Question de Mme POURTAUD Danièle (Paris - SOC) publiée le 23/05/2003

Question posée en séance publique le 22/05/2003

Mme Danièle Pourtaud. Ma question s'adresse à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, et j'espère que j'obtiendrai une réponse plus courtoise que celle que M. Darcos a faite à Mme Annie David à l'instant. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - Protestations sur les travées de l'UMP.)

Monsieur le ministre, 65 % à 70 % d'enseignants grévistes lundi dernier, une très forte mobilisation cet après-midi, des enseignants incompris, révoltés, qui défilent depuis des mois dans toutes les villes de France,...

Mme Nelly Olin. Et que vous poussez !

Mme Danièle Pourtaud. ... ne vous y trompez pas, vous ne gagnerez rien à tenter de jouer les élèves et les parents contre les enseignants. On ne peut réformer l'école sans le soutien de ceux qui la font vivre.

M. Jean Chérioux. Qui la détruisent !

Mme Danièle Pourtaud. Sur la forme et sur le fond, la communauté scolaire rejette en bloc votre politique. Il y aura dix mille six cents adultes de moins à la rentrée 2003 dans les établissements scolaires pour surveiller, soutenir les jeunes en difficulté et lutter contre la violence.

Plusieurs sénateurs de l'UMP. C'est faux !

M. Didier Boulaud. Ce sont les chiffres !

Mme Danièle Pourtaud. Vous n'avez jamais eu réellement l'intention de créer deux mille nouvelles classes de cours préparatoire à effectifs réduits pour lutter contre l'illettrisme et, maintenant, dans le cadre de la décentralisation, vous décidez de transférer cent mille fonctionnaires de l'éducation nationale aux collectivités territoriales, parmi lesquels les conseillers d'orientation psychologues.

Un sénateur de l'UMP. Procès d'intention ! C'est une honte !

Mme Nicole Borvo. Nous sommes peut-être stupides, mais cela, nous l'avons compris !

Mme Danièle Pourtaud. Cette mesure va remettre en cause la cohésion de la communauté éducative et le caractère national de la pédagogie. (Vives protestations sur les travées de l'UMP.)

Un sénateur de l'UMP. Vive la région !

Mme Danièle Pourtaud. Votre gouvernement impose, sans concertation, une réforme des retraites. Les enseignants, comme tous les Français, craignent de travailler plus pour une retraite diminuée.

M. Jean-Pierre Schosteck. Ce n'est pas vrai !

Mme Danièle Pourtaud. Et il est clair que la convocation d'un comité interministériel sur le métier d'enseignant le 27 mai ou l'annonce précipitée du report à la rentrée 2005 des mesures de transfert ne constituent en aucun cas une réponse à ces inquiétudes.

« Ceux qui aiment l'école », monsieur le ministre,...

Un sénateur de l'UMP. Nous !

Mme Danièle Pourtaud. ... ne vous croient plus.

Après l'amputation de votre budget, vos intentions sont claires : le démantèlement du service public de l'éducation nationale.

Un sénateur de l'UMP. Mais non !

M. Jean-Pierre Schosteck. C'est absurde !

Mme Danièle Pourtaud. Vous renoncez à mettre l'enfant au coeur du système éducatif, philosophie qui a fondé toutes les politiques en matière d'éducation depuis des décennies.

M. le président. Veuillez poser votre question, madame Pourtaud.

Mme Danièle Pourtaud. Je vous pose donc, monsieur le ministre, deux questions.

Plusieurs sénateurs de l'UMP. Une seule suffit !

Mme Danièle Pourtaud. Comment comptez-vous garantir l'égalité d'accès des jeunes au service public de l'éducation nationale, quel que soit le point du territoire où ils seront scolarisés ? Allez-vous enfin, monsieur le ministre, entendre l'exaspération de la communauté scolaire et renoncer à imposer par la force des réformes qui sacrifient la jeunesse et l'avenir de notre pays ?

- page 3495


Réponse du Ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche publiée le 23/05/2003

Réponse apportée en séance publique le 22/05/2003

M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Madame Pourtaud, on peut répéter éternellement les mêmes litanies sur le démantèlement du service public, plus personne n'y croit ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Dans le corps enseignant, cela commence même à faire rire ceux qui, au départ, tenaient de tels propos.

Ne croyez pas non plus, comme Mme David le disait, que les enseignants sont unanimes ; le corps enseignant n'est pas l'Union soviétique, ne vous y trompez pas ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste. - Protestations sur les travées du groupe CRC.) Beaucoup d'enseignants nous soutiennent.

Depuis maintenant dix ou quinze ans, nous subissons non pas un excès de réformes mais exactement l'inverse ! L'image calamiteuse que nous donnons tous, les uns et les autres, de l'éducation nationale, pardonnez-moi de le dire aussi franchement, c'est celle-ci : d'un côté, des syndicats qui donnent - à tort ou à raison, je ne veux pas polémiquer - le sentiment à une large fraction de l'opinion publique qu'ils sont corporatistes ou conservateurs (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC)...

Plusieurs sénateurs de l'UMP. Très bien !

M. Luc Ferry, ministre. ... et, de l'autre côté, des ministres qui sont systématiquement mis en difficulté et n'ont le choix qu'entre retirer leur projet de réforme pour acheter la paix sociale et pratiquer la cogestion, ou bien continuer vaillamment, mais en bloquant le système. Dans les deux cas, ce sont évidemment les élèves qui pâtissent de la situation parce qu'il n'y a pas de réforme. Sortons de cette situation au lieu de polémiquer ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Gérard Cornu. Très bien !

Mme Nicole Borvo. La suppression d'enseignants, au moins, c'est clair et net !

M. Luc Ferry, ministre. Engageons un vrai dialogue social, et parlons franchement : quelles sont les vraies difficultés des enseignants ? J'ai été enseignant pendant plus de vingt ans et j'ai débuté ma carrière au lycée de Mantes-la-Jolie, que je connais très bien, comme je connais le malaise des enseignants, pour l'avoir vécu moi aussi. L'origine de ce malaise, c'est qu'on a abandonné, lâché pendant les dix ou quinze dernières années les principes fondamentaux de l'école républicaine. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Didier Boulaud. Avec Bayrou en particulier, pendant quatre ans !

M. Luc Ferry, ministre. On ne parle plus d'intégration. On a dit qu'on allait mettre l'élève au coeur du système. Evidemment que l'élève est au coeur du système et que le système éducatif est fait pour lui !

Mme Nicole Borvo. Vous avez affirmé le contraire dans votre petit livre !

M. Luc Ferry, ministre. Ce qu'il y a derrière ce débat, et je m'étonne que certains de mes anciens collègues ne le comprennent pas, c'est que les enseignants ne sont pas simplement des animateurs culturels, qu'ils ont à transmettre des savoirs et des valeurs, notamment celles de la République, et il faut avoir le courage de dire que ces valeurs et ces savoirs s'imposent aux élèves, comme d'ailleurs à chacun d'entre nous.

Tel est l'enjeu de ce débat que nous voulons ouvrir sur la loi d'orientation de 1989. Et ne comptez pas sur nous, en effet, pour renoncer aux réformes qui sont plus nécessaires que jamais.

- page 3495

Page mise à jour le