Question de M. DEMERLIAT Jean-Pierre (Haute-Vienne - SOC) publiée le 01/03/2000

M. Jean-Pierre Demerliat souhaite attirer l'attention de Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur les dégâts très importants que causent les ragondins dans de nombreux départements dont celui de la Haute-Vienne. Ce rongeur, qui attaque les cultures et les productions agricoles, et qui peut aussi être porteur et vecteur de nombreuses maladies transmissibles à d'autres espèces ou même à l'homme, se développe de plus en plus malgré les luttes collectives conduites régulièrement. De même, les terriers creusés dans les berges ou les digues entraînent des préjudices importants et onéreux pour les collectivités ayant la charge de leur entretien. C'est pourquoi il lui demande s'il peut être envisagé de classer cet animal parmi les nuisibles afin de permettre aux groupements de défense contre les ennemis des cultures notamment, de lutter plus efficacement et avec les moyens adaptés contre le ragondin.

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Réponse du ministère : Aménagement du territoire publiée le 05/04/2000

Réponse apportée en séance publique le 04/04/2000

M. le président. La parole est à M. Demerliat, auteur de la question n° 733, adressée à Mme le ministre de
l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Jean-Pierre Demerliat. Madame la ministre, je souhaiterais attirer votre attention sur l'évolution inquiétante de la
population des ragondins dans nos campagnes, et plus particulièrement dans le département que je représente ici, la
Haute-Vienne.
Originaire d'Amérique du Sud, cet animal a proliféré en France dans les années soixante après s'être échappé des
élevages destinés à la production de fourrure. Depuis cette période, il n'a cessé de se multiplier, causant ainsi de très
importants dégâts, tant aux cultures qu'aux ouvrages hydrauliques.
En effet, herbivore peu sélectif, il s'attaque à une grande variété de cultures et de productions agricoles, telles que le
maïs, les oléagineux, les céréales, les cultures légumières, les plantations de peupliers ou les prairies. De même, le
creusement de terriers par le ragondin accélère l'érosion des berges, contribue ainsi à l'envasement des voies d'eau et,
parfois, concourt à déstabiliser des ouvrages construits tels que les digues, les barrages et mêmes les routes.
Ces dégâts entraînent évidemment des préjudices importants et onéreux pour les collectivités qui sont chargées de
l'entretien de ces ouvrages.
Par ailleurs, il convient de souligner que cet animal peut être porteur de nombreuses maladies transmissibles à d'autres
espèces, voire à l'homme.
Aujourd'hui, malgré les luttes collectives conduites régulièrement dans les zones favorables à ces rongeurs, ces
derniers continuent malheureusement à se multiplier, et il est clair que les moyens dont disposent les fédérations
départementales des groupements de défense contre les ennemis des cultures sont insuffisants.
Ces groupements, qui doivent, aux termes du code rural, assurer la lutte collective contre les organismes nuisibles aux
cultures, rencontrent, en l'occurrence, bien des difficultés pour endiguer la prolifération du ragondin, classé gibier sur le
plan national mais également nuisible dans certains départements.
C'est pourquoi je vous demande, madame la ministre, de bien vouloir faire étudier tous les moyens qui permettront
sinon l'éradication de cette espèce, tout au moins la régulation efficace de sa présence.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le sénateur, le
ragondin est un gibier dont la chasse est autorisée, en vertu de l'arrêté ministériel du 26 juin 1987.
Le ragondin est également soumis à la réglementation sur les animaux nuisibles. Il figure en effet dans l'arrêté du 30
septembre 1988, qui fixe la liste des animaux susceptibles d'être classés nuisibles dans un département.
Ce classement permet aux propriétaires ou à leurs fermiers d'assurer la défense préventive de leurs propriétés contre
les dommages provoqués par des animaux tels que les lapins, les sangliers ou les ragondins.
Conformément à l'article R. 227-6 du code rural, « dans chaque département, le préfet détermine les espèces d'animaux
nuisibles parmi celles figurant sur la liste nationale, en fonction de la situation locale, et pour l'un des motifs ci-après :
dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ; pour prévenir des dommages importants aux activités agricoles,
forestières et aquacoles ; pour la protection de la flore et de la faune. »
Dans les départements où ils sont classés nuisibles, les ragondins peuvent être détruits par le piégeage et par le tir.
C'est notamment le cas dans la Haute-Vienne.
Par ailleurs, une autre réglementation, gérée par le ministère de l'agriculture et de la pêche au titre de la protection des
végétaux, permet de lutter contre les « organismes nuisibles », ennemis des cultures. Au titre de cette réglementation,
des campagnes de lutte collective sont menées contre le ragondin en faisant appel au piégeage, mais parfois aussi à
l'empoisonnement avec des appâts qui contiennent des anticoagulants.
Le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement privilégie les opérations de lutte qui s'inscrivent dans
une stratégie intégrée portant d'abord sur les causes du développement de populations de rongeurs. Faute d'une telle
stratégie, les campagnes de destruction sont d'une efficacité limitée et doivent être renouvelées fréquemment.
Quand les destructions s'avèrent nécessaires, le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement
recommande donc le piégeage. En effet, l'emploi de substances toxiques présente des risques d'empoisonnement
majeurs pour d'autres espèces que le ragondin, soit par consommation directe des appâts, soit par consommation de
ragondins empoisonnés.
C'est dans un contexte similaire qu'a été autorisé, voilà deux ans, l'emploi de bromadiolone pour réguler des populations
de campagnols dans ma région. Les dégâts absolument considérables constatés sur la faune sauvage ont conduit non
seulement les protecteurs de l'environnement, mais aussi les chasseurs et les agriculteurs à demander une suspension
de cette expérience, qui s'est révélée désastreuse.
Vous l'aurez compris, monsieur le sénateur, mon ministère préconise le recours au piégeage et au tir d'un animal qui
est chassable et qui est soumis à la réglementation sur les animaux nuisibles.
M. Jean-Pierre Demerliat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat. Madame la ministre, je vous remercie des précisions que vous venez de m'apporter.
Mais, sans aller jusqu'à préconiser l'importation massive du prédateur naturel de cet animal qui, comme chacun le sait,
est l'alligator (sourires), peut-être pourrions-nous étudier d'autres pistes ?
Je partage tout à fait votre point de vue, madame la ministre, à savoir que l'empoisonnement peut se révéler dangereux
pour d'autres espèces, voire pour l'homme, lorsque ce dernier ingère des produits dérivés.
Vous avez évoqué le piégeage et le tir. Pourquoi ne pas allier les avantages de la destruction de cet animal à des
activités sportives, voire ludiques ? On m'a dit que, si le tir à l'arc de ce gibier était autorisé toute l'année, de
nombreuses personnes qui aiment exercer leur art dans la nature seraient intéressées. De même, pourquoi ne pas
autoriser toute l'année le déterrage, qui, m'a-t-on dit, est un moyen extrêmement efficace de combattre la prolifération
des ragondins ? De nombreux équipages se feraient en effet un devoir mais aussi un plaisir de s'adonner à cette
activité.
Madame la ministre, je livre ces quelques pistes à votre sagacité et je vous remercie de la suite que vous voudrez bien
y donner.

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