Question de M. LECLERC Dominique (Indre-et-Loire - RPR) publiée le 24/08/2000

M. Dominique Leclerc souhaite attirer l'attention de M. le ministre délégué aux affaires européennes sur les conséquences de l'accord intergouvernemental mettant fin à l'obligation de traduction des brevets européens en français que le Gouvernement se propose de signer le 16 octobre prochain à Londres. Le dispositif, s'il est effectivement mis en place, ne conservera à la langue française que les apparences d'une langue officielle et ne manquera pas de la marginaliser en favorisant la domination de la langue anglaise. Ce qui est d'autant plus regrettable que, selon l'Académie des sciences morales et politiques, cette position aboutirait à ce que " l'énorme masse des brevets délivrés à des demandeurs américains et japonais produise effet en France sans traduction " et donc sans être compréhensible pour les PME françaises qui représentent 80 % de notre tissu industriel. Cette académie met de surcroît l'accent sur " le danger d'accélérer et de généraliser un mouvement tendant à faire, de la langue anglaise, la langue unique de la technologie et de l'industrie ". C'est pourquoi il lui demande, sachant par ailleurs que le Conseil supérieur de la propriété industrielle - organisme consultatif placé auprès du ministre de l'industrie - a également émis un avis défavorable sur le projet d'accord, de bien vouloir lui faire savoir si le Gouvernement envisage de revenir sur sa position et de ne pas signer cet accord qui serait défavorable à la France quant à sa politique industrielle et technologique.

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Réponse du ministère : Affaires européennes publiée le 28/12/2000

Réponse. - L'honorable parlementaire a bien voulu appeler l'attention du ministre délégué chargé des affaires européennes sur la question de la traduction de brevets européens en français. Le coût élevé du brevet constitue un frein à l'innovation et à la compétitivité européennes. C'est la raison pour laquelle la France a lancé en juin 1999 une conférence intergouvernementale visant à modifier la convention de Munich sur le brevet européen, avec pour objectifs, d'une part, la réduction des coûts supportés par les inventeurs lorsqu'ils ont recours à l'Office européen des brevets et, d'autre part, l'amélioration de la sécurité juridique des brevets. Un groupe de travail a été mandaté pour faire des propositions visant à diminuer de moitié les frais liés aux traductions, qui représentent le premier poste de dépense dans la procédure d'obtention d'un brevet européen. Les travaux de ce groupe ont révélé que la proposition française de limiter les exigences de traduction à la seule production d'une traduction partielle n'était pas soutenue par les autres délégations. En revanche, il s'est dessiné un mouvement en faveur de l'abandon complet des exigences de traduction pour peu que le brevet soit disponible en anglais. Un tel dispositif était bien évidemment inacceptable au regard de la politique de défense de la langue française. Aussi le Gouvernement a-t-il donné instruction à notre délégation au sein de la conférence intergouvernementale de s'y opposer. Cette attitude ferme a permis l'adoption d'un compromis plus satisfaisant au regard des deux impératifs qui ont guidé notre démarche : l'amélioration de la compétitivité européenne et la défense de la langue française. En effet, l'accord additionnel facultatif issu des travaux du groupe prévoit désormais un régime fondé sur les trois langues de travail de l'Office européen des brevets, dont le français. Cet accord offre les garanties souhaitées pour la préservation de la place du français. Il prévoit que tout pays peut continuer à exiger la traduction des revendications, partie la plus significative du fascicule du brevet. En outre, selon l'interprétation souhaitée par la France, il ménage la possibilité pour les Etats qui le souhaitent de faire assurer la traduction du fascicule du brevet à leurs propres frais. Pourtant, en dépit de ces garanties, l'accord suscite, dans les milieux intéressés, de nombreuses interrogations, voire des inquiétudes, auxquelles le Gouvernement est très sensible. Aussi, à la conférence intergouvernementale qui s'est tenue les 16 et 17 octobre 2000 à Londres, notre délégation, conduite par le secrétaire d'Etat à l'industrie, a annoncé qu'elle ne pouvait à ce jour envisager la signature de l'accord proposé. Le Gouvernement entend poursuivre ses consultations, en sollicitant toutes les parties intéressées : parlementaires et élus, entreprises et chercheurs, avocats, conseils en propriété industrielle, académies... C'est à la lumière de ces résultats que le Gouvernement arrêtera sa position à l'égard de l'accord, au plus tard le 30 juin 2001.

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