Question de M. LEGENDRE Jacques (Nord - RPR) publiée le 16/03/2000

M. Jacques Legendre attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la situation ambiguë des communes de Boursies, Doignies et M oeuvres, qui sont situées dans l'arrondissement de Cambrai, mais forment une enclave du département du Nord, dont elles sont séparées par la commune de Graincourt-lès-Havrincourt, dans celui du Pas-de-Calais. Quoique situées dans le Nord, ces communes sont dotées d'un code postal du Pas-de-Calais, commençant par 62. Leurs voitures sont évidemment immatriculées 59, mais l'entretien des routes relève de la direction de l'équipement du Pas-de-Calais. De plus, ces communes viennent de se voir privées du bénéfice de l'Objectif 2, pourtant accordé à toutes les communes du canton de Marcoing, dont elles relèvent, au prétexte que les cantons du Pas-de-Calais au milieu desquels elles se trouvent sont eux aussi en dehors de l'Objectif 2. Une telle situation créant un fort sentiment d'exclusion et d'injustice dans ces communes, il lui demande quelles mesures il compte prendre, en liaison avec tous les ministres concernés, pour que les trois communes de Boursies, Doignies et M oeuvres puissent se sentir à part entière des communes du Cambrésis.

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Réponse du ministère : Logement publiée le 26/04/2000

