Question de M. OSTERMANN Joseph (Bas-Rhin - RPR) publiée le 04/10/2001

M. Joseph Ostermann attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur l'application des 35 heures. La France est un pays de petites et moyennes entreprises. Or, le nouveau dispositif légal relatif aux 35 heures se caractérise par son application uniforme, sans tenir compte de la diversité des secteurs d'activité et de la grande variété des modes de fonctionnement et d'organisation des entreprises, notamment en fonction de la taille. Ce dispositif risque ainsi de peser lourdement sur les entreprises, en particulier celles assujetties à la nouvelle durée légale hebdomadaire de 35 heures au 1er janvier 2002. Dans ces conditions, un assouplissement du dispositif apparaît indispensable pour la survie d'un grand nombre de PME (petites et moyennes entreprises) françaises. Il lui demande, par conséquent, s'il ne conviendrait pas d'apporter les aménagements suivants : l'augmentation du contingent d'heures supplémentaires de 130 à 200 heures ; la pérennisation de la rémunération limitée à 10 % des quatre premières heures supplémentaires au-delà de la 35e heure et jusqu'à la 39e heure comprise ; le paiement des heures supplémentaires sous forme de salaire majoré et non de repos compensateur, l'accès direct, sur la base du volontariat des entreprises, à l'annualisation des horaires. Ces aménagements raisonnables donneraient aux entreprises, notamment petites et moyennes, sans remettre en cause l'ensemble des dispositions légales, les moyens de fonctionner selon leurs caractéristiques et leur rythme propres.

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Réponse du ministère : Économie solidaire publiée le 17/10/2001

