Question de M. CARLE Jean-Claude (Haute-Savoie - UMP) publiée le 31/01/2003

Question posée en séance publique le 30/01/2003

M. Jean-Claude Carle. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale et de la recherche.
L'actualité montre que le respect des personnes, des biens, des décisions est souvent remis en cause, contesté, bafoué. L'autorité des différents acteurs est alors affaiblie et notre système éducatif éprouve des difficultés à accomplir sa mission. C'est l'autorité et le respect de l'enseignant qui sont souvent remis en cause par les enfants, voire par les parents.
M. Didier Boulaud. Il faut prendre les élèves comme ils sont ou démissionner !
M. Jean-Claude Carle. Pas un jour ne se passe sans qu'un professeur ne soit agressé verbalement ou physiquement.
M. Didier Boulaud. Darcos !
M. Jean-Claude Carle. C'est l'autorité du chef d'établissement qui est affaiblie lorsque les décisions des conseils de classe sont contestées, lorsque le règlement intérieur ou les sanctions ne sont pas respectés.
L'exemple récent du lycée de Seyssinet, où les parents se proposaient de se substituer à leurs enfants pour effectuer les heures de colle qui leur avaient été infligées, en est une illustration. Ces parents auraient-ils oublié que l'éducation relève d'abord de leur propre responsabilité ?
C'est l'autorité du ministre qui est affectée lorsque nombre de mesures touchant à la pédagogie sont dénigrées par des pseudo-pédagogues qui se veulent les gardiens du temple, alors qu'ils n'ont plus enseigné depuis longtemps, ou lorsque la moindre réforme est abandonnée sous la pression des corporatismes.
M. René-Pierre Signé. L'école privée, c'est mieux !
M. Didier Boulaud. Pour lui, M. Meyrieu est un pseudo-pédagogue !
M. Jean-Claude Carle. L'autorité n'est pas l'autoritarisme, bien au contraire. L'autorité est indispensable au bon fonctionnement de tout système social, de toute communauté. Liberté et autorité vont de pair.
M. Didier Boulaud. Le mieux, ce sont les boîtes privés !
M. Jean-Claude Carle. Cela exige une volonté politique forte : celle de dire oui lorsque c'est nécessaire.
Mme Nicole Borvo. Pas toujours !
M. Jean-Claude Carle. Vous l'avez démontré, monsieur le ministre, en assurant la présence d'adultes dans les établissements et en donnant aux aides-éducateurs un statut beaucoup moins précaire que celui des emplois-jeunes mis en place par le précédent gouvernement. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
L'autorité, c'est le soutien apporté par Xavier Darcos - qui est aujourd'hui sur le terrain à Vence, je crois - aux décisions prises par les chefs d'établissement et sa volonté d'assurer la sécurité des lieux de transmission du savoir.
L'autorité, c'est aussi de savoir dire non lorsqu'il le faut. C'est, par exemple, dire non à l'inflation continue des moyens alors que les effectifs diminuent et que les résultats ne sont pas au rendez-vous. (Exclamations sur les mêmes travées.)
Monsieur le ministre, vous allez proposer un grand débat dans tout le pays et je m'en réjouis. Prendrez-vous en compte l'affirmation du respect de l'autorité ? Ce respect vaut dans les deux sens. Or l'actualité témoigne trop souvent d'actes d'intolérance, de racisme et de discrimination.
Monsieur le ministre, l'école ne doit-elle pas être le lieu privilégié de l'apprentissage du respect et de l'autorité ?

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Réponse du Ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche publiée le 31/01/2003

Réponse apportée en séance publique le 30/01/2003

M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Monsieur le sénateur, je suis, comme vous, inquiet des phénomènes que vous évoquez : 81 600 incidents graves l'année dernière.
J'ai reçu cette semaine une délégation des professeurs du lycée de La Garenne-Colombes, où une enseignante a été agressée de façon sauvage, puisque le coup était porté pour tuer, il faut quand même le dire. Ils m'ont présenté un véritable catalogue de musée des horreurs, celui des événements qu'ils avaient subis lors des dernières semaines : vols, agressions physiques, insultes racistes, antisémitisme, enlèvement d'élèves, pneus crevés, etc.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Il paraît pourtant que c'est un collège tranquille !
M. Luc Ferry, ministre. Je suis également inquiet parce que nous assistons, dans nos établissements, dans les collèges, les lycées, mais aussi dans les universités,...
M. René-Pierre Signé. Les choses s'aggravent !
M. Luc Ferry, ministre. ... à une montée des affrontements communautaires et à la remontée d'un phénomène abject que l'on croyait éradiqué de nos établissements, je pense à l'antisémitisme. Dans certains collèges, il est devenu aujourd'hui pratiquement impossible de faire un cours sur la Shoah sans que le professeur et certains élèves soient littéralement insultés.
M. le président. Eh oui !
M. Luc Ferry, ministre. J'ai donc donné instruction aux recteurs de répondre avec la plus grande fermeté à ces phénomènes insupportables. J'ai également demandé au directeur de l'enseignement scolaire de mettre en place toutes les aides nécessaires aux chefs d'établissement, qui sont désemparés devant ce type de phénomènes et qui ne savent pas exactement comment y répondre.
Nous nous heurtons aussi, il faut le dire sans démagogie, à un autre problème que vous avez parfaitement évoqué : les sanctions traditionnelles - et je ne connais pas d'autorité sans sanction - ne fonctionnent plus. Quand vous renvoyez un élève trois jours, c'est tout juste s'il ne vous demande pas quinze jours supplémentaires parce que cela l'arrangerait !
Le fait que les parents se substituent à leurs enfants pour les heures de colle discrédite l'institution.
Mme Nicole Borvo. Pas de généralisation !
M. Luc Ferry, ministre. Par conséquent, il faut répondre sans démagogie, avec efficacité, à la demande d'autorité et de sanction des enseignements.
Je vous propose donc deux réponses concrètes.
En premier lieu, il faut essayer de résoudre ce fléau qu'a été la montée de l'echec scolaire dans les dernières années.
Mme Marie-Claude Beaudeau. C'est la vraie question !
M. Luc Ferry, ministre. Quand 150 000 jeunes quittent le collège sans diplôme et sans qualification, cela engendre, évidemment, des violences dans les établissements.
M. René-Pierre Signé. C'est la faute de votre prédécesseur !
M. Luc Ferry, ministre. Les dispositifs en alternance et la revalorisation de la voie professionnelle, que nous proposons, permettront de résoudre concrètement et sur le fond le problème. Les élèves en situation d'échec depuis des années se détestent eux-mêmes et détestent les autres.
En second lieu, il faut mettre en place de nouvelles formes de sanctions.
Si les sanctions traditionnelles sont inefficaces, il en est une qui reste encore valable et qu'il faut développer : retirer des classes les enfants « insupportables », au sens propre du terme, et les placer dans des dispositifs de formation différents, les dispositifs-relais, qu'il s'agisse des classes-relais ou des ateliers-relais.
M. Nicolas About. Les bataillons disciplinaires !

M. Luc Ferry, ministre. C'est dans cette perspective que Xavier Darcos et moi-même proposons de créer 200 classes-relais par an et de multiplier par trois le nombre des ateliers-relais .

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