Question de M. CARLE Jean-Claude (Haute-Savoie - RI) publiée le 30/01/2002

M. Jean-Claude Carle appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur le coût fiscal des transmissions d'entreprises. La France est riche d'un tissu de petites et moyennes entreprises qui contribuent par leur activité à faire vivre le pays. Cependant, on constate la difficulté souvent rencontrée par ces PME pour se développer et acquérir la taille suffisante pour peser au plan européen et mondial. Ce problème tient au double handicap que les droits de succession et l'impôt de solidarité sur la fortune font peser sur la transmission des entreprises et sur l'ouverture de leur capital. Dès lors, nombre de PME innovantes et performantes sont condamnées soit à limiter leur développement, soit à être absorbées par de grands groupes. Avec, dans cette dernière hypothèse, l'éventualité de voir disparaître le savoir-faire industriel et la culture d'entreprise sacrifiés à la logique du profit financier. Avec également le risque de voir les centres de décision s'éloigner de nous. Avec, enfin, la crainte de voir des pans entiers du territoire se vider de leurs forces vives. Faute d'héritiers ou de repreneurs dans la même branche, il n'est pas rare de voir des PME saines devoir cesser leur activité. Dans le département de la Haute-Savoie, et particulièrement dans la vallée de l'Arve, berceau du décolletage, c'est un véritable sujet de préoccupation. Pour les entreprises, mais aussi pour les particuliers, qu'il s'agisse des familles détentrices d'une part du capital ou des salariés éventuels candidats à la reprise. Pour redistribuer les richesses, il faut commencer par les créer. Et qui, mieux que les entreprises, est à même de créer la richesse et l'emploi ? Il lui demande donc quelles mesures fiscales le Gouvernement compte prendre pour favoriser la création et la transmission d'entreprises.

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Réponse du ministère : Logement publiée le 06/02/2002

