Question de M. DREYFUS-SCHMIDT Michel (Territoire de Belfort - SOC) publiée le 23/01/2003

M. Michel Dreyfus-Schmidt attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'étendue des pouvoirs dévolus aux magistrats financiers dans le cadre des dispositions de l'article L. 241-1 du code des juridictions financières aux termes duquel " la chambre régionale des comptes est habilitée à se faire communiquer tous documents, de quelque nature que ce soit, relatifs à la gestion des collectivités publiques ". Dans le cadre des contrôles opérés par ces chambres, certains magistrats souhaitent en effet obtenir la communication de consultations juridiques établies par des avocats pour le compte des collectivités publiques. L'inflation normative, d'origine aussi bien interne que communautaire, et l'insécurité juridique croissante qui est son corollaire, conduisent en effet de plus en plus les collectivités publiques à s'entourer de conseils d'avocats spécialisés dont l'activité est régie aussi bien par leurs règles déontologiques, par les principes fondamentaux du droit, que par la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971. Or au nombre de ces règles et principes figure le " secret des relations entre l'avocat et son client " évoqué par le Conseil d'Etat (CE Assemblée 9 avril 1999, Mme Toubol Fischer et M. Bismuth) dont la portée est affirmée par l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 : " en toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères, les notes d'entretien, et plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel ". Cette règle trouve sa juridiction non seulement en raison du respect dû aux droits de la défense, mais également, et plus généralement, au regard de la règle de l'indépendance de l'avocat, qui doit pouvoir exprimer ses opinions en toute indépendance et objectivité, lesquelles seraient compromises en l'absence de protection de ses consultations. Quelles que soient la légitimité des contrôles opérés par les chambres régionales des comptes, et l'importance des pouvoirs dévolus à leurs magistrats dans l'intérêt général, il paraît pour le moins difficile de voir dans la rédaction de l'article L. 241-1 du code des juridictions financières une dérogation expresse au principe fondamental de confidentialité des relations client-avocat. Il lui demande en conséquence quelles mesures il entend prendre pour éviter que les demandes de communication de documents formulées dans le cadre de l'article L. 241-1 du code des juridictions financières ne méconnaissent le principe fondamental du secret de la relation entre l'avocat et son client.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 30/09/2004

Le garde des sceaux, ministre de la justice confirme à l'honorable parlementaire que les magistrats et rapporteurs des chambres régionales des comptes disposent d'importants pouvoirs d'investigation et notamment celui de se faire communiquer tous documents, de quelque nature que ce soit, relatifs à la gestion des collectivités publiques, des établissements publics et des autres organismes soumis à son contrôle. Le fait de faire obstacle, de quelque façon que ce soit, à l'exercice de ces pouvoirs est puni de 15 000 euros d'amende (cf. art. L. 241-1 du code des juridictions financières). Les magistrats des chambres régionales des comptes disposent, pour l'exercice des contrôles qu'ils effectuent, de l'ensemble des droits et pouvoirs attribués à la Cour des comptes (cf. art. L. 241-2 du code des juridictions financières). Dans ce cadre, ils ont vocation à connaître de questions soumises, sous des régimes variés, au secret professionnel. Ainsi, les agents des services financiers ou les commissaires aux comptes des organismes contrôlés sont déliés du secret professionnel à l'égard des magistrats, à l'occasion des enquêtes que ces derniers effectuent dans le cadre de leurs attributions (cf. art. L. 140-4 du code des juridictions financières). Par ailleurs, les chambres régionales des comptes doivent prendre toutes mesures pour garantir le secret des investigations auxquelles elles procèdent (cf. art. L. 241-5 et L. 241-6 du code des juridictions financières). En revanche, les magistrats financiers qui souhaitent obtenir la communication de consultations juridiques établies par des avocats pour le compte de collectivités publiques peuvent se heurter à des refus fondés sur les dispositions de l'art. 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971. La règle de la confidentialité des relations client-avocat revêt une portée très générale puisqu'elle s'applique " en toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou celui de la défense ". Consacrée aussi en droit européen (cf. CJCE 18 mai 1982, société AM & S), cette règle garantit au client la possibilité d'obtenir de son avocat des avis ou consultations juridiques établis en toute indépendance. En contrepartie, l'avocat est soumis aux règles déontologiques et disciplinaires de sa profession et à la surveillance et au contrôle exercés par les instances ordinales et le procureur général. Il convient de souligner que la règle de la confidentialité ne fait pas obstacle à la communication volontaire par une collectivité publique de consultations établies par son avocat ou de correspondances échangées avec ce dernier. Sous réserve de l'appréciation des juridictions, les dispositions de l'article L. 241-1 du code des juridictions financières ne paraissent pas constituer une dérogation à la règle de la confidentialité des relations entre l'avocat et son client édictée par l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971. La jurisprudence ne semble pas encore avoir été saisie d'un conflit entre ces deux normes de niveau législatif.

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