Question de M. FOUCAUD Thierry (Seine-Maritime - CRC) publiée le 08/02/2001

M. Thierry Foucaud attire l'attention de M. le ministre de la défense sur les pathologies dont sont victimes certains militaires qui se sont rendus en opération dans le Golfe ou sur le territoire de l'ex-Yougoslavie. En effet, des associations telle Avigolfe, des vétérans de ces missions, la presse, ont avec insistance fait état des troubles ressentis par des hommes de troupe ou des cadres de l'armée engagés dans ces conflits. Il apparaît que ces affections sont de caractère neurologique ou, bien plus grave encore, susceptibles de développer des cancers, des leucémies ou pour les générations à venir des malformations génétiques. De source officieuse, seize décès ont déjà été enregistrés chez des hommes dont les seuls points communs sont d'avoir servi sur les théâtres d'opération précités et d'avoir ressenti les mêmes symptômes. Des informations concordantes mettent en exergue l'utilisation de l'uranium appauvri comme cause probable de ces maux. Il semblerait que ce métal employé pour sa force de pénétration dans les blindages se répande, en particulier après impact, soit de ce fait très volatile et dégage des radiations. Voilà pourquoi il lui demande s'il envisage dans un souci de transparence de soumettre tous les militaires concernés à des examens de santé et par conséquent à les faire rappeler pour cela par ses services et par des services médicaux indépendants. Si ces tests s'avéraient malheureusement positifs, il souhaiterait savoir s'il compte mettre en place un suivi médical pris en charge par l'Etat, lequel s'accompagnerait d'une indemnisation des victimes au titre du code militaire d'invalidité. Par souci de protection des populations civiles et des militaires restés sur les territoires incriminés, il lui demande s'il s'engage à faire publier, en relation avec les autres nations concernées, la liste des sites à risques afin que des mesures rapides et efficientes soient prises envers toutes les personnes concernées dans le but de préserver leur santé. Enfin il lui demande si le Gouvernement français est prêt à agir pour l'interdiction des armes à uranium appauvri et à commencer par montrer l'exemple en mettant définitivement un terme à leur fabrication en France et en détruisant les stocks.

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Réponse du ministère : Défense publiée le 22/03/2001

Réponse. - Il n'existe actuellement aucune donnée objective qui montre une augmentation de l'incidence des maladies cancéreuses, en particulier des hémopathies malignes, chez les militaires français ou alliés ayant servi dans les Balkans. S'agissant des militaires français, 8 cas de leucémies ont été recensés en 2000 par la caisse nationale militaire de sécurité sociale. Rapporté au nombre de cotisants qui s'élève à 370 000 militaires d'active, ce chiffre donne un taux d'incidence voisin de 2 pour 100 000, correspondant au taux d'incidence de la population générale (2 à 5 pour 100 000 pour la classe d'âge de vingt à soixante ans). Toutefois, les investigations se poursuivent pour vérifier et confirmer ce fait, notamment sur les cas de militaires présentant une hémopathie maligne et ayant séjourné dans les Balkans, en vue de rechercher l'existence des facteurs pouvant être la cause de ces maladies. La recherche d'uranium dans les urines des malades s'est avérée négative dans tous les cas explorés. Elle sera également réalisée pour tous les malades qui seraient identifiés par le service de santé des armées. De plus, conscient de l'inquiétude des personnes qui ont séjourné dans le Golfe ou dans les Balkans, le ministre de la défense a décidé de faire bénéficier d'une visite médicale adaptée en fonction des symptômes : les militaires, lors des visites systématiques annuelles et des consultations ambulatoires ; les anciens militaires, la prise en charge est effectuée par les directions régionales du service de santé des armées en liaison avec les directions interdépartementales des anciens combattants ; les civils et les réservistes, la prise en charge est assurée par les directions régionales du service de santé. Une personne estimant être victime d'une affection médicale liée au service peut également déposer une demande de pension d'invalidité auprès de la direction interdépartementale des anciens combattants la plus proche de son domicile. Par ailleurs, une mission d'information parlementaire a été mise en place pour étudier les risques éventuels auxquels ont été exposés les militaires au cours du conflit du Golfe. Ses investigations ont été élargies aux opérations menées dans les Balkans. Les conclusions de ces travaux seront rendues publiques. Une coopération permanente est également instaurée entre le ministère délégué à la santé et le ministère de la défense dans les domaines qui concernent la santé publique. Dans ce cadre, un groupe d'experts indépendants étudie les données sanitaires relatives aux anciens combattants de la guerre du Golfe et analysera l'ensemble des études conduites sur les conséquences possibles de l'exposition à l'uranium appauvri des personnels ayant servi dans les Balkans et le Golfe. S'agissant des armes françaises, il s'avère que la seule munition à uranium appauvri dont dispose l'armée de terre est l'obus flèche OFL 105 F 2 de 105 millimètres pour ses chars AMX 30 B 2 produits dans l'usine de GIAT Industries à Salbris. Leur nombre a été limité au strict besoin opérationnel. Les chars Leclerc sont approvisionnés exclusivement en obus flèche au tungstène OFL 120 F 1 de 120 millimètres. Des tirs expérimentaux de projectiles à uranium ont été effectués dans deux centres d'essais de la délégation générale pour l'armement : l'établissement technique de Bourges et le centre d'études de Gramat, au sein desquels les mesures de protection sont extrêmement rigoureuses. Ainsi, les cibles sont placées dans une enceinte confinée dont la ventilation est filtrée, et les personnels ayant accès aux zones contrôlées pour la préparation des tirs puis leur interprétation sont équipés de dosimètres et doivent revêtir les équipements de protection. Au moment des tirs, ils se trouvent dans des abris à plus de 300 mètres de la zone d'impact. Un suivi médical spécifique conforme à la législation sur la médecine du travail, incluant une recherche d'uranium dans les urines lorsque cela s'avère nécessaire, est appliqué au personnel permanent et occasionnel présent sur la position de tir. Les enquêtes épidémiologiques effectuées sur le personnel ayant participé aux essais de ces munitions n'ont fait ressortir aucune anomalie. En ce qui concerne l'environnement, une surveillance est assurée par le service de protection radiologique des armées (SPRA) et n'a jamais mis en évidence de pollution des sites. Les effluents liquides de lavage sont récupérés par l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs et des échantillons de végétaux, d'eau, de sédiments au fond des puits sont prélevés et analysés tous les trois mois par le SPRA. La France participe, notamment au sein de l'Alliance atlantique, aux recherches et aux échanges d'informations organisés au plan international pour déterminer le risque réel lié à l'utilisation de l'uranium appauvri. Les mesures effectuées ou en cours de réalisation dans les Balkans montrent la difficulté de trouver des traces de contamination qui pourraient avoir un impact sur la santé ou l'environnement. Les résultats de ces travaux seront rendus publics. Il est nécessaire pour l'armée de terre française de disposer d'une munition permettant de faire face à des chars modernes et fortement blindés tout en restant à distance de sécurité, c'est-à-dire avec un moindre risque pour la vie de nos militaires. Dans ces conditions, le ministère de la défense n'envisage pas de mettre un terme à la production de ce type de munitions. Néanmoins, dans l'attente des résultats des études entreprises, la France a décidé d'en suspendre l'utilisation.

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