Question de M. NOGRIX Philippe (Ille-et-Vilaine - UC) publiée le 10/01/2001

M. Philippe Nogrix appelle l'attention de Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés sur l'annonce faite par le Gouvernement d'étendre à tous les départements français le dépistage gratuit du cancer du sein. Il lui rappelle que la campagne de dépistage du cancer du sein existe uniquement dans 32 départements français et que la généralisation annoncée par le Gouvernement tarde à se mettre en place. Il lui indique que ce retard est non seulement dommageable pour les femmes des 65 départements qui ne peuvent en bénéficier, mais qu'il risque également de perturber gravement les campagnes en cours dans les 32 départements pionniers. Il lui précise, en effet, que la direction générale de la santé, pour se conformer aux recommandations scientifiques, a préconisé aux radiologues participant à ce dépistage de réaliser pour chaque femme non plus une mais deux incidences par sein, ce qui revient à doubler l'examen en clichés, en temps, en consommables et en usure de matériel. Il lui indique que pour cette modification technique la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) a décidé de fixer la rémunération à 280 francs alors qu'elle était précédemment à 250 francs (tarif en vigueur depuis 1992). Il lui indique que l'évolution tarifaire est extrêmement faible alors que les exigences ont pratiquement doublé depuis 1992, et que cet état de fait est ressenti par les professionnels comme une véritable provocation, d'autant que ce tarif a été fixé sans la moindre concertation avec les intéressés. Il lui fait observer que dans les 32 départements pionniers les radiologues se sont réellement investis dans cette opération de santé publique qui, financièrement, n'était pas très intéressante pour eux puisque, dans le même temps, une mammographie complète est tarifée à environ 434 francs. En conséquence, il lui indique que dans ces départements, en situation de crise et de blocage risquant de ruiner les campagnes en cours, la solution serait bien entendu la généralisation du dépistage à la France entière avec fixation d'un tarif raisonnable. Il lui demande donc de bien vouloir lui indiquer si cette généralisation du dépistage du cancer du sein va bientôt prendre effet.

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Réponse du ministère : Droits des femmes publiée le 31/01/2001

