Question de M. HUCHON Jean (Maine-et-Loire - UC) publiée le 16/03/2000

M. Jean Huchon appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur le marasme persistant du marché des fruits et spécialement de la pomme. Il lui rappelle les conséquences désastreuses du boycott britannique et la présence en début de campagne d'un stock important en provenance de l'hémisphère Sud. Pour un prix de revient " bord verger " de 2 francs le kg environ, il semble que les producteurs ne recevront qu'un prix de 1,50 franc environ. Le manque à gagner pour les producteurs serait actuellement d'environ 750 000 000 de francs et pourrait doubler d'ici à la fin de la campagne. Beaucoup d'exploitations ne peuvent faire face aux charges inhérentes à cette spéculation exigeante en main d' oeuvre. Beaucoup sont en situation de dépôt de bilan et de cessation d'activité. Il lui demande en conséquence quelles mesures concrètes il entend prendre pour sauver cette production importante de notre agriculture.

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Réponse du ministère : Équipement publiée le 05/04/2000

Réponse apportée en séance publique le 04/04/2000

M. le président. La parole est à M. Huchon, auteur de la question n° 751, adressée à M. le ministre de l'agriculture et
de la pêche.
M. Jean Huchon. Monsieur le ministre, j'ai l'honneur d'attirer votre attention sur le marasme que subit le secteur des
fruits et légumes, et plus particulièrement le marché de la pomme.
Plusieurs raisons expliquent cette désastreuse situation, qui met en péril un pan important de l'agriculture française. En
effet, le marché de la pomme était jusqu'à présent une production particulièrement développée et utilisatrice de
main-d'oeuvre.
Hélas, pour des raisons étrangères aux producteurs de fruits, en l'occurrence le boycott décidé par le Royaume-Uni à la
suite des incidents et du blocage des importations de viande anglaise consécutifs à l'épidémie d'encéphalopathie
spongiforme bovine, le marché anglais, qui était un débouché intéressant en termes de tonnage et de prix, s'est très
nettement fermé à nos producteurs. Nous y avons été remplacés par les Italiens, mais aussi par d'autres producteurs
européens.
Il en résulte, sur le plan national, une mévente et une baisse des prix, lesquels ne couvrent plus le coût de revient. Il
faut dire que la grande distribution utilise largement cette abondance en exerçant une pression sur les prix totalement
intolérable.
Monsieur le ministre, le Gouvernement peut-il accepter le « massacre » d'une activité économique parfaitement
respectable et victime d'incidents politico-économiques internationaux dont elle n'est nullement responsable ? Cette
pression sur les prix à la production, qui va rapidement conduire les producteurs à la ruine, est particulièrement
désastreuse. Or les prix au détail n'ont pas baissé. A titre d'exemple, dans les magasins parisiens, le prix des pommes
varie de 12 à 21 francs le kilogramme, alors qu'elles vont être payées au producteur, et ce en juillet prochain seulement,
au prix maximal de 1,60 franc le kilo !
Je souligne que le manque à gagner est énorme. On cite à cet égard des chiffres qui sont évidemment incontrôlables,
et je n'y insisterai pas.
Je souhaite que le Gouvernement prenne l'exacte mesure de la situation où se trouvent aujourd'hui de nombreuses
exploitations, pour lesquelles la production de ces fruits constitue l'activité principale.
Je vous demande en conséquence, monsieur le ministre, quelles mesures concrètes le Gouvernement entend prendre
pour compenser le préjudice subi par les producteurs de pommes du fait du maintien de l'embargo et pour écouler au
mieux les stocks restants d'ici à la fin de la campagne.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, M. Glavany,
qui ne pouvait être présent ce matin au Sénat, m'a demandé de vous communiquer les éléments de réponse qu'il a
préparés à votre intention, ce que je fais bien volontiers.
Le Gouvernement est conscient des difficultés rencontrées par les producteurs de pommes en raison de l'évolution du
marché au cours du second semestre de 1999.
Le début de campagne a en effet été difficile, avec la crise des fruits d'été et la présence en quantité inhabituelle sur le
marché européen de stocks résiduels de pommes de l'hémisphère sud. La situation a été ensuite encore aggravée par
les rétorsions britanniques pratiquées en réponse à l'embargo français sur la viande bovine originaire de
Grande-Bretagne. La pression sur les prix au cours de cette première partie de campagne a été forte dans l'ensemble
de l'Union européenne.
Le Gouvernement a été guidé, dans sa décision de mettre en place cet embargo, par l'application du principe de
précaution et la volonté d'assurer au mieux la sécurité alimentaire du consommateur. Cette position a été bien comprise
par les producteurs de pommes. Elle a cependant indirectement compromis un débouché important.
La filière française avait su, en effet, tirer parti en Grande-Bretagne de ses efforts en matière de qualité et acquérir sur
ce marché une position de tout premier ordre. Les opérateurs français ont fait preuve de détermination devant une
situation nouvelle. Ils se sont ainsi attachés à diversifier leurs destinations d'exportation. Cette attitude prouve la
remarquable capacité de réaction des filières les plus organisées.
Des signes encourageants apparaissent, en ce premier trimestre, sur les marchés tant intérieur que britannique. Ils
permettent d'espérer une meilleure deuxième partie de campagne. Afin de favoriser la reprise, d'assurer la promotion de
la pomme en France et en Grande-Bretagne et de faciliter les expéditions, le Gouvernement débloquera des fonds.
Leurs conditions d'utilisation ont été examinées, en concertation avec l'Office national interprofessionnel des fruits, des
légumes et de l'horticulture, l'ONIFLHOR, dans le souci du meilleur retour au producteur.
En outre, les exploitations les plus durement touchées par cette mauvaise première partie de campagne peuvent obtenir
un soutien immédiat. Les mesures financières et sociales mises en place pour les producteurs de fruits d'été leur sont
étendues. Les exploitations concernées peuvent ainsi bénéficier de mesures d'étalement des cotisations sociales
personnelles mais aussi patronales, d'une prise en charge d'intérêts d'emprunts et d'un aménagement des échéances
ou encours.
Par ailleurs, dès la fin de la campagne, les aides au renforcement des exploitations de l'organisation économique, après
mise en place par l'ONIFLHOR pour les produits d'été, seront étendues aux producteurs de pommes. En vue de leur
mise en oeuvre, des audits individuels d'exploitation pourront être réalisés dès la fin de la campagne 1999-2000. Des
moyens exceptionnels seront alors dégagés pour répondre aux difficultés rencontrées.
Enfin, le gouvernement français suivra avec vigilance l'évolution du volume des importations en provenance de
l'hémisphère sud pour la nouvelle campagne. Il demandera à la Commission européenne de faire jouer les mécanismes
existants.
M. Jean Huchon. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Huchon.
M. Jean Huchon. Monsieur le ministre, je vous remercie de m'avoir communiqué ce message concernant un secteur
ne relevant pas de vos responsabilités ministérielles.
La réponse de M. Glavany ne peut me satisfaire totalement, mais j'ai quand même noté un certain nombre de points
positifs, notamment le recours envisagé à la clause de sauvegarde visant à éviter les importations massives en
provenance des pays de l'hémisphère sud, qui constituent pour nos producteurs une concurrence insurmontable.
Il faut en effet souligner que ces pommes sont produites dans des conditions relevant de l'esclavagisme caractérisé. Je
ne manquerai pas de le rappeler à M. Glavany, car ce secteur des fruits et légumes mérite la considération. Il
représente de nombreux emplois et revêt une grande importance pour l'agriculture française.

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