dans une situation, désormais trop courante, où la direction d'une grande entreprise n'hésite pas à
jouer sur la lenteur des procédures prud'homales et sur la modicité des sanctions encourues pour engager une épreuve
de force.
Monsieur le ministre, je suis de ceux qui saluent le courage et le réalisme de Mme la ministre de l'emploi et de la
solidarité, qui a su écouter sa majorité plurielle à l'Assemblée nationale, modifier quand il le fallait son projet - je pense
en particulier à la durée effective du temps de travail - et résister au chantage du MEDEF.
Toutefois, monsieur le ministre, ne pensez-vous pas, à la lumière de l'exemple que je viens d'évoquer, qu'il est temps,
comme M. le Premier ministre l'avait initialement envisagé, que le Parlement délibère et décide d'inscrire dans le code
du travail des droits nouveaux pour les salariés, des obligations nouvelles pour les employeurs, bref de limiter les
pouvoirs exorbitants et exclusifs du grand patronat dans les entreprises ?
Enfin, en ce qui concerne le conflit de Nanterre, je vous demande, comme mes collègues députés Jacqueline Fraysse
et Georges Sarre qui l'ont fait avant moi, quelles mesures vous comptez mettre en oeuvre pour annuler les procédures
de licenciement et de mises à pied abusivement engagées par la direction de Cegelec à l'encontre de quelques-uns de
ses salariés, et éviter l'exacerbation des tensions dans la branche des travaux publics, où les relations sociales sont
loin d'être exemplaires.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville. Vous avez appelé mon attention, monsieur le sénateur, sur la
situation des salariés de l'entreprise Cegelec, filiale d'Alcatel-Alstom, qui a pris la décision de licencier ou de mettre à
pied du personnel protégé ou non protégé à la suite d'un conflit avec occupation des locaux à Nanterre.
Les revendications à l'origine de la grève portaient sur le maintien de la prime d'outillage - 3 % du salaire - la mise en
oeuvre des 35 heures avant le 1er janvier 2000 sans perte de salaire et, dans ce cadre, le maintien d'autres avantages
liés aux accords de branche concernant la prime de panier, le travail de nuit et du dimanche, la revalorisation des
indemnités de déplacement.
Ce conflit a donné lieu à une occupation de locaux par les salariés grévistes et à une mesure d'expulsion par la force
publique sur décision de justice.
Les négociations de sortie du conflit ne sont pas terminées. Le tribunal a désigné un médiateur et demandé aux parties
de présenter leurs propositions le 7 novembre au plus tard.
A l'issue de l'occupation, la direction a annoncé son intention de licencier douze salariés.
Pour huit d'entre eux, la sanction a été commuée en mise à pied de trois mois. Un salarié non protégé a été licencié
pour faute lourde et le conseil des prud'hommes statuera sur cette plainte aujourd'hui même.
L'inspection du travail a été saisie d'une demande d'autorisation de licenciement pour trois représentants du personnel
et les décisions devraient être notifiées dans l'entreprise dans les jours qui viennent.
Ce dossier fait l'objet d'une attention particulière de la part de l'inspection du travail et du ministère de l'emploi et de la
solidarité au moment où, ainsi que vous avez eu l'occasion de le souligner, monsieur le sénateur, la loi sur la réduction
du temps de travail doit permettre un réel approfondissement de la démocratie dans l'entreprise. Il faut ainsi que nous
puissions démontrer que, dans le cadre de la négociation, on peut appliquer cette loi pour établir ce « gagnant-gagnant
» qu'a eu l'occasion de développer Mme la ministre de l'emploi devant vous : l'entreprise doit renforcer sa production tout
en mettant en place, dans le même temps, des conditions de travail et de temps de vie plus agréables pour les salariés
et en créant de l'emploi.
C'est la raison pour laquelle Mme Aubry m'a demandé de vous dire qu'elle suivait particulièrement le déroulement de ce
conflit, et nous examinerons, le cas échéant, les conclusions qu'il faudra en tirer.
M. Michel Duffour. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre.
J'ai pris bonne note que le ministère suivait avec attention le déroulement du conflit, d'autant qu'il s'agit d'une branche où
les tensions sont souvent extrêmement vives.
Mon voeu le plus cher est que l'attention que vous y portez trouve ses effets et que le conflit se termine de manière
positive.

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