Question de M. LONGUET Gérard (Meuse - UMP) publiée le 07/01/2004

M. Gérard Longuet attire l'attention de Mme la ministre de la défense sur une situation due à la professionnalisation des armées. En effet, la professionnalisation des armées décidée suite à la loi de programmation militaire pour 1997-2002 (n° 96-589 du 2 juillet 1996) a conduit le ministère de la défense à libérer en Lorraine un domaine de l'ordre de 1 500 hectares et à aliéner une cinquantaine de casernes et autres entreprises lui appartenant. Ce que l'on appelle maintenant les friches militaires se localisent souvent dans des communes qui n'ont pas toujours les moyens techniques et financiers suffisants pour mener seules les opérations de reconversion nécessaires. Afin de permettre à la Lorraine, déjà confrontée au problème des friches industrielles, de pouvoir faire face à l'émergence de ces nouveaux espaces dégradés, l'Etat et la région, dans le cadre du contrat de plan, ont conjointement décidé de construire un dispositif spécifique d'intervention, calqué sur le modèle mis en oeuvre pour le traitement des espaces dégradés des bassins houiller et ferrifère et des vallées textiles de Lorraine. C'est d'ailleurs dans cet esprit que le conseil régional de Lorraine, le 13 novembre 1998, a signé le programme régional d'accompagnement des restructurations de défense (PRARD). Aujourd'hui, ce programme se met en place, mais rencontre un problème complexe de dépollution pyrotechnique, hydrocarbure ou encore amiante. Or, il s'avère que la cession des biens concernés ne peut être définitive que lorsque la dépollution est achevée. Aussi, au regard du nombre de sites à traiter et des coûts engendrés, un retard important est apparu dans la mise en place de ce programme. En tant que président du conseil régional de Lorraine, il est doublement concerné par cette problématique. De fait, ayant signé le 26 juillet 2003, au nom du conseil régional, un engagement d'acquérir le site de Chambley, ancienne base OTAN de plus de 480 hectares, la région ne pourra devenir réellement propriétaire et donc entreprendre des travaux d'aménagement que lorsque la dépollution sera achevée, soit au plus tôt dans deux ans, délai qui est incompatible avec la mobilisation de fonds européens. Dès lors, il lui demande quel partenariat pourrait être mis en place entre les collectivités locales et les services de l'Etat pour accélérer la dépollution et donc enclencher rapidement le re-développement de ces zones.

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Réponse du Ministère de la défense publiée le 28/01/2004

Réponse apportée en séance publique le 27/01/2004

M. Gérard Longuet. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la défense et concerne les friches militaires.

La professionnalisation des armées qui a fait suite à la loi de programmation militaire pour 1997-2002 a conduit à une redistribution et une réaffectation des implantations militaires, notamment dans les régions de tradition militaire forte, ce qui est le cas du Grand Est de la France et de la Lorraine en particulier.

Dans la région que j'ai l'honneur de présider - toutefois, je m'exprime ici en tant que sénateur sur un problème général -, plus de 1 500 hectares de friches militaires et près de 50 bâtiments, casernes et quartiers sont libérés par l'armée et se trouvent ainsi disponibles.

De nombreuses communes, quelques départements et exceptionnellement certaines régions désirent se rendre propriétaires de ces implantations foncières et de ces bâtiments. Cela représente un effort important, car il faut les réadapter.

Des politiques de réaménagement des friches industrielles sont conduites en Lorraine depuis plus de vingt ans concernant les activités ferrifères et sidérurgiques ainsi que le domaine charbonnier ou textile. Dans ce sillage, nous avons signé avec l'Etat, le 13 novembre 1998, une convention visant à mettre en oeuvre un programme régional d'accompagnement des restructurations de défense, dont la progression dépend de la bonne volonté des uns et des autres. Mais nous nous heurtons aujourd'hui à un problème important de dépollution et c'est précisément l'objet de mon intervention, madame la ministre.

On constate généralement que nos compatriotes manifestent la volonté - soutenue par un effort réglementaire important - de ramener à leur état naturel les terrains ainsi libérés. Or nous devons souvent affronter une pollution liée aux hydrocarbures, à la pyrotechnique ou encore à l'amiante, naturellement dangereuse, car de nombreux bâtiments, notamment dans les bases aéronautiques, ont été construits rapidement selon des procédés - constructions métalliques et utilisation de l'amiante - qui ne seraient plus utilisés aujourd'hui. Nous nous trouvons donc dans une situation où la bonne volonté des uns et des autres se heurte au préalable de la dépollution, car le transfert de propriété n'est possible qu'après constatation de cette dépollution.

