Question de M. CLÉACH Marcel-Pierre (Sarthe - RI) publiée le 31/01/2002

M. Marcel-Pierre Cléach appelle l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur les conséquences pour l'enseignement des autres disciplines scientifiques que risque de provoquer la réforme des études médicales. Au regard des informations dont disposent les présidents d'université, il semblerait que les étudiants puissent, à l'avenir, accéder à plusieurs filières formant aux métiers médicaux et péri-médicaux à partir de l'obtention de la première année du Premier Cycle des Études Médicales (PCEM1). Ainsi, en s'inscrivant en première année de médecine, les étudiants auront le choix - par un jeu de coefficients - entre plusieurs débouchés possibles : médecine, pharmacie, ergothérapie, sage-femme etc. Les concours de recrutement des sages-femmes commencent d'ailleurs à se mettre en place selon cette configuration. L'effet de la réforme sera de rendre le premier cycle des études médicales particulièrement attractif puisque ce sera l'un des seuls débuts d'études supérieures universitaires ouvrant l'accès à plusieurs filières réglementées par le biais d'un concours unique aux coefficients variés. On peut raisonnablement supposer que cela entraînera un afflux d'étudiants vers cette filière au détriment des autres formations scientifiques ou techniques. En détournant des étudiants ayant un esprit scientifique de filières où ils font déjà cruellement défaut, cette réforme, qui a par ailleurs ses mérites, pose un premier problème. Elle aura en outre très vraisemblablement d'importantes répercussions sur les universités et les villes universitaires dans lesquelles la formation ne sera pas offerte. Cette situation serait, par exemple, particulièrement préjudiciable pour l'université du Maine qui n'a pas de formation médicale mais dispose de laboratoires scientifiques de très bonne réputation. On risque donc de pénaliser involontairement certaines universités tout en suscitant à l'inverse des goulots d'étranglement, par exemple en matière de logements estudiantins, dans d'autres villes. Pour y remédier, peut-être serait-il possible de permettre la formation de première année dans toutes les villes universitaires et de répartir les formations péri-médicales sur l'ensemble des sites, ceci tout en conservant la formation des médecins, pharmaciens et odontologues aux seules universités liées à un Centre Hospitalier Universitaire (CHU). Il souhaitait connaître son appréciation sur ces quelques réflexions et surtout l'avenir réservé à cette proposition avant que ne soit définitivement arrêté le projet de réforme des études médicales, projet qui implique aussi le ministère de la santé.

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Réponse du ministère : Anciens combattants publiée le 20/02/2002