Réponse apportée en séance publique le 05/02/2002

M. Jean-Claude Carle. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ma question concerne la transmission d'entreprises, et plus particulièrement des petites et moyennes entreprises. Ce sont, en effet, les PME-PMI qui sont aujourd'hui les premiers acteurs du développement économique, et donc de l'emploi.
J'ai la faiblesse de penser - mais c'est aussi ma conviction - que ce ne sont ni l'Etat, ni le Gouvernement, ni les élus qui créent l'emploi, mais que c'est bien l'entreprise, au sens le plus large, qu'elle soit publique ou privée, grande ou petite, le rôle des élus et des pouvoirs publics étant d'établir les conditions favorables à la création ou au développement des entreprises et non de les enfermer dans un carcan de contraintes qui les étouffe.
Aujourd'hui, vous le savez aussi bien que moi, madame la secrétaire d'Etat, un chef de PME-PMI passe près de 30 % de son temps à résoudre des problèmes administratifs, juridiques ou fiscaux.
Nos entreprises évoluent dans un cadre fiscal très instable, et particulièrement inadapté et pénalisant.
Considérées trop souvent comme des « vaches à lait » de l'Etat, nos entreprises sont donc moins compétitives ; les capitaux et les élites ont fui vers l'étranger pour échapper à une fiscalité confiscatoire ; la France est moins attractive vis-à-vis des entrepreneurs étrangers ; l'Etat se substitue trop souvent aux entreprises et aux partenaires sociaux : à preuve, les 35 heures !
La solution passe par un changement de philosophie. Faisons de bonnes lois fiscales, les entreprises feront de bonnes affaires !
De bonnes lois fiscales, ce sont des lois simples et lisibles, avec un affichage politique clair pour tous ; ce sont des lois qui permettent à chacun de vivre des fruits de son activité ; des lois qui s'appliquent de manière durable ; des lois qui respectent le droit de propriété ; ce sont des lois qui créent les conditions favorables à la création, au développement, puis à la transmission de l'entreprise. Et c'est sur ce dernier point que je souhaite vous interroger, madame la secrétaire d'Etat.
La France est riche d'un tissu de petites et moyennes entreprises qui contribuent, par leur activité, à faire vivre le pays. Cependant, on constate la difficulté souvent rencontrée par ces PME pour se développer et acquérir la taille suffisante pour peser aux plans européen et mondial.
Ce problème tient au double handicap que les droits de succession et l'impôt de solidarité sur la fortune font peser sur la transmission des entreprises et sur l'ouverture de leur capital.
Dès lors, nombre de PME innovantes et performantes sont condamnées soit à limiter leur développement, soit à être absorbées par de grands groupes, avec, dans cette dernière hypothèse, l'éventualité de voir disparaître le savoir-faire industriel et la culture d'entreprise, sacrifiés à la logique du profit financier, avec le risque de voir les centres de décision s'éloigner de nous et avec, enfin, la crainte de voir des pans entiers du territoire se vider de leurs forces vives.
Faute d'héritiers ou de repreneurs dans la même branche, il n'est pas rare de voir des PME saines cesser leur activité. Dans le département de la Haute-Savoie, particulièrement dans la vallée de l'Arve, berceau du décolletage, c'est un véritable sujet de préoccupation. Aujourd'hui, 25 % du chiffre d'affaires de ce secteur est déjà sous le contrôle de groupes financiers étrangers ou sous celui de fonds de pensions, dont la première préoccupation est la gestion du haut de bilan.
C'est donc toute une culture d'entreprise qui risque de disparaître.
Madame la secrétaire d'Etat, quelles mesures fiscales le Gouvernement compte-t-il prendre pour favoriser la création et la transmission de ces entreprises qui contribuent à notre développement économique et à l'aménagement du territoire ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat au logement. Monsieur le sénateur, Laurent Fabius ne pouvant être présent aujourd'hui, il m'a demandé de vous transmettre la réponse qu'il a préparée à votre intention.
Vous demandez d'abord ce que le Gouvernement souhaite faire pour alléger la fiscalité des entreprises, particulièrement lors de leur transmission.
Le Gouvernement est tout à fait conscient de l'intérêt économique et social que représente la pérennité des entreprises. Il a déjà beaucoup agi en la matière et s'apprête à présenter de nouvelles dispositions législatives, notamment au sein du texte sur l'artisanat et les PME.
Rappelons d'abord que le régime fiscal des successions a été fortement amélioré dans le cadre des lois de finances pour 2000 et 2001 par l'institution d'une exonération spécifique de droits de succession en faveur des transmissions d'entreprises.
Ce dispositif permet désormais, sous certaines conditions ayant notamment pour objet d'assurer la continuité de l'entreprise, d'exonérer à hauteur de 50 % de leur valeur les parts ou actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, ou les biens nécessaires à l'exercice d'une telle activité s'agissant d'une entreprise individuelle.
Cette mesure, dont bénéficient toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, a bien entendu vocation à s'appliquer aux PME.
Bien entendu, il faut aussi favoriser la transmission anticipée. C'est pourquoi les donateurs âgés de moins de soixante-cinq ans bénéficient sans conditions particulière d'une réduction des droits de mutation à titre gratuit de 50 % des droits dus.
S'agissant de l'impôt de solidarité sur la fortune des redevables détenant cette catégorie d'actifs, et plus particulièrement de la situation des créateurs d'entreprises innovantes, ces dirigeants bénéficient sur les parts et actions détenues dans leur société d'une exonération d'ISF au titre des biens professionnels.
La création d'entreprise est également encouragée puisque la loi prévoit, pour les soixante premiers mois d'activité, une exonération puis un abattement sur les résultats imposables, dans la limite de 225 000 euros par période de trente-six mois, en faveur des entreprises qui se créent dans certaines zones du territoire, afin d'encourager la création d'entreprises réellement nouvelles dans les zones du territoire marquées par des handicaps économiques, sociaux ou géographiques, et de permettre ainsi aux entreprises qui se créent de se constituer des fonds propres et une structure financière solide.
Ce dispositif, qui expirait au 31 décembre 1999, a été reconduit jusqu'au 31 décembre 2004 par la loi de finances pour 2000. A cette occasion, le législateur a assoupli et sécurisé le régime.
En dernier lieu, la loi de finances pour 2002 a reconduit et amplifié la réduction d'impôt sur le revenu au titre de la souscription au capital de sociétés non cotées.
Pour évoquer l'avenir, dans le cadre du projet de loi relatif au développement des petites entreprises et de l'artisanat, qui sera prochainement soumis à l'examen de l'Assemblée nationale, le Gouvernement propose de nouveaux dispositifs fiscaux favorables à la création et à la reprise d'entreprises. Ainsi, les sommes figurant sur un PEA pourront être retirées en franchise d'impôt avant le terme du délai de cinq ans pour financer la création ou la reprise d'une entreprise. En outre, les intérêts des emprunts contractés pour la reprise d'une société non cotée bénéficieront d'une réduction d'impôt de 25 %.
M. Jean-Claude Carle. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Je vous remercie, madame la secrétaire d'Etat, des précisions que vous avez bien voulu m'apporter. Je ne doute pas de votre bonne foi en la matière, ni de celle de M. le ministre de l'économie et des finances, mais elle relève d'une certaine conception de l'entreprise qui me semble dépassée aujourd'hui.
L'entreprise est le fruit d'une prise de risques à la fois personnels, familiaux et collectifs. Nous devons en assurer la pérennité et la transmission et, pour ce faire un certain nombre de mesures doivent être mises en place ; vous en avez évoqué quelques-unes, mais je crois qu'il faut aller plus loin, à travers, notamment, l'exonération des droits de transmission pour les enfants qui s'engageraient à garder l'entreprise pendant cinq ans, ou encore à travers la mise en place de fondations familiales telles qu'elles existent dans les pays scandinaves ou au Benelux.
Nous n'allons pas évoquer toutes ces mesures ce matin, monsieur le président, mais je souhaite que la campagne électorale soit l'occasion d'un large débat sur ce sujet et que, demain, l'alternance - si tel est le voeu de nos concitoyens - permette de concrétiser ces mesures et de passer véritablement d'un climat de méfiance vis-à-vis de l'entreprise à un climat de confiance.

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