Question de M. POIRIER Jean-Marie (Val-de-Marne - UMP) publiée le 17/10/2003

Question posée en séance publique le 16/10/2003

M. Jean-Marie Poirier. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux.

Depuis le second trimestre de 2001, les procédures collectives ont connu dans notre pays une hausse que l'on peut qualifier de vertigineuse. La région d'Ile-de-France en détient le triste record, avec une augmentation des faillites de 27 % en 2002.

Les premières victimes sont les PME. Pour les artisans, quelques factures impayées conduisent rapidement à la faillite. Dans le Val-de-Marne, un artisan sur cinq est actuellement soumis à une procédure collective.

Cette situation catastrophique sur les plans économique, social et humain montre l'urgence de la nécessaire réforme de la loi de 1985, votée dans un contexte particulier, celui des nationalisations.

Le redressement judiciaire n'est en effet actuellement possible qu'après la cessation de paiement. On attend que le chef d'entreprise soit étranglé par les dettes pour agir ! Dans 90 % des cas, le redressement judiciaire se solde par la liquidation de l'entreprise.

Il est urgent de mettre fin à l'opprobre du dépôt de bilan.

De nombreux Etats européens, comme la Belgique, ont récemment légiféré pour opérer un traitement en amont des difficultés et ont ouvert plus largement les procédures de conciliation et de règlement amiable.

Ces Etats ont pris exemple sur le « chapitre 11 » du droit américain, qui a largement contribué au redressement de l'économie américaine. Dans ces Etats, la faillite n'est plus stigmatisée et le redressement est devenu un acte viable de gestion.

En France, le précédent gouvernement n'a pas jugé utile de répondre aux appels pressants non seulement des entreprises mais aussi des juges, qui voient s'amonceler les dossiers sur leur bureau.

Je citerai deux chiffres pour illustrer mon propos : 185 000 dossiers sont actuellement en cours d'examen ; 4 500 dossiers sont encore en cours d'examen après vingt ans de procédure !

Monsieur le garde des sceaux, en juillet dernier, vous avez été habilité par le Parlement à simplifier le droit des sociétés par ordonnance, notamment s'agissant des procédures de liquidation, particulièrement longues, complexes et quelque peu opaques.

Dimanche dernier, vous avez annoncé le lancement d'une grande concertation sur un avant-projet de réforme des faillites.

Aujourd'hui, pouvez-vous nous indiquer quelles mesures vous envisagez de prendre afin d'anticiper les difficultés des entreprises, de favoriser les procédures amiables et, ainsi, de permettre la sauvegarde des entreprises, et donc de l'emploi ? Plus particulièrement, je souhaite que vous nous disiez ce qu'il en est du projet d'ordonnance sur la simplification du droit des sociétés.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 17/10/2003

Réponse apportée en séance publique le 16/10/2003

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, vous avez raison de stigmatiser l'inadaptation de la loi de 1985 à la conjoncture économique actuelle. Nous assistons, en effet, à un véritable gâchis dans la mesure où, comme vous l'avez vous-même rappelé, 90 % des entreprises qui font l'objet d'un redressement judiciaire finissent en liquidation, ce qui montre qu'il y a une perte de capacité de redressement.

Dans ces conditions, le texte que vous avez évoqué et sur lequel la concertation a été ouverte pourra, après le travail interministériel indispensable, déboucher sur un projet de loi au tout début de l'année 2004.

Il s'agit tout d'abord de permettre au chef d'entreprise d'anticiper sur les réalités afin de sauver des emplois, ce qui est bien l'objet de la démarche. Comment anticiper ? Soit par la mise en place d'un accord amiable avec les créanciers - qui serait, bien sûr, validé par le tribunal -, soit par une procédure de redressement judiciaire anticipée avant la cessation de paiement, comme vous le souhaitez dans votre question.

Ces deux éléments nous permettront, j'en suis convaincu, de procéder à un redressement anticipé de la situation avant qu'il ne soit trop tard, c'est-à-dire, en fait, avant la cessation de paiement.

Le troisième élément de l'avant-projet a trait à la simplification des procédures en cas de liquidation. En effet, 90 % des entreprises qui font l'objet d'une liquidation sont des PME. Or le temps moyen de liquidation est de quatre ans, et l'on passe ce temps à vérifier un certain nombre de créances en sachant très bien que cela ne débouchera sur rien. Nous prévoyons donc une liquidation simplifiée sur un an maximum, ce qui permettra de régler, pour l'essentiel, le cas des petites entreprises.

Le quatrième élément consiste à faire la part entre les patrons qui ont, en effet, commis des irrégularités et le très grand nombre de responsables, de PME en particulier, qui, en réalité, se sont trouvés devant des difficultés incontournables et à qui il faut donner la possibilité d'une deuxième chance sur le plan économique.

Le cinquième élément vise à introduire les professions libérales dans les dispositifs de procédures collectives, car de plus en plus souvent des personnes exerçant une profession libérale se trouvent dans une situation financière et économique extrêmement difficile. Or, aujourd'hui, nous n'avons pas de réponse à leur offrir.

J'en viens à la seconde partie de votre question, qui concerne les ordonnances de simplification.

Dans le cadre de la loi d'habilitation, nous allons effectivement pouvoir procéder à un certain nombre de simplifications du droit des affaires, par exemple en simplifiant et en modernisant le droit des SARL ou le droit des valeurs mobilières pour faire en sorte que la place de Paris ait la même flexibilité et la même capacité d'adaptation au marché financier international que ses grandes concurrentes.

Ces réformes figureront dans les prochaines ordonnances prises dans le cadre de la loi d'habilitation que vous avez votée.

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