Question de M. FOURCADE Jean-Pierre (Hauts-de-Seine - UMP) publiée le 16/01/2004

Question posée en séance publique le 15/01/2004

M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, voilà quelques jours, à l'occasion des voeux présentés aux forces vives de la nation, le Président de la République a annoncé deux mesures importantes : d'une part, l'exonération de la taxe professionnelle pendant dix-huit mois sur les nouveaux investissements des entreprises...

M. Raymond Courrière. N'importe quoi !

M. Jean-Pierre Fourcade. ... et, d'autre part, le remplacement à terme de cette taxe par un nouveau dispositif.

En premier lieu, nous approuvons la décision du Président de la République de vouloir stimuler la croissance en favorisant l'investissement plutôt que la consommation. La franchise de la taxe professionnelle pendant dix-huit mois sur les nouveaux investissements des entreprises est une bonne mesure et elle permettra de relancer les investissements. C'est la seule garantie d'une reprise durable de la croissance, et donc de l'emploi.

Cependant, ces exonérations devront être, suivant l'engagement qui a été pris, neutres pour les finances locales. Seul un mécanisme de dégrèvement sur les cotisations des entreprises en serait le garant. Le Gouvernement est-il prêt à l'annoncer, afin de dissiper les inquiétudes des élus locaux ?

En second lieu, le remplacement de la taxe professionnelle, qui représente aujourd'hui près de 50 % des ressources fiscales des collectivités territoriales, s'annonce évidemment complexe. Je dois rappeler aux adversaires de cet impôt que celui-ci constitue le socle de l'intercommunalité. La réforme constitutionnelle du 28 mars 2003 et le projet de loi organique relatif à l'autonomie financière des collectivités locales, que le Parlement examinera prochainement, rendent désormais impossible le remplacement de la taxe professionnelle par des compensations budgétaires.

M. le président. C'est exact !

M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !

M. Jean-Pierre Fourcade. Il est indispensable que le nouveau dispositif fiscal retenu garantisse,...

M. Raymond Courrière. L'autonomie des collectivités !

M. Jean-Pierre Fourcade. ... d'une part, un lien solide entre les collectivités territoriales et les activités économiques situées sur leur territoire et, d'autre part, une marge de manoeuvre sur les taux. Qu'il s'agisse du partage d'impôts existants ou de la création d'impôts nouveaux, trouver 23 milliards d'euros ne sera ni rapide ni facile !

Compte tenu de l'importance des enjeux d'une telle réforme, êtes-vous prêt, monsieur le Premier ministre, à engager rapidement des discussions avec les commissions parlementaires, les principales associations d'élus et le comité des finances locales, afin d'examiner les modalités pratiques et, surtout, les conséquences de ces réformes pour nos collectivités ?

M. Raymond Courrière. Il faut créer une commission !

M. Jean-Pierre Fourcade. Seule une concertation approfondie et sans exclusive permettra de répondre aux voeux du Président de la République. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Didier Boulaud. C'est M. Fourcade qui a créé la taxe professionnelle !

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Réponse du Premier ministre publiée le 16/01/2004

Réponse apportée en séance publique le 15/01/2004

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur Fourcade, j'ai grand plaisir à vous répondre pour vous annoncer les décisions que le Gouvernement a prises à la suite des orientations fixées par le Président de la République.

Vous avez eu raison de dire combien ces orientations étaient importantes, parce qu'il s'agit de conforter le retour de la croissance en stimulant l'investissement pour l'emploi.

M. Raymond Courrière. Et les impôts !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Nous voulons créer des emplois. Pour ce faire, il faut des investissements ; nous voulons donc les stimuler. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

C'est pourquoi le Président de la République a proposé une exonération de la taxe professionnelle.

Quels sont le calendrier et les caractéristiques de la mesure ?

D'abord, afin de ne pas créer une situation d'attentisme des investissements, les décisions que je vous propose ici seront applicables au 1er janvier de cette année. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si la loi est votée !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. C'est un premier élément important. Nous vous soumettrons le texte, mais telle est la proposition que fait le Gouvernement pour qu'à compter de cette date, et pendant dix-huit mois, les nouveaux investissements productifs bénéficient d'une exonération de la taxe professionnelle.

