Question de M. MATHIEU Serge (Rhône - RI) publiée le 19/09/2002

M. Serge Mathieu appelle l'attention de M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire sur les préoccupations des maires de France qui ont reçu des directives des préfets leur demandant de s'aligner sur les directives européennes, dites Natura 2000. Par cette demande, les maires sont consultés sur les sites qui vont être classés en zone de protection de la faune et de la flore sur des territoires qui représentent 12 % de la nation et jusqu'à 50 % dans certaines communes, sans pouvoir invoquer de raisons économiques, s'agissant d'instructions venues de la Commission de Bruxelles, relayées par son ministère. Il lui demande les perspectives de son action afin de permettre aux maires d'exercer leurs fonctions sans être " convertis en gardiens de musée ou plutôt de zoo " (La Lettre du maire, n° 1296 du 5 mars 2002).

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Transmise au Ministère de l'écologie et du développement durable


Réponse du Ministère de l'écologie et du développement durable publiée le 13/03/2003

La ministre de l'écologie et du développement durable a pris connaissance, avec intérêt, de la question posée au ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire relative au réseau Natura 2000 institué par la directive européenne dite " habitats " du 21 mai 1992 et aux inquiétudes dont elle se fait l'écho à l'occasion des consultations qui ont été conduites ces derniers mois, ou qui se déroulent encore dans certains départements à propos de la désignation de sites. Certains maires sont effectivement préoccupés par les conséquences qu'ils associent à la désignation de sites Natura 2000 sur le développement économique de leur commune, même s'ils acceptent l'idée qu'une telle désignation pourrait contribuer à la préservation des richesses naturelles et à l'image du territoire communal. Il s'agit en réalité de concilier le maintien de la biodiversité et le développement économique ; rompant avec une tradition de protection stricte et figée des espèces menacées et de création d'espaces protégés, la directive propose une approche novatrice, ouverte et dynamique de gestion des espaces de haute qualité pour la biodiversité. La transposition en droit français a consolidé cette approche. Le processus d'identification et de notification à la Commission européenne des sites devant constituer le réseau Natura a été long et difficile. Des retards s'étaient accumulés tant en France que dans les autres Etats membres. Dix ans après la décision communautaire de le créer, le réseau est actuellement en cours d'achèvement. Avant d'arrêter la liste des sites, en accord avec les Etats membres, la Commission doit s'assurer que la contribution de chacun d'entre eux répond aux critères de la directive. Son évaluation scientifique a fait apparaître l'insuffisante contribution de la France. Parallèlement, le retard qui avait été pris par la France a donné lieu à une condamnation par la Cour de justice des Communautés européennes le 11 septembre 2001. Ces éléments avaient conduit le gouvernement précédent à demander aux préfets de préparer des propositions complémentaires sur environ 200 sites et à consulter les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) concernés, conformément au décret du 8 novembre 2001 pris en application de l'ordonnance du 11 avril 2001 transposant la directive " habitats ". La France ne peut pas se dérober à ses engagements européens sur ce dossier et risquer une seconde condamnation pouvant la conduire à payer de lourdes astreintes financières. La ministre de l'écologie et du développement durable a confirmé aux préfets dès le 29 mai qu'ils devaient continuer la procédure de désignation des sites dans leur département. La France a depuis également été condamnée le 26 septembre 2002 pour insuffisance de désignations de " zones spéciales de conservation " au titre de la directive " oiseaux ". Au-delà de la phase finale en cours de désignation des sites Natura 2000, l'ambition du Gouvernement est d'inscrire Natura 2000 comme une politique de développement durable des territoires garantissant, certes, la préservation de la faune, de la flore et des habitats naturels mais permettant l'exercice d'activités économiques particulièrement indispensables au maintien des zones rurales et au développement des territoires. Il est en effet temps de mener une véritable politique de gestion de ces sites au plus près du terrain avec l'appui, notamment, des collectivités territoriales concernées et des élus. Le document qui définit les objectifs de gestion de chaque site (Docob) permet aux acteurs locaux d'identifier et de choisir ensemble les règles d'encadrement et de soutien aux activités humaines pour la gestion de ces espaces à grande richesse patrimoniale. Si des incertitudes subsistent encore, il appartient aux acteurs locaux et aux membres des comités de pilotage de les discuter et de les lever en élaborant le document d'objectifs. Mais pour réussir la gestion des sites Natura 2000 et conserver les qualités qui les ont fait labelliser, les propriétaires et gestionnaires doivent être impliqués individuellement. Ils peuvent d'ores et déjà bénéficier des dispositions de l'ordonnance du 11 avril 2001 qui prévoit de leur accorder une rémunération appropriée aux prestations et aux services rendus à la collectivité grâce à la signature de contrats Natura 2000 avec l'Etat. Certains élus et responsables locaux s'inquiètent aussi des conséquences de ces désignations sur les grands projets d'équipement du territoire. Si des espaces abritent des richesses naturelles avérées, ne pas les détruire est bien sûr légitime et il convient d'étudier, le plus en amont possible la compatibilité de ces projets avec les objectifs de conservation. C'est le sens des dispositions générales relatives à la protection du patrimoine naturel. Dans les sites Natura 2000, aucune nouvelle procédure n'a été créée : le régime d'évaluation des incidences s'insère dans les régimes d'autorisation ou d'approbation existants. Le dossier d'évaluation comprend cependant un contenu orienté vers l'identification des impacts éventuels sur les habitats naturels et les espèces ayant justifié la désignation du site en Natura 2000. Si toutefois, pour des raisons impératives d'intérêt public, ces projets s'avèrent indispensables, leur réalisation, sous certaines conditions, peut être envisagée, cette possibilité étant prévue par la directive. Chacun enfin s'interroge sur les moyens qui seront mis au service de cette politique contractuelle. Le Fonds de gestion des milieux naturels (FGMN), défini par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durables du territoire, a financé, de 1999 à 2002, la mise en place expérimentale du réseau Natura 2000. Il a permis d'engager l'élaboration de quelque 600 documents d'objectifs dont près de 200 sont achevés. Dans le projet de loi de finances pour 2003, 20 millions d'euros (dépenses ordinaires + crédits de paiement) sont destinés à l'accompagnement de la mise en place du réseau Natura 2000. Ces crédits permettront de poursuivre l'élaboration des documents et d'engager la phase d'expérimentation des premiers contrats Natura 2000 avec les propriétaires et gestionnaires sur les sites non agricoles. Les contrats Natura 2000 conclus par les exploitants agricoles relèvent du nouveau dispositif annoncé par le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales le 29 novembre 2002. Les crédits destinés aux contrats Natura 2000 seront complétés par les crédits du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA) accordés par l'Union européenne dans le cadre du plan de développement rural national (PDRN), approuvé par la commission le 7 septembre 2000, par les fonds structurels européens et par le fonds LIFE pour des projets particuliers ou innovants pour la gestion de certains sites. Le Gouvernement oeuvre pour que Natura 2000 soit reconnu comme une véritable composante de la politique de développement durable des territoires en particulier des communes rurales, et ainsi traduire, sur chaque site, l'équilibre entre les objectifs économiques, sociaux et environnementaux.

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