Je prendrai un exemple pour illustrer mes propos. Le conseil régional de Lorraine s'est rendu acquéreur, par une convention que vous avez bien voulu signer avec notre collectivité locale, le 26 juillet dernier, d'une ancienne base aérienne de l'OTAN.

Cependant, nous ne pourrons certainement pas en prendre possession avant plusieurs années, car la dépollution, en l'occurrence le désamiantage et l'élimination des hydrocarbures, est extrêmement difficile.

Madame ministre, ma question est donc la suivante : une procédure contractuelle ne serait-elle pas envisageable pour accélérer cette dépollution et permettre la restitution aux collectivités locales qui le souhaitent de ces terrains utiles, souvent bien situés et dont la vacuité n'apporte rien à la collectivité ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur le sénateur, vous avez bien résumé la situation à laquelle se trouve confronté le ministère de la défense. Depuis la professionnalisation des armées, il dispose en effet d'un certain nombre de terrains ou d'établissements dont il n'a plus l'utilisation. Il souhaiterait pouvoir en faire bénéficier les collectivités territoriales dans un souci d'aménagement du territoire.

Cela dit, nous nous heurtons, d'une façon générale, à deux types de problèmes.

Comme nous sommes obligés de dépolluer les terrains avant de les céder, se pose d'abord le problème du coût extrêmement élevé de cette dépollution, qui est supporté par l'armée de l'air elle-même, et qui vient donc obérer ses propres moyens, y compris ses capacités d'équipement.

Le second problème est d'ordre technique. Le ministère de la défense ne pouvant effectuer lui-même ces dépollutions, il est obligé de recourir à un certain nombre d'entreprises, qui sont soumises au code du travail. Or ce dernier interdit de faire exécuter par les salariés un certain nombre de travaux dangereux, dont ceux de dépollution.

Il existe donc un double blocage que nous allons tenter de surmonter.

Nous avons d'ores et déjà fait évoluer la réglementation dans la mesure où le Gouvernement a pu prendre les dispositions nécessaires pour adapter le niveau de dépollution à l'usage futur des terrains. Ainsi, pour certains d'entre eux, il n'est pas obligatoire d'effectuer la dépollution sur une profondeur extrêmement importante.

Aujourd'hui, par exemple, le terrain de Chambley, en Lorraine, a fait l'objet d'un accord. Il existe une présomption de pollution à laquelle nous devons mettre fin. Nous pourrions d'abord agir dans le domaine des moyens financiers qui, je vous le disais, sont très importants. A ce sujet, la mise en place, à l'échelon régional, d'un partenariat entre les collectivités territoriales concernées et l'Etat permettrait d'accélérer la réalisation des travaux de dépollution. Dans ce cadre, une prise en charge totale ou partielle des dépenses de dépollution, à travers les fonds de concours constitués à cet effet par le ministère de la défense, et sur des fonds réservés au programme régional d'accompagnement des restructurations de défense, le PRARD, que vous avez mentionné tout à l'heure, pourrait trouver sa formalisation dans un protocole d'accord qui serait signé entre le conseil régional de Lorraine et le ministère de la défense.

S'agissant des conditions d'intervention en toute sécurité des entreprises privées, une modification de la réglementation est nécessaire - je la demande depuis plusieurs mois -, pour l'adapter à la réalité des risques. Les différents ministères concernés travaillent sur cette question. Nous devrions disposer d'un nouveau texte au plus tard d'ici à l'été 2004, ce qui nous permettrait de gagner du temps par rapport au délai que vous redoutiez.

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet.

M. Gérard Longuet. Je voudrais remercier Mme la ministre de sa réponse et lui indiquer que le temps est un facteur considérable, car les collectivités locales peuvent mobiliser les fonds européens pour trois ans encore.

Si les règles de dépollution ne sont pas actualisées, nous risquons de ne pas pouvoir signer les conventions, car leur volet « financement européen » ne pourra pas fonctionner.

J'attire donc votre attention, madame la ministre, sur la nécessité de convaincre vos collègues de travailler au plus vite !

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