Question de M. GINÉSY Charles (Alpes-Maritimes - UMP) publiée le 31/07/2003

M. Charles Ginésy attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la discrimination dont les homosexuels sont victimes et l'impossibilité judiciaire qu'ils ont d'agir, compte tenu de la rédaction actuelle de la loi de 1881 sur la liberté de la presse. En effet, il lui rappelle qu'en l'état cette loi interdit aux associations dont l'objet est de lutter contre l'homophobie de faire sanctionner judiciairement les injures homophobes, les provocations à la discrimination, la haine ou la violence homophobes, ainsi que la diffamation commise en raison de l'orientation sexuelle de la victime. Aussi, il souhaiterait savoir s'il entend étendre le champ de l'article 48-1 de la loi de 1881 à la notion de discrimination à raison de l'orientation sexuelle et, si oui, dans quel délai.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 29/01/2004

Le garde des sceaux, ministre de la justice, a l'honneur de faire connaître à l'honorable parlementaire que l'ensemble du Gouvernement partage ses préoccupations concernant la lutte contre l'homophobie, qui doit être considérée comme une forme particulière de discrimination. D'ailleurs, en tant qu'atteinte à l'intimité de la vie privée, la divulgation de l'homosexualité d'une personne peut donner lieu à réparation civile sur le fondement de l'article 9 du code civil relatif au respect de l'intimité de la vie privée. De surcroît, la législation française tant civile que pénale évolue dans le sens d'une meilleure protection des homosexuels tant en matière de lutte contre les discriminations que de lutte plus générale contre les comportements ou propos homophobes. En premier lieu, dans le domaine des discriminations, en matière civile, le Parlement a adopté la loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations qui a introduit la notion " d'orientation sexuelle " à l'article 6 de la loi n° 83-634 relative aux fonctionnaires et à l'article L. 122-45 du code du travail relatif aux discriminations dans le recrutement, l'accès à un stage ou la formation. Ce texte a également entendu, en la matière, procéder à un aménagement de la charge de la preuve en faveur du salarié. Dans le domaine pénal, la loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001, relative à la lutte contre les discriminations, a intégré à l'article 225-1 du code pénal, qui réprime les discriminations, la notion d'orientation sexuelle. Dans le cadre de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, l'article 2-6 du code de procédure pénale a été complété pour permettre aux associations de lutte contre les discriminations en raison du sexe ou des moeurs d'exercer les droits reconnus à la partie civile en cas d'atteintes volontaires à la vie ou à l'intégrité physique de la personne ou en cas de dégradation de biens, lorsque ces faits ont été commis précisément en raison du sexe ou des moeurs de la victime. En outre, le Président de la République a annoncé le 14 octobre 2002 la création prochaine d'une autorité administrative indépendante de lutte contre les discriminations raciales et homophobes et une mission sur cette question a été récemment confiée à M. le médiateur de la République. En second lieu, il apparaît qu'en l'état du droit positif la seule mention de l'homosexualité d'une personne n'est pas en soi pénalement sanctionnée, ce qui peut constituer une lacune juridique préjudiciable aux homosexuels. C'est pourquoi, comme l'a publiquement annoncé le Premier ministre le 18 juillet 2003, les propos à caractère homophobe seront en eux-mêmes pénalisés par une modification législative qui interviendra dans le courant de l'année 2004. Cette évolution pourrait s'accompagner d'une modification des dispositions de la loi du 29 juillet 1881 en permettant aux associations de lutte contre l'homophobie d'agir en justice dans des domaines qui leur sont jusqu'à présent fermés. A ce titre, le garde des sceaux, ministre de la justice, à la demande du Premier ministre, a mis en place un groupe de travail interministériel comprenant représentants des ministères de la culture, de l'intérieur, de la parité, chargé de procéder à des auditions sur ce sujet et de remettre dans les prochaines semaines des propositions permettant de faire évoluer la législation en vigueur. Toutefois, le régime général déjà existant des diffamations et des injures a vocation à s'appliquer, qu'il s'agisse de diffamations ou d'injures publiques envers un particulier, délits prévus et réprimés aux articles 32 et 33 de la loi du 29 juillet 1881, ou de diffamations ou d'injures non publiques prévues et sanctionnées par les articles R. 621-1 et R. 621-2 du code pénal. En outre, certains propos homophobes peuvent être qualifiés de provocation à commettre un crime ou un délit. Si la provocation a été suivie d'effets, ou simplement d'une tentative de crime ou de délit, l'article 23 de la loi du 29 juillet 1881 sanctionne celle-là des mêmes peines que le crime ou le délit principal commis, quel qu'il soit. Si la provocation n'a pas été suivie d'effets, elle pourra toutefois être sanctionnée suivant les dispositions de l'article 24 de la loi précitée, à condition qu'elle se rapporte à certains crimes et délits limitativement énumérés, tels que les atteintes volontaires à la vie, à l'intégrité de la personne, ou les agressions sexuelles. Enfin, les dispositions de la loi 2003-239 du 18 mars 2003 sur la sécurité intérieure ont créé l'article 132-77 du code pénal qui prévoit expressément la possibilité de retenir une nouvelle circonstance aggravante lorsqu'un crime où un délit est commis à raison de l'orientation sexuelle de la victime. Pour la première fois, la loi prévoit la prise en compte du mobile homophobe comme circonstance aggravante de certaines infractions pénales d'atteintes volontaires à la vie ou à l'intégrité des individus, ou d'agressions sexuelles.

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