Réponse apportée en séance publique le 16/10/2001

M. Joseph Ostermann. Monsieur le président, je m'associe, bien entendu, aux félicitations qui viennent de vous être adressées pour votre élection au poste de vice-président.
M. le président. Je vous remercie !
M. Joseph Ostermann. La réduction du temps de travail à 35 heures hebdomadaires, qui ne devait rien coûter, ou peu, s'est révélée être une véritable bombe budgétaire.
Au-delà de ce danger financier se profilent les difficultés pratiques de son application, non seulement dans les PME, mais également dans les services publics, à quelques semaines du 1er janvier 2002.
Pour les PME, qui forment le tissu économique de notre pays, l'application des 35 heures recèle des dangers sur lesquels le Sénat n'a eu de cesse d'appeler l'attention du Gouvernement.
En effet, le dispositif applicable au 1er janvier 2002 n'a absolument pas tenu compte de la très grande diversité des secteurs d'activité, ni de la variété des modes de fonctionnement et d'organisation des entreprises. Préférant la contrainte à l'incitation, la loi place ainsi de nombreuses entreprises dans des situations périlleuses qui mettent en cause leur survie.
A l'époque, la majorité sénatoriale avait proposé d'apporter des aménagements au bénéfice de ces entreprises : augmentation du contingent d'heures supplémentaires, assouplissement des conditions de rémunération ou de compensation des heures supplémentaires, mais également amélioration de la formation initiale et continue, avec pour objectif une meilleure adaptation aux réels besoins des entreprises. En effet, malgré un taux de chômage en baisse - qui s'établit néanmoins à 9 % -, nos artisans et nos petites entreprises trouvent difficilement des compagnons bien formés et disponibles sur le marché du travail.
Il semble qu'aujourd'hui le Gouvernement ne soit pas insensible à certains aménagements en faveur des PME, des artisans et des commerçants. Ces aménagements sont d'autant plus indispensables que la conjoncture économique est moins porteuse. Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous exposer le contenu des modalités que vous comptez mettre en oeuvre en ce sens et nous indiquer le calendrier que vous pensez suivre ?
S'agissant des différents services publics locaux - hôpitaux, justice, trésorerie, directions départementales de l'agriculture et directions départementales de l'équipement - qui, à l'origine, ne devaient pas être concernés par la loi, la question se pose dans d'autres termes.
Il nous a été indiqué, à nous, élus locaux, que la réduction du temps de travail serait applicable dès 2002, mais que les créations de postes prévues en compensation seraient étalées dans le temps.
Nous pouvons donc légitimement nous interroger sur la capacité à fonctionner normalement de nos services publics à compter du 1er janvier 2002.
Par ailleurs, en tant que président d'un hôpital local, j'ai été informé que si les 35 heures s'appliqueront dans moins de quatre mois, les créations de postes budgétaires s'étaleront, en revanche, sur trois années. Déjà en sous-effectif, cette structure ne pourra assumer le service aux malades dans les conditions minimales de sécurité et de qualité requises.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne voudrais pas que les Français assument un coût supplémentaire des 35 heures à travers la dégradation et les dysfonctionnements des services publics. Je souhaiterais donc savoir quelles mesures vous entendez prendre pour éviter que la situation ne se détériore.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire. Monsieur le sénateur, je ne peux pas vous laisser dire que le dispositif légal des 35 heures se caractérise par l'uniformité et ne tient pas compte de la taille des entreprises.
Le législateur a adopté un cadre légal fixant les objectifs, garantissant les droits des salariés ainsi que les compensations en allégements de charges pour les entreprises et confiant la définition des modalités aux représentants des salariés et employeurs. On ne peut pas présenter la loi relative aux 35 heures comme une loi « couperet » ; elle a permis un développement sans précédent de la négociation collective et ses modalités de mise en oeuvre intègrent précisément les spécificités des PME.
C'est ainsi que nous avons d'abord prévu un calendrier progressif, spécialement adapté aux entreprises de vingt salariés et moins, pour lesquelles la durée légale à 35 heures n'entre en vigueur qu'au 1er janvier 2002.
Nous avons ensuite élaboré un dispositif d'« appui conseil » permettant l'intervention d'experts ou de consultants extérieurs, dont le coût, partiellement pris en charge par l'Etat, a fait l'objet d'un abondement de crédits - 500 millions de francs contre les 280 millions de francs initialement prévus.
Nous avons enfin prévu un accès simplifié aux aides et aux allégements de charges pour les PME, ainsi que des règles spécifiques en matière de repos compensateur pour les entreprises de dix salariés et moins.
Par ailleurs, il faut bien voir que la réduction du temps de travail constitue, pour les entreprises, une triple opportunité : réduire leurs charges, revoir leur organisation du travail et augmenter leur productivité, améliorer leur attractivité.
Au-delà des souplesses déjà inscrites dans la loi, et pour répondre aux inquiétudes exprimées par certains chefs d'entreprise, Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité a décidé des mesures complémentaires pour accompagner les petites entreprises dans leur passage aux 35 heures.
Deux textes permettront de donner plus de sécurité aux entreprises et de faciliter leur passage aux 35 heures.
Ainsi, en faveur des entreprises qui ont besoin de délais pour s'adapter, Mme Elisabeth Guigou a proposé au Premier ministre une extension transitoire du contingent d'heures supplémentaires permettant de faire face au passage de la durée légale à 35 heures sans risquer de « buter » sur le nombre d'heures supplémentaires ; à titre d'exemple, en 2002, dans une entreprise de dix salariés, on pourra travailler 41 heures par semaine en moyenne et dans une entreprise de vingt salariés, 40 heures.
Pour les entreprises qui s'engagent dans la réduction du temps de travail et qui connaîtraient des difficultés particulières - problèmes de recrutement ou surcroît exceptionnel d'activité - une circulaire leur permettra de conserver les aides.
Les 35 heures bénéficient aujourd'hui à près de 7,3 millions de salariés. Elles ont permis aux entreprises de s'engager à créer ou à préserver 374 000 emplois ; près de 260 000 créations nettes d'emplois sont déjà effectives. La conjoncture actuelle rend d'autant plus nécessaires les créations d'emplois que permet la réduction du temps de travail.
Nous appliquons donc cette dernière avec pragmatisme, tout en gardant le cap sur l'objectif de création d'emplois, d'amélioration de la qualité de vie et de la compétitivité des entreprises.
On ne saurait mettre sur le même plan l'ensemble des grands secteurs de la fonction publique. Le secteur hospitalier a, il est vrai, une forte spécificité qui le distingue de tous les autres. Vous le savez, des négociations sont menées. Un certain nombre de créations d'emplois - plus de 50 000 - sont prévues. Parce qu'il est évident que cette question est délicate, elle est suivie de très près.
Le problème du recrutement est d'ailleurs assez grave pour appeler rapidement une réflexion de tous. Dans la mesure où différents secteurs vont manquer de salariés, le moment est venu de proposer à certains de nos jeunes de s'orienter vers ces métiers.
M. Joseph Ostermann. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann. En établissant, dans le cadre de la commission des finances, un rapport sur les 35 heures, nous nous sommes aperçus qu'entre la création et le maintien d'emplois la marge n'était pas très nette. Je crois qu'il est bon que le Gouvernement reconnaisse que les toutes petites entreprises rencontrent de réelles difficultés dans la mise en oeuvre des 35 heures, tant pour l'adaptation des horaires que pour le recrutement des compagnons.
S'agissant du service public, je n'ai pas obtenu la réponse que j'escomptais. Tous les élus locaux se rendent compte que des services comme la DDE et la DDA ne sont déjà plus en mesure aujourd'hui d'assumer les missions qui sont les leurs. Qu'en sera-t-il demain, avec la mise en oeuvre de la loi sur les 35 heures ?

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