Question de M. MAUROY Pierre (Nord - SOC) publiée le 28/04/2000

Question posée en séance publique le 27/04/2000

M. le président. La parole est à M. Mauroy.
M. Pierre Mauroy. Monsieur le ministre de l'intérieur, la mort tragique du jeune Riad Hamlaoui, survenue dans la nuit
du 15 au 16 avril dernier dans le quartier de Lille-Sud, a provoqué une émotion extrême, une lourde colère durant
plusieurs jours, et des actes de violence ont frappé l'opinion.
En ce qui concerne les faits eux-mêmes, la justice suivra son cours, bien sûr ; je veux d'ailleurs saluer ici la capacité
de réaction du ministère public, dans la journée du 16 avril, qui a qualifié cette mort d'homicide volontaire. Vous vous
êtes exprimé vous-même, monsieur le ministre, ce dont je vous remercie, et Mme Aubry a eu, hélas ! également
l'occasion de le faire.
Monsieur le ministre, comment le Gouvernement réagit-il face à des événements d'une telle ampleur ?
Il m'est apparu qu'il existait une réelle incompréhension entre une partie de la population et certaines forces de police,
je pense en particulier à la brigade anti-criminalité, qui effectue un travail difficile de maintien de l'ordre. Son intervention
est indispensable, mais sa fonction, par nature essentiellement répressive, peut susciter des réactions négatives.
Loin de moi, monsieur le ministre, l'idée de mettre en cause la qualité des relations de travail et de confiance entre la
police nationale et la mairie de Lille. La signature d'un contrat local de sécurité témoigne d'ailleurs de cet esprit de
concertation.
La mise en place de la police de proximité, que vous avez initiée, entraîne une large adhésion de la part non seulement
des élus, mais aussi de la population, en particulier des jeunes. Cette police de proximité est une excellente initiative,
dont l'ampleur dépasse largement l'ancien îlotage. La police de proximité, qui est réclamée, permet au policier d'être
connu et reconnu des habitants.
Je souhaite, monsieur le ministre de l'intérieur, que ce dispositif en place soit encore élargi en effectifs, mais aussi dans
le temps et dans l'espace. Dans le temps pour couvrir toute la journée, le soir et les week-ends. Dans l'espace, car il
n'y a pas qu'un seul quartier difficile à Lille.
La commission sur la décentralisation, dont M. le Premier ministre m'a confié la présidence, travaille bien entendu sur
les problèmes de sécurité.
Il est essentiel d'élargir fortement la place que doit prendre cette police de proximité, de créer des commissariats, des
bureaux de police, car une police comme la brigade anti-criminalité ne peut pas être véritablement une police du
quotidien. Or, dans certains quartiers, une police du quotidien est nécessaire.
Vous avez lancé le mouvement, monsieur le ministre, il faut très rapidement l'élargir. (Applaudissements sur les travées
socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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Réponse du ministère : Intérieur publiée le 28/04/2000

Réponse apportée en séance publique le 27/04/2000

M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, le drame qui s'est produit le 16 avril
dernier, au cours duquel le jeune Riad Hamlaoui a trouvé la mort, a entraîné une vive émotion non seulement dans la
population, mais également dans toute l'institution de la police nationale, et chez moi-même, qui en ai la charge.
Il ne s'est pas passé douze heures avant que le policier, qui a commis une faute incontestable, ait été suspendu, ait été
déféré à la justice. Celle-ci devra se prononcer en toute impartialité.
A partir de là, vous le savez, des émeutes se sont produites qui ont entraîné l'incendie de plus de 100 véhicules. Il a été
procédé à 127 interpellations et 23 personnes ont été déférées à la justice, car, bien évidemment, l'Etat ne peut pas
laisser commettre des exactions à l'encontre des biens publics et privés.
Je me plais à souligner le rôle qu'ont joué la municipalité de Lille, vous-même, monsieur le maire, Mme Aubry, le
recteur de la mosquée, M. Amar Lasfar, et beaucoup d'autres pour ramener le calme dans ces quartiers de Lille-Sud,
cela afin que l'effort de six mois ne soit pas anéanti, six mois pendant lesquels avait été expérimentée la police de
proximité qui va être généralisée dans cinq circonscriptions de police du Nord à partir du 1er juin prochain.
Vous l'avez dit, mais je veux le redire avec force, cette tragédie ne doit pas remettre en cause l'effort qui est fait pour
rapprocher la police de la population. La police de proximité implique à la fois la territorialisation de l'action de la police,
la responsabilisation des équipes dans les quartiers, une action polyvalente de cette police en liaison étroite avec
l'ensemble des intervenants, dont la mairie de Lille puisqu'un contrat local de sécurité a été signé. Cet effort ne doit pas
être interrompu. Il a d'ailleurs toute sa légitimité dans un cadre plus général : le dialogue engagé avec l'Islam, le
recrutement de policiers à l'image de la population.
Nous voulons donc poursuivre cet effort et, bien évidemment, pour cela il faut renforcer la présence de la police dans le
temps. Nous y veillons. La nuit, ce n'est guère possible.
M. Pierre Mauroy. C'était le soir.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Le policier qui est intervenu à minuit et demi appartenait non
pas à une brigade anticriminalité mais à une brigade cynophile.
Il est possible d'étendre la plage horaire des présences, de renforcer les effectifs. J'ai fait des propositions en ce sens à
M. le Premier ministre.
Dès cet automne, les 2 400 policiers en surnombre, dont l'affectation a été acceptée par le Premier ministre, seront mis
sur le terrain pour compenser les départs à la retraite, qui s'étaient, vous le savez, accélérés.
En tout cas, s'agissant de l'événement qui s'est produit, rien ne doit nous amener à changer de cap. (Applaudissements
sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, je salue la présence au banc du Gouvernement de M. le Premier ministre, venu
participer à nos travaux, et que nous accueillons, bien sûr, avec satisfaction.

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