Question de M. DESCOURS Charles (Isère - RPR) publiée le 10/05/2000

M. Charles Descours attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les graves irrégularités qu'entraînerait le processus électoral tel qu'il est actuellement envisagé pour les sénatoriales. En effet, le Gouvernement a décidé de modifier le nombre de grands électeurs appelés à élire les sénateurs en en désignant 1 pour 300 proportionnellement à la population de chaque commune, ceci en se basant sur le rencensement de 1999. Or, à la suite du vote du Sénat, le nombre total des sénateurs ne sera pas augmenté. Dans ces conditions, s'il n'est pas modifié, il resterait tel qu'il est aujourd'hui, c'est-à-dire basé sur le recensement de 1982. Il lui pose donc trois questions : 1º) Le décret convoquant les grands électeurs pour l'élection des sénateurs peut-il se baser pour la même consultation électorale, sur deux recensements effectués à 17 ans d'intervalle, alors que la logique de désignation des grands électeurs et des sénateurs repose sur un principe de proportionnalité avec la population ? 2º) Si oui, comment sont représentés les 8 millions de Français supplémentaires apparus entre ces deux recensements (17 ans !) ? 3º) Lui paraît-il logique, dans ces conditions, que certains sénateurs représentent beaucoup moins de 100 000 Français et d'autres beaucoup plus de 250 000, soit 2,5 fois plus ? Il le remercie de bien vouloir lui apporter une réponse constitutionnelle sur ces différents points.

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Erratum : JO du 01/06/2000 p.1983


