Question de M. ALDUY Jean-Paul (Pyrénées-Orientales - UMP) publiée le 13/06/2003

Question posée en séance publique le 12/06/2003

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Alduy.

M. Jean-Paul Alduy. Ma question s'adresse au ministre de la culture et de la communication, qui est chargé de l'architecture.

Monsieur le ministre, les architectes sont inquiets, ...

Mme Hélène Luc. Ils ont raison !

M. Jean-Paul Alduy. ... les étudiants en architecture manifestent et se joignent à eux les petites entreprises et les artisans du bâtiment.

Mme Nicole Borvo. Ils ont bien raison !

M. Jean-Paul Alduy. Cela s'explique par la rédaction de l'article 4 de la loi portant habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures de simplification et de codification du droit. (Mme Nicole Borvo s'exclame.)

A la lecture de cet article, et nonobstant le dernier paragraphe rajouté par le Sénat, on comprend que le Gouvernement voudrait généraliser les procédures d'appel d'offres où conception et construction sont regroupées, ...

Mme Nicole Borvo. Vous votez la loi, que je sache !

M. Jean-Paul Alduy. ... c'est-à-dire où le maître d'ouvrage achète « clé en main » un bâtiment conçu et réalisé par une équipe architecte-concepteur.

M. Jean-Pierre Godefroy. Nous, nous avons voté contre !

M. Jean-Paul Alduy. On appelle cela PPP : le partenariat privé-public. Hier, on nommait cela METP : le marché d'entreprise de travaux publics. Et l'on connaît les suites judiciaires... Avant-hier, c'étaient les « marchés cadres », qui ont produit, de sinistre mémoire, les immeubles Pailleron et l'uniformité de nos grands ensembles immobiliers, que l'on s'applique aujourd'hui à démolir.

La qualité a rarement été au rendez-vous. C'est la raison pour laquelle on a codifié, dans la loi relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée, dite loi MOP, des procédures qui affirment la nécessité, pour un maître d'ouvrage, de choisir un architecte indépendant des entreprises et de définir avec lui, après consultation des usagers, les caractéristiques fonctionnelles, esthétiques, culturelles, économiques, de ces bâtiments.

Briser ce lien entre l'architecte et le maître d'ouvrage, c'est porter atteinte à la mission de service public qu'assument les architectes.

Monsieur le ministre, ma question est très simple : pouvez-vous aujourd'hui rassurer les architectes et les jeunes qui se destinent à ce beau métier, mais aussi les maçons et les artisans de nos quartiers et de nos villages ?

Mme Nicole Borvo. Vous avez voté la loi !

M. Jean-Paul Alduy. Pouvez-vous nous assurer que l'ordonnance n'est pas déjà rédigée et qu'elle fera l'objet d'une vraie concertation avec les professionnels.

M. Raymond Courrière. Ce n'est pas sûr ! Si c'est comme pour les retraites !

M. Jean-Paul Alduy. Pouvez-vous vous engager à ce que le titre II, et plus précisément l'article 7 de cette loi sur la maîtrise d'ouvrage publique, qui pose le principe de la séparation des missions de conception et de réalisation, ne soit pas abrogé ?

Mme Hélène Luc. Ce sont vos amis qui ont voté la loi proposée par votre Gouvernement !

M. Jean-Paul Alduy. Et, surtout, pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, que la procédure de « conception-construction » restera l'exception ? (Mme Nicole Borvo s'exclame.)

Monsieur le ministre, vous défendez la qualité urbaine et architecturale des constructions publiques, qui, du plus petit bâtiment au coin de la rue jusqu'au plus majestueux, définissent les repères de la cité.

Simplifions le fatras des lois et des règlements...

Mme Hélène Luc. Sur le fond, vous avez raison, mais vous avez voté la loi !

M. Jean-Paul Alduy. ... mais protégeons ces professions ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

- page 4234


Réponse du Ministère de la culture et de la communication publiée le 13/06/2003

Réponse apportée en séance publique le 12/06/2003

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, le Parlement a en effet voté une loi portant habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures de simplification et de codification du droit. (Mme Nicole Borvo s'exclame !) L'article 4 de cette loi vise la loi MOP - vous l'avez souligné - et rend possible une nouvelle forme de contrat dit de partenariat entre le public et le privé.

Ce dispositif suscite une réelle inquiétude non seulement parmi les architectes - n'oublions pas qu'ils sont quelque 50 000 dans notre pays, dont 35 000 inscrits à l'ordre et 17 000 étudiant dans vingt écoles - mais également au sein des petites et moyennes entreprises, qui redoutent de se voir exclues (M. Raymond Courrière s'exclame) ou d'être évincées de l'accès à la construction des équipements publics.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Eh oui !

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Le risque n'est pas inexistant ; vous l'avez vous-même largement souligné au cours des débats qui se sont déroulés au Sénat. Alors, existe-t-il une menace ?

Mmes Hélène Luc et Nicole Borvo. Oui !

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. A mes yeux, la menace porte d'abord sur l'existence d'une profession qualifiée, responsable, et exerçant libéralement, je tiens à le souligner. Ce qui est également menacé - prenons-y tous garde -, ce sont les intérêts du maître d'ouvrage public, lequel pourrait être livré sans recours aux intérêts exclusifs du constructeur. Est enfin menacée, il faut bien le dire, l'idée que nous nous faisons d'une certaine qualité de l'architecture.

Les deux ministres qui sont plus particulièrement concernés par l'avenir du secteur sont à ce sujet du même avis.

M. Jean-Pierre Sueur. Et les autres ministres ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Gilles de Robien et moi-même l'avons clairement indiqué aux professionnels. Je sais, monsieur le sénateur, que le Premier ministre partage notre préoccupation. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

Au cours des prochains jours, le travail interministériel va s'attacher à la rédaction des ordonnances. C'est bien là que nous devrons être attentifs et vigilants...

Mme Hélène Luc. Vous allez voir les architectes !

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. ... et nous le serons, car nous sommes tous très attachés aux intérêts de l'architecture française. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

Nous allons donc maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures quinze.

La séance est suspendue.

- page 4234

Page mise à jour le