Réponse apportée en séance publique le 25/04/2000

M. le président. La parole est à M. Legendre, auteur de la question n° 758, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Jacques Legendre. Ma question s'adressait à M. le ministre de l'intérieur, mais je suis heureux qu'elle puisse être
posée en présence d'un membre du Gouvernement originaire du département du Nord, qui est donc particulièrement à
même d'en comprendre l'aspect géographique.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il existe, dans le département du Nord, une curiosité qui remonte à la Révolution et dont
les origines sont peut-être médiévales : les trois communes de Boursies, Doignies et Moeuvres forment une enclave du
département du Nord - plus précisément du canton de Marcoing, arrondissement de Cambrai - dont elles sont séparées
par la commune de Graincourt-lès-Havrincourt, dans le département du Pas-de-Calais.
Tout cela ne poserait sans doute pas de problème particulier si ces communes, à l'occasion de la récente refonte de la
carte des aides de l'objectif 2, ne s'étaient vu traitées différemment de leur canton et de leur arrondissement, qui se
trouvent en entier couverts par l'objectif 2.
Les maires et leurs concitoyens se demandent donc s'ils font bien partie de leur département et de leur arrondissement
: si leurs voitures sont immatriculées 59, département du Nord, les routes sont entretenues par la direction
départementale de l'équipement du Pas-de-Calais, et - c'est plus gênant pour l'identité - leurs codes postaux sont ceux
du Pas-de-Calais, ce qui leur rend souvent difficile l'explication de leur situation.
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, ces habitants ressentent actuellement une certaine frustration : ils subissent
un grave sinistre industriel, que connaît bien Mme Demessine, sinistre qui menace plusieurs centaines d'emplois. Or, si
le canton dont ils font partie va bénéficier d'une aide importante, grâce à son classement en objectif 2, eux s'en trouvent
écartés. Voilà qui les amène parfois à se demander où ils en sont, de quelle entité ils font partie.
Par conséquent, je demande au Gouvernement quelles mesures il compte prendre pour mettre un terme à cette
situation d'exclusion, qui n'a d'explication qu'historique, et pour que ces trois communes de Boursies, Doignies et
Moeuvres puissent se sentir à nouveau à part entière des communes du Cambrésis.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement. Monsieur le sénateur, votre question était adressée à M. le ministre
de l'intérieur, mais puisqu'elle vise principalement les problèmes de classement des territoires par la Commission
européenne ou les récents contrats de plan, Mme Voynet a préparé les éléments de réponse que je vais maintenant
vous transmettre.
Votre question concerne trois communes rurales de l'arrondissement de Cambrai et du département du Nord qui,
séparées de ceux-ci par seulement quelques centaines de mètres, forment une enclave au sein de l'arrondissement
d'Arras et du département du Pas-de-Calais. Le Gouvernement convient avec vous que ce découpage administratif est
singulier, mais il se retrouve à la même échelle dans quelques autres départements, tels que ceux des
Hautes-Pyrénées, qui possède des enclaves dans les Pyrénées-Atlantiques, et du Vaucluse, qui a une enclave dans la
Drôme.
M. Charles Descours. A cause du pape ! (Sourires.)
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Bref, il existe plusieurs autres situations comparables, et il est donc difficile
d'envisager des solutions partielles.
Cette réalité témoigne, comme vous l'avez laissé entendre, de particularités anciennes liées aux territoires épiscopaux -
il ne s'agit pas tout à fait du pape ! (Sourires) - prises en compte voilà deux siècles lors de la définition des
départements et du découpage administratif de la France. Mme Voynet reconnaît tout à fait que cet héritage est bien
éloigné de l'actuelle situation humaine, économique et sociale de notre territoire et que ces trois communes, pour en
rester au cas particulier que vous évoquiez, monsieur le sénateur, relèvent à la fois, comme les autres communes de ce
secteur, de la réalité administrative du Pas-de-Calais et de la dynamique économique propre à cet espace situé aux
confins de l'Arrageois et du Cambrésis.
C'est ainsi que, en toute logique, les services publics de proximité desservant ces communes, comme La Poste ou les
services techniques extérieurs de l'Etat, relèvent du Pas-de-Calais.
C'est tout aussi logiquement que l'Etat, en application des orientations arrêtées par l'Union européenne et définies par la
Commission européenne pour la détermination des zonages des aides à finalité régionale, en particulier en ce qui
concerne la prime d'aménagement du territoire, et l'éligibilité aux fonds structurels - l'objectif 2 - a défini des périmètres
économiquement, socialement et écologiquement homogènes. Ils ont été arrêtés à la suite d'une large concertation
menée par les préfets, à laquelle vous avez dû être associé, monsieur le sénateur, au titre de vos mandats
parlementaire, régional et local.
Cette primauté de la cohérence « vécue » conduit donc à un traitement homogène de ces trois communes et de leur
environnement socioéconomique. Elles n'ont pas été retenues au titre de l'objectif 2, car la « zone d'emploi » dont elles
relèvent ne présente pas, de manière globale, de caractéristiques répondant aux critères de situation moyenne -
chômage ou niveau de revenus - ou de difficultés spécifiques liées, par exemple, à l'inscription en zone de revitalisation
rurale ou en zone urbaine sensible.
En outre, aucune démarche d'intercommunalité de projet - sous forme de constitution de pays, par exemple, ou
d'engagement de gestion et de solidarité, par le biais de la création d'une communauté de communes à taxe
professionnelle unique - ne pouvait justifier un « rattachement » fondé sur une volonté locale clairement affichée ou sur
une manifestation de solidarité entre collectivités.
En l'état actuel des choses, Mme Voynet a estimé que c'est dans cette dernière voie qu'il convient d'encourager ces
communes à s'engager, avec celles du secteur de Marquion, afin que ce territoire puisse se doter d'une démarche
collective de développement qui soit cohérente avec les initiatives engagées par l'agglomération de Cambrai. Cela lui
permettrait de tirer le meilleur parti de la qualité de sa desserte, des savoir-faire locaux et de son niveau d'équipement.
C'est en effet la particularité et l'intérêt mêmes des pays que de pouvoir transcender des découpages administratifs,
notamment départementaux, et de fédérer les énergies à l'échelle de la « réalité de vie » des territoires.
L'expérience acquise par l'ouest du Cambrésis en matière de développement devrait permettre de mener à bien cette
démarche, dans l'optique du volet territorial du contrat de plan Etat-région, dès lors que celui-ci aura été approuvé -
peut-être après-demain - par le conseil régional du Nord - Pas-de-Calais.
Tels sont les éléments de réponse, monsieur le sénateur, que ma collègue a souhaité que je vous transmette.
M. Jacques Legendre. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Legendre.
M. Jacques Legendre. Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne vous étonnerai pas si je vous dis que votre réponse, même
si elle fait appel à la « réalité vécue », me paraît plus... administrative - soyons gentil ! - que compréhensible par les
élus et par la population.
Comme vous l'avez indiqué, les trois communes en question ne sont séparées que de quelques centaines de mètres du
reste du canton auquel elles appartiennent, qui sera éligible au titre de l'objectif 2. Comment voulez-vous que la
population et les élus comprennent que, à quelques centaines de mètres près, ils ne bénéficieront pas de ce
classement, alors même que, dans ce canton, à quelques kilomètres de là, deux cents emplois sont actuellement
menacés, ce qui n'a pas été pris en compte ?
Vous avez fait allusion à la consultation des parlementaires. Je peux vous dire à cet égard que les parlementaires
concernés - tous les parlementaires, pas seulement votre serviteur - se sont battus pour que leur arrondissement reste
entièrement éligible au titre de l'objectif 2. Une assurance nous avait été donnée en ce sens ; or, voilà que nous
découvrons au dernier moment que trois communes, parce qu'elles sont séparées de quelques centaines de mètres du
reste de l'arrondissement, ne seront pas traitées de la même manière. Cela pose un vrai problème d'identité.
Je souhaiterais, je le répète, que l'on ne renvoie pas simplement à des démarches locales le règlement de ce problème.
Ces communes ont déjà entrepris une démarche d'intercommunalité : elles ont formé une communauté de communes
rurales dénommée « communauté de l'enclave ». Etait-il nécessaire qu'elles adoptent la taxe professionnelle unique ?
Etant donné qu'elles ne perçoivent actuellement presque pas de taxe professionnelle, ce n'est sûrement pas leur
problème essentiel.
Quant à dire, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il serait bon que nous constituions un pays, je vous indique que nous
avons justement engagé une démarche pour créer un « pays du Cambrésis ». Les trois communes en question seront
évidemment sollicitées pour en faire partie, mais la « coupure » géographique sera maintenue.
Nous avons également proposé que les communes du canton de Marquion, dans le Pas-de-Calais, puissent si elles le
souhaitent - et seulement dans ce cas - se rattacher à ce pays. En effet, elles font en réalité partie du bassin de vie de
l'agglomération de Cambrai.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite donc que le Gouvernement pousse plus avant sa réflexion avec les
administrations concernées, s'agissant en particulier des rattachements postaux. Il est en effet aberrant que des
communes du département du Nord se voient attribuer un code postal commençant par « 62 » et non pas par « 59 »,
comme le voudrait la logique. Ce fait est incompréhensible pour les correspondants des habitants de ces communes.
Telles sont les quelques remarques que je voulais faire. Nous avons besoin, monsieur le secrétaire d'Etat, d'un certain
soutien du Gouvernement, du ministère de l'intérieur et des autorités préfectorales pour trouver la meilleure solution, afin
que ces trois communes enclavées puissent vivre en osmose avec les autres communes de leur canton et de leur
arrondissement, auxquelles les lie une solidarité très ancienne.
M. le président. En guise de transition avec la question suivante, je soulignerai, monsieur le secrétaire d'Etat, que les
habitants de la commune de La Grave, située dans les Hautes-Alpes, et donc dans la région Provence-Alpes-Côte
d'Azur, ne captent que les émissions de la station grenobloise de France 3 !

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