Réponse du ministère : Outre-mer publiée le 31/05/2000

Réponse apportée en séance publique le 30/05/2000

M. le président. La parole est à M. Descours, auteur de la question n° 806, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Charles Descours. Ma question s'adresse au ministre de l'intérieur, mais je suis ravi que M. le secrétaire d'Etat à
l'outre-mer me réponde, car il est certainement tout à fait compétent sur cette question.
Je voulais attirer l'attention de M. Chevènement sur les graves irrégularités qu'entraînerait la mise en oeuvre du nouveau
processus électoral actuellement envisagé pour les élections sénatoriales.
En effet, le Gouvernement a élaboré un projet de loi, qui est en cours d'examen au Parlement, visant à modifier le
nombre de grands électeurs appelés à élire les sénateurs, en en désignant un pour trois cents proportionnellement à la
population de chaque commune, sur la base du recensement de 1999.
Or, à la suite du vote du Sénat - je ne l'ignore pas - le nombre global des sénateurs ne sera pas augmenté. Dans ces
conditions, s'il n'est pas modifié, il resterait tel qu'il est aujourd'hui, c'est-à-dire fondé sur le recensement de 1982.
Je pose donc trois questions à M. le ministre de l'intérieur.
D'abord, le décret convoquant les grands électeurs pour l'élection des sénateurs peut-il se fonder, pour la même
consultation électorale, sur deux recensements effectués à dix-sept ans d'intervalle, alors que la logique de désignation
des grands électeurs et des sénateurs repose sur un principe de proportionnalité avec la population ?
Ensuite, et dans l'affirmative, comment sont représentés les 8 millions de Français supplémentaires apparus entre ces
deux recensements ?
Enfin, lui paraît-il logique et constitutionnel que, dans ces conditions, certains sénateurs représentent beaucoup moins
de 100 000 Français et d'autres beaucoup plus de 250 000, soit 2,5 fois plus ?
Je souhaite avoir une réponse constitutionnelle sur ces différents points.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer. Monsieur le sénateur, vous avez fait référence au projet de
loi relatif à l'élection des sénateurs, actuellement débattu par le Parlement, qui vise à améliorer la représentativité du
Sénat, en modifiant la composition du collège électoral qui est appelé à le désigner. Il combine deux principes.
Le premier est le principe constitutionnel d'égalité du suffrage ou de proportionnalité avec la population, comme vous
l'avez exprimé, qui impose que les deux chambres du Parlement soient élues sur des bases essentiellement
démographiques.
Le second est le principe de la mission de représentation des collectivités territoriales propre au Sénat.
Les résultats définitifs du recensement général de la population n'étant pas connus au moment de l'élaboration de ce
projet de loi, celui-ci ne comportait donc aucune disposition relative à une révision de l'effectif des sénateurs et de leur
répartition entre les départements. L'exposé des motifs annonçait toutefois l'intention du Gouvernement de présenter,
dès la publication des résultats du recensement, un projet de loi fixant les conséquences des évolutions
démographiques constatées.
Aussi, afin de tenir compte des résultats du dernier recensement authentifiés par le décret du 29 novembre 1999, et
pour mettre fin aux inégalités de représentation que vous venez de souligner, monsieur le sénateur, le Gouvernement a
déposé sur le bureau du Sénat, le 23 février dernier, deux projets de loi : un projet de loi organique modifiant le nombre
de sénateurs et un projet de loi modifiant la répartition des sièges de sénateurs entre les départements, conformément
aux modes de calcul retenus depuis le début de la IVe République.
Mais, vous le savez, le Gouvernement n'a pas trouvé grâce aux yeux du Sénat puisque, le 16 mars dernier, la Haute
Assemblée a repoussé, par une question préalable, le projet de loi organique tendant à créer dix-huit sièges de
sénateurs supplémentaires en application de critères que le Sénat avait pourtant lui-même préconisés et mis en oeuvre
dans une proposition de loi devenue la loi du 16 juillet 1976.
En qualité de secrétaire d'Etat à l'outre-mer, je le regrette d'autant plus que ce texte aurait permis de prendre en compte
l'évolution des populations outre-mer, et notamment de créer des sièges de sénateurs supplémentaires en
Nouvelle-Calédonie, en Polynésie, à la Réunion, en Guadeloupe et en Guyane.
Le Gouvernement n'a donc pu que retirer de l'ordre du jour le projet de loi ordinaire qui n'était que la conséquence du
projet de loi organique que le Sénat avait refusé d'examiner. Les élections sénatoriales prendront donc en compte les
répartitions telles qu'elles existent, le Sénat lui-même n'ayant pas voulu les modifier.
Le Gouvernement reste toutefois parfaitement conscient des inégalités démographiques qui subsistent après l'échec de
la réforme proposée. Il reste, en la matière, attentif à toute contre-proposition qui pourrait émaner de votre assemblée
car, comme vous l'avez dit, monsieur le sénateur, ce sont 8 millions de Français supplémentaires qui ne seront pas
représentés de façon équitable, puisque l'évolution de la population française depuis le recensement de 1982 n'a pas
été prise en compte. En conséquence, le Gouvernement est d'accord avec vous, le Sénat ne reflétera pas cette
évolution, en particulier pour les départements les plus urbanisés et les départements d'outre-mer.
S'agissant du projet de loi organique, nous ne pouvons aller à l'encontre de la volonté du Sénat, bien qu'il soit
dommage, je constate que c'est votre avis aussi, que ne soit pas prise en compte une évolution purement arithmétique
révélée par les résultats du dernier recensement. Le décret, qui n'est que l'application des lois votées par le Parlement,
ne pourra donc se fonder que sur la loi existante.
M. Charles Descours. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours. Monsieur le secrétaire d'Etat, tout comme vous, je crois qu'il est bon, effectivement, que les
élections des sénateurs soient fondées sur des principes d'égalité et de proportionnalité, vous l'avez rappelé dans votre
intervention.
Je suis d'accord avec vous pour dire aussi que le projet de loi organique dépend de la volonté du Sénat et que le Sénat
l'a repoussé.
En revanche, la répartition entre les départements dépend d'un projet de loi ordinaire, c'est-à-dire que, même si le Sénat
ne modifie pas le nombre total de sièges, il est tout à fait possible de répartir différemment, entre les départements, le
nombre de sénateurs tel qu'il est aujourd'hui fixé. Le Gouvernement peut donc très bien demander à sa majorité de voter
un projet de loi ordinaire. Le Sénat verra, à ce moment-là, comment il entend le voter.
Si tel n'est pas le cas, je suis obligé de constater que nous serons amenés, je l'espère, à demander l'avis du Conseil
constitutionnel.
Nous ne voyons pas en effet comment, dans le même décret, on peut faire référence à deux recensements qui sont
espacés de dix-sept ans, l'un en ce qui concerne les grands électeurs, datant de 1999 - un pour trois cents - l'autre à
partir duquel a été déterminé le nombre de sénateurs par département, datant de 1982.
Je crois donc que, si le Gouvernement ne veut pas déposer de projet de loi ordinaire sur la répartition différente entre les
départements, nous essaierons de réunir soixante de nos collègues pour demander l'avis du Conseil constitutionnel.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, avouez qu'il est quand même difficile pour le
Gouvernement de déposer un nouveau projet de loi portant sur la répartition des sièges dans le nombre qui est
aujourd'hui fixé. Cela conduirait à prendre en compte les évolutions, positives et négatives, et donc, dans des
départements, à supprimer des sièges, certains départements pouvant ainsi perdre un sénateur et, s'ils en ont deux,
n'en avoir plus qu'un seul ! C'est pourquoi, sur ces questions délicates de répartition, le Gouvernement avait souhaité
que le Sénat fasse des propositions. Avant de demander l'avis du Conseil constitutionnel, la voie des propositions de loi
est toujours ouverte.
Le Gouvernement ayant présenté un projet qui n'a pas été retenu, c'est maintenant aux sénateurs à déposer une
proposition de loi, en tout cas à donner leur avis sur cette répartition au lieu de dire que c'est le Conseil constitutionnel
qui doit trancher.
Je ne peux que confirmer le fait que le décret qui sera pris au moment de la convocation le sera en fonction de la loi en
vigueur qui aura alors été votée par le Parlement.
M. Charles Descours. Je demande la parole.
M. le président. Je fais une entorse à notre règlement en vous donnant de nouveau la parole, mon cher collègue.
M. Charles Descours. Merci, monsieur le président.
Je pense que le décret qui convoquera les électeurs pour les élections sénatoriales sera pris en Conseil d'Etat, et je ne
suis pas sûr que ce dernier accepte cette distorsion.

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