Réponse apportée en séance publique le 19/02/2002

M. Marcel-Pierre Cléach. Ma question, qui s'adresse aussi à M. le ministre de l'éducation nationale - et je tiens à féliciter M. Floch pour la brillante promotion qui est la sienne ce matin (sourires) - concerne le projet de réforme des études médicales.
Au regard des informations dont disposent les présidents d'université, il semblerait que les étudiants puissent, à l'avenir, accéder à plusieurs filières formant aux métiers médicaux et péri-médicaux à partir de l'obtention du certificat sanctionnant la première année du premier cycle des études médicales, ou PCEM1. Ainsi, en s'inscrivant en première année de médecine, les étudiants auront le choix, par un jeu de coefficient, entre plusieurs débouchés possibles : la médecine, la pharmacie, l'ergothérapie, le métier de sage-femme, etc. Les concours de recrutement des sages-femmes commencent d'ailleurs à se mettre en place selon cette configuration.
L'effet de la réforme sera de rendre le premier cycle des études médicales particulièrement attractif, puisque ce sera l'un des seuls débuts d'études supérieures universitaires ouvrant l'accès à plusieurs filières réglementées par le biais d'un concours unique aux coefficients variés. On peut raisonnablement supposer que cela entraînera un afflux d'étudiants vers cette filière, hélas ! au détriment des autres formations scientifiques ou techniques. En détournant des étudiants ayant un esprit scientifique de filières où ils font déjà défaut, cette réforme, qui a par ailleurs ses mérites, pose un premier problème.
Cette réforme aura, en outre, très vraisemblablement d'importantes répercussions sur les universités et les villes universitaires dans lesquelles cette formation ne sera pas offerte. Cette situation serait, par exemple, particulièrement préjudiciable pour l'université du Maine, qui n'a pas de formation médicale, mais dispose de laboratoires scientifiques de très bonne réputation.
Nous risquons donc de pénaliser involontairement certaines universités tout en suscitant à l'inverse des goulets d'étranglement, par exemple en matière de logements estudiantins, dans d'autres villes. Pour y remédier, serait-il possible de permettre la formation de première année dans toutes les villes universitaires et de répartir les formations péri-médicales sur l'ensemble des sites, tout en conservant la formation des médecins, pharmaciens et odontologues aux seules universités liées à un centre hospitalier universitaire ?
Je souhaiterais connaître l'appréciation du ministre de l'éducation nationale sur ces quelques réflexions et surtout l'avenir réservé à cette proposition, avant que ne soit définitivement arrêté le projet de réforme des études médicales.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Monsieur le sénateur, je vous remercie de m'avoir promu... (Sourires.)
Depuis les années quatre-vingt où l'épidémie du sida a imposé de trouver de nouvelles réponses médicales puis sociales, nous savons que la prise en charge des problèmes de santé individuels et collectifs ne peut maintenant reposer que sur la meilleure coopération possible entre de nombreux professionnels.
De là, s'est renforcée l'idée des réseaux de soins ou de santé. Ceux-ci, c'est évident, ne peuvent fonctionner que si l'information circule bien entre les différents acteurs qui y concourent et si chacun, dans son rôle propre, est reconnu comme tel par ses partenaires, bref, si chacun tire les meilleures synergies du groupe pour servir le malade ou la collectivité concernée. Comme vous l'avez souligné, monsieur le sénateur, cela est plus facile à dire qu'à faire.
La réalité montre que des progrès sont indispensables pour décloisonner, voire pacifier. Une façon d'y parvenir serait de donner très tôt à tous les jeunes qui exerceront un jour l'un de ces métiers la notion déterminante qu'ils partagent une culture commune.
C'est là le fondement de la réforme de cette première année des études de santé que, avec M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé, M. le ministre de l'éducation nationale veut faire aboutir.
La première conséquence de ce choix sera d'ouvrir l'accès de ces études à des bacheliers qui n'auront pas obligatoirement une formation préférentiellement scientifique. Tous les métiers de la santé n'ont pas en ce domaine les mêmes exigences. Il faudra donc rééquilibrer la répartition des enseignements entre les sciences biologiques et fondamentales, d'une part, et les sciences humaines et sociales, d'autre part, du moins pour ce qui concernera les enseignements communs à toutes les filières.
En effet, année commune ne signifie pas que, chemin faisant, les étudiants ne puissent exprimer leurs choix. Pour les y aider, un enseignement sur les métiers de la santé, y compris ceux de la recherche clinique ou fondamentale, devra être construit de telle sorte qu'il ira bien au-delà de la simple information et fera naître une réflexion en profondeur. Ainsi, les étudiants, en toute connaissance, choisiront mieux les enseignements optionnels qui définiront les accès aux futurs métiers.
Chaque filière sera sanctionnée par un concours propre et non, comme vous le pensiez, monsieur le sénateur, par un concours unique. En revanche, chaque étudiant pourra opter pour un ou plusieurs concours, dont les modalités, à ce jour, ne sont pas arrêtées. Il n'y a là rien qui puisse entraîner une attractivité plus grande que celle qui existe aujourd'hui sur les bacheliers scientifiques, bien au contraire sans doute.
En revanche, il est exact que cette réforme concernera un nombre important d'étudiants qui, aujourd'hui, se forment dans les écoles de santé mais qui, demain, demanderont à accéder à des formations universitaires. Ce prolongement normal de la réforme nécessite que cette dernière soit effectuée par étapes. Ces étapes seront mises à profit pour élaborer les objectifs pédagogiques nouveaux qui s'imposent afin d'étudier les meilleurs moyens à mettre en oeuvre pour les atteindre.
En collaboration avec M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé, M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale, a souhaité confier cette mission décisive à une commission pédagogique nationale où, sous l'autorité du représentant de la conférence des présidents d'université, les enseignants et les étudiants des différentes filières, à parité, formaliseront le travail de réflexion accompli depuis maintenant dix-huit mois.
Cette commission devra s'entourer, autant que de besoin, de tous les experts nécessaires, et ce compte tenu de l'ampleur de cette réforme ambitieuse, dans de nombreux domaines, tant pédagogique, docimologique que logistique. A ce propos, elle devra prendre en compte votre remarque portant sur les lieux de formation, sur les universités et sur les écoles susceptibles d'être concernées. Il faut pallier tout autant le risque de pléthore locale, entraînant les conséquences que vous avez décrites, que celui d'une excessive dispersion loin du milieu professionnel qui fait l'originalité de ces formations, c'est-à-dire des centres hospitaliers universitaires.
Pour conclure, sachez, monsieur le sénateur, que, sur l'ensemble de cette réforme et sur son avancement à partir de maintenant, M. le ministre de l'éducation nationale a saisi M. Belloc, premier vice-président de la conférence des présidents d'université. Cela devrait achever de vous rassurer.
Il nous faut désormais aller résolument de l'avant afin de ne pas décevoir ceux - et ils sont très nombreux - qui espèrent cette réforme, en particulier les professeurs et les étudiants de l'université du Maine.

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