Réponse apportée en séance publique le 30/01/2001

M. Philippe Nogrix. Madame la secrétaire d'Etat, une campagne de dépistage du cancer du
sein est effectuée dans trente-deux départements français. Dans mon département,
l'Ille-et-Vilaine, je constate qu'elle est efficace en termes de santé publique et appréciée de la
population féminine.
Vous avez annoncé une prochaine extension à l'ensemble du pays de ce dépistage de
masse gratuit et de qualité, ce dont chacun dans cette enceinte peut se féliciter. Toutefois,
j'estime que sa généralisation tarde à entrer en application. Ce retard non seulement est
dommageable pour les femmes des soixante-cinq départements qui ne peuvent en bénéficier,
mais risque surtout de gravement perturber les campagnes en cours dans les trente-deux
départements pionniers ; c'est du moins ce que je constate dans mon propre département.
Pourtant, entre 1995 et 1997, deux cent quatre-vingt-dix cancers ont pu être détectés en
phase initiale et donc soignés et guéris dans le seul département de l'Ille-et-Vilaine. On
estime donc que chaque année d'interruption du dépistage crée un risque de développement
de cancer du sein chez près de cent jeunes femmes !
La direction générale de la santé, pour se conformer aux recommandations scientifiques, a
préconisé aux radiologues qui participent à ce dépistage de réaliser, pour chaque femme, non
plus une mais deux incidences par sein, ce qui revient à doubler l'examen en clichés, en
temps, en consommables et en usure de matériel. La CNAMTS a décidé de fixer la
rémunération des radiologues à 280 francs pour ces deux radiographies, alors que le tarif
était précédemment de 250 francs pour une radiographie.
Cette évolution tarifaire, qui est extrêmement faible alors que les exigences techniques ont
pratiquement doublé, est ressentie par les professionnels comme une véritable provocation,
d'autant qu'elle a été fixée sans la moindre concertation avec les intéressés.
Il faut signaler que, dans les trente-deux départements concernés, les radiologues s'étaient
réellement investis dans cette opération de santé publique qui, financièrement, n'était
pourtant pas très intéressante pour eux puisque, dans le même temps, une mammographie
complète est tarifée environ 434 francs. Ces départements connaissent donc une situation de
crise et de blocage qui risque de ruiner les campagnes en cours.
La solution serait, bien entendu, la généralisation du dépistage du cancer du sein à la France
entière, avec la fixation d'un tarif raisonnable. Pouvez-vous, madame la secrétaire d'Etat, nous
indiquer à quelle date interviendra une telle généralisation ? Vous est-il possible de hâter les
choses afin que toutes les femmes de France puissent en bénéficier et que la situation ne se
détériore pas trop dans les départements où ce dépistage est déjà pratiqué ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.
Monsieur le sénateur, le dépistage de masse organisé du cancer du sein a été mis en oeuvre
expérimentalement, vous l'avez rappelé, dans trente-deux départements, sur la base d'un
cahier des charges datant de 1994 et prévoyant la réalisation d'une seule incidence
mammographique.
L'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, l'ANAES, a publié, en mars 1999,
une étude d'évaluation technologique portant sur le dépistage du cancer du sein par
mammographie dans la population générale. Ce document indique qu'un dépistage
systématique de qualité nécessite - vous l'avez également rappelé - la réalisation de deux
incidences mammographiques. Cette recommandation a fait l'objet d'une circulaire
d'application du secrétariat d'Etat à la santé pour le dépistage organisé dans les trente-deux
départements précités en juillet 2000.
Lorsque le dépistage est réalisé conformément aux recommandations de l'ANAES, la Caisse
nationale d'assurance maladie a fixé la rémunération de l'acte de mammographie à 280 francs
au lieu de 250 francs. Cela aussi, monsieur le sénateur, vous l'avez noté.
S'agissant de la généralisation du dépistage organisé du cancer du sein à l'ensemble des
départements, un arrêté va être publié, fixant la convention type entre les organismes
d'assurance maladie et les professionnels de santé. A la convention type seront annexés les
cahiers des charges de l'organisation des structures de gestion et des professionnels
chargés de mettre en oeuvre le dépistage. Les discussions sur la convention type engagées
entre l'assurance maladie et la Fédération nationale des médecins radiologues sont en voie
d'aboutir, et les cahiers des charges sont en cours de validation. Grâce à la négociation
tarifaire en cours, une solution satisfaisant l'ensemble des acteurs devrait être trouvée très
rapidement.
Vous me permettrez, monsieur le sénateur, en tant que secrétaire d'Etat aux droits des
femmes, d'ajouter un mot un peu plus personnel : vous avez parlé de provocation par rapport
au coût actuel. Certes, 280 francs, ce n'est pas le double de 250 francs. J'espère donc que
cette négociation tarifaire aboutira dans de bonnes conditions pour l'ensemble des parties,
étant donné que le dépistage des cancers du sein reste une préoccupation de santé publique
majeure. Je sais bien que l'ensemble du milieu médical s'inquiète du nombre de ces cancers.
M. Philippe Nogrix. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Est-il besoin d'insister, madame la secrétaire d'Etat ? C'est un véritable
cri d'alarme que je me permets de lancer, car nous ne savons pas faire de prévention !
Alors que le coût d'une mammographie est de 434 francs, le radiologue ne percevra, pour
deux mammographies faites à l'occasion d'un dépistage systématique, que 280 francs ! Les
discussions font prendre du retard et, pendant ce temps, des femmes sont atteintes de
cancers qui pourraient être guéris s'ils étaient décelés à temps, alors qu'il sera trop tard par
la suite.
De plus, tous les rapports publiés montrent que 20 % des cancers apparaissent avant l'âge
de quarante-cinq ans. Or les campagnes de dépistage ne concernent que les femmes de
cinquante à soixante-neuf ans. Pourquoi ne pas en tenir compte ? L'étude de cette réforme et
de ses conditions techniques ne serait-elle pas l'occasion de décider que le dépistage
s'opérera dès l'âge de quarante ans ? Compte tenu du traumatisme que provoque un tel
cancer chez les femmes qui en sont atteintes, il est grand temps de prendre des mesures
nécessaires sur l'ensemble du territoire.

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