Question de M. COURTEAU Roland (Aude - SOC) publiée le 28/03/2001

M. Roland Courteau expose à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité que la proportion des salariés français victimes de ce que l'on nomme harcèlement moral au travail ou harcèlement psychologique a tendance à s'accroître. Il lui rappelle que ce phénomène se traduit de différentes manières et de façon répétitive par des agressions verbales, humiliations, vexations, refus de communication ou encore pressions psychologiques diverses - mutations ou changements de postes - dans le but de déstabiliser le salarié. Si le harcèlement moral au travail, peut être le fait de dérives perverses de supérieurs, et plus rarement de collègues, il peut aussi, en certains cas, être un moyen de pousser le salarié à la démission et d'échapper ainsi aux procédures légales de licenciement. Par ailleurs et selon certaines sources, " les personnes de plus de cinquante ans et celles occupant une responsabilité syndicale sont davantage exposées que les autres ". Ainsi la répétition de ces agressions ou autres brimades constituent des atteintes à la dignité humaine, conduisent les salariés qui en sont victimes à de dures souffrances, anxiété généralisée, troubles du sommeil, voire à des tendances suicidaires et se traduisent par une détérioration " intentionnelle " des conditions de travail, ce qui constitue un abus de droit indiscutable et inacceptable. Or, si le harcèlement sexuel est puni depuis la loi nº 92-1179 du 2 novembre 1992, il apparaît que les dispositions du droit en vigueur concernant le harcèlement moral au travail manquent en réalité d'efficacité. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir lui faire connaître son sentiment sur les dispositifs actuellement applicables au harcèlement moral au travail et s'il ne lui apparaît pas nécessaire et urgent de proposer le renforcement des mesures législatives permettant de mieux prévenir et de sanctionner de telles pratiques comme c'est le cas pour d'autres législations européennes.

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Réponse du ministère : Personnes âgées publiée le 25/04/2001

Réponse apportée en séance publique le 24/04/2001

M. Roland Courteau. Madame la secrétaire d'Etat, le harcèlement moral au travail, ou harcèlement psychologique, est un phénomène qui prend, semble-t-il, beaucoup d'ampleur. Il se traduit, chacun le sait, de différentes manières et de façon répétitive : agressions verbales, humiliations, vexations, refus de communications ou encore pressions psychologiques diverses, telles que des mutations ou des changements de poste, dans le dessein de déstabiliser le salarié.
Si le harcèlement moral au travail peut être le fait de dérives perverses de supérieurs hiérarchiques et, plus rarement, de collègues, il peut aussi, dans certains cas, être un moyen de pousser le salarié à la démission pour échapper aux procédures légales de licenciement, qui peuvent être longues et coûteuses. Dans de très nombreux cas, la répétition de ces agressions pousse les victimes à la démission, parfois à la dépression, voire au suicide.
Le Conseil économique et social, qui propose l'interdiction du harcèlement moral, avance une définition : « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés du harcèlement moral de l'employeur, de son représentant ou de quiconque visant à dégrader les conditions humaines, relationnelles, matérielles de son travail, de nature à porter atteinte à ses droits et à sa dignité, pouvant altérer gravement son état de santé et pouvant compromettre son avenir professionnel. » Dans de nombreux cas, on constate en effet, madame la secrétaire d'Etat, une détérioration intentionnelle des conditions de travail, ce qui constitue un abus de droit inacceptable.
Faut-il préciser, par ailleurs, que de tels agissements ne sont pas propres au secteur privé ? On les retrouve, en effet, plus nombreux encore dans le secteur public.
Or, si le harcèlement sexuel est puni depuis la loi du 2 novembre 1992, il apparaît que les dispositions du droit en vigueur concernant le harcèlement moral au travail sont mal connues et manquent en tout cas d'efficacité.
Je souhaiterais donc, madame la secrétaire d'Etat, connaître votre sentiment sur l'efficacité des dispositifs actuellement applicables à ce type de harcèlement.
Ne vous apparaît-il pas nécessaire et urgent de proposer le renforcement des mesures législatives existantes en vue de mieux prévenir, de mieux sanctionner de telles pratiques, et de faire apparaître clairement, pour les auteurs de tels actes comme pour les victimes, que le harcèlement moral au travail est un acte répréhensible ? En ce sens, la sanction ou la menace de sanction peut avoir des vertus pédagogiques.
Ne convient-il pas d'introduire l'interdiction du harcèlement moral au travail dans le code du travail et dans le titre Ier du statut général des fonctionnaires, et de prévoir des sanctions tant civiles que pénales ?
Je tiens également à insister sur la nécessaire protection dont les témoins doivent faire l'objet dans ce genre d'affaires, étant entendu que, faute de témoignages, il est parfois difficile de faire la preuve du harcèlement.
Il me paraît, enfin, tout aussi nécessaire que les plus graves conséquences médicales du harcèlement soient reconnues comme maladies professionnelles. La santé mentale doit être en effet prise en compte de la même manière que l'est la santé physique.
Je souhaiterais donc, madame la secrétaire d'Etat, connaître votre sentiment sur l'ensemble de ces questions.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie d'excuser l'absence de Mme Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, qui est retenue à l'Assemblée nationale.
Monsieur le sénateur, comme vous l'avez bien expliqué, la société a pris la mesure de l'ampleur du phénomène du harcèlement moral au travail. C'est pourquoi M. le Premier ministre a saisi le Conseil économique et social, qui a rendu, le 11 avril 2001, un avis de très grande qualité.
Le 11 janvier 2001, l'Assemblée nationale a terminé l'examen, auquel j'ai largement participé en tant que député, du projet de loi de modernisation sociale. Au sein de ce texte, elle a adopté des articles présentant une définition du harcèlement moral et précisant les obligations de l'employeur pour en prévenir la réalisation et en annuler les effets pour les salariés, notamment quand le harcèlement moral aura été provoqué en vue d'aboutir à la rupture du contrat de travail.
Ainsi que l'affirme cette définition, le harcèlement moral se caractérise essentiellement comme une atteinte à la dignité du travailleur. C'est aussi un facteur de dégradation de santé non seulement au travail, mais aussi dans sa vie privée, comme vous l'avez souligné, monsieur le sénateur.
Aussi, dans la perspective d'un alignement avec les dispositions du droit communautaire, le Gouvernement entend créer un droit de la prévention et de la réparation du harcèlement moral qui passera par un allégement de la charge de la preuve pour le salarié, dans le cadre d'un recours facilité au juge.
Je crois - et j'y insiste, pour avoir constaté sur le terrain combien cela pouvait résorber toutes les difficultés pouvant être vécues dans le cadre du travail - qu'il sera nécessaire de réfléchir à toutes les actions de prévention, en particulier dans le cadre de la consultation de victimologie.
La Haute Assemblée va débattre, cet après-midi, du projet de loi de modernisation sociale. Je crois qu'un certain nombre de discussions permettront de répondre à l'ensemble des questions que vous venez de poser, monsieur le sénateur. Je vous souhaite très sincèrement un débat extrêmement fructueux, le point que vous avez soulevé correspondant à un vrai problème de société.
M. Roland Courteau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Courteau.
M. Roland Courteau. Madame la secrétaire d'Etat, je tiens à vous remercier de votre réponse.
Comme un certain nombre de parlementaires, je souhaite qu'un regard nouveau soit porté sur les atteintes à la dignité, aux droits de la personne au travail et à la santé psychique. Il faut, en effet, mettre un terme à ces situations de violences interpersonnelles qui sont inadmissibles.
Nous ne manquerons pas de donner suite à l'échange de vues de ce matin.

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