Mme Paulette Brisepierre. Très bien !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Que faut-il entendre par « de nouveaux investissements productifs » ?

Il s'agit précisément de tout ce qui concourt directement au développement de la production : nouveaux matériels, nouveaux équipements industriels et commerciaux, ordinateurs... Tous ces matériels bénéficieront d'une exonération.

M. Jacques Mahéas. Formidable !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. En revanche, les immeubles, les voitures de fonction, bref tout ce qui ne concourt pas directement à l'activité productive, ne fera pas l'objet d'une exonération de la taxe professionnelle.

M. Alain Gournac. Très bien !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Il s'agit vraiment d'engager l'investissement productif au service de l'emploi.

La mesure, comme vous l'avez souhaité, préservera l'autonomie financière. C'est un engagement du Président de la République, et je suis chargé de le respecter.

M. Jean-Pierre Sueur. Comment ?

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. La compensation prendra la forme d'un dégrèvement, comme vous l'avez souhaité. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Il se fera sur la base du taux appliqué en 2003.

M. Didier Boulaud. Cela relève de la décentralisation et de la responsabilité des collectivités locales !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Telle est la mesure qui vous est proposée.

S'agissant du nouveau régime qu'il nous faut concevoir au-delà de cette phase intermédiaire de dix-huit mois, définie avec précision, je rappellerai les quatre principes auxquels le Gouvernement est attaché.

Premièrement, je souligne l'importance du rôle économique des collectivités territoriales.

M. Raymond Courrière. Ah oui !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Nous connaissons cette importance. J'en veux pour preuve que nous entendons la soutenir par le biais de la décentralisation. La Haute Assemblée a voté un texte qui confère plus de responsabilités économiques aux collectivités territoriales.

M. Alain Gournac. Et c'est très bien !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Deuxièmement - c'est un principe très important que le Gouvernement partage avec la Haute Assemblée -, nous sommes attachés à l'autonomie financière des collectivités territoriales. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jacques Mahéas. C'est la meilleure !

M. Paul Loridant. Vous découvrez l'eau chaude !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Je peux accepter la discussion, je suis même un militant du dialogue, mais je ne peux accepter vos caricatures. (Rires et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.) J'ai siégé trop longtemps au sein de cette assemblée pour ne pas me souvenir de vos pratiques,...

M. Didier Boulaud. Pantalonnade !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. ... puisqu'à l'époque vous donniez plus d'argent à ceux qui avaient augmenté la vignette et moins à ceux qui, plus vertueux, avaient fait baisser les impôts de leurs concitoyens ! (Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées.)

M. Didier Boulaud. Baratin !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Notre système sera donc vertueux.

M. Paul Loridant. C'est un scoop !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Troisièmement, nous voulons fortifier le lien économique entre l'entreprise et le territoire. Ce point est très important, parce que si les dérives se poursuivent, plus personne ne voudra créer d'emplois sur sa commune, ne voulant pas subir les contraintes qui en découlent.

M. Jacques Valade. Exactement !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Nous voulons donc créer un lien entre le territoire et l'entreprise (Applaudissements sur les travées de l'UMP) et nous ne sommes pas favorables à cette ultrafinanciarisation des entreprises qui coupe le lien entre le territoire, l'entreprise et l'économie.

M. Raymond Courrière. C'est pourtant ce que vous faites !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Nous voulons donc favoriser l'enracinement de notre économie en créant un lien entre l'entreprise et son territoire.

Enfin, nous voulons non pas, naturellement, reporter la charge fiscale des entreprises sur les ménages.

M. Raymond Courrière. C'est déjà fait !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Ce nouveau projet devra donc faire l'objet d'une concertation, comme l'a indiqué M. Fourcade. Je demanderai donc au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, en liaison avec le ministre chargé des collectivités territoriales, de l'engager pour que nous puissions bâtir ce nouveau projet.

Il ne s'agit pas de remplacer la taxe professionnelle par une nouvelle taxe professionnelle.

M. Didier Boulaud. Vous allez inventer la patente ?

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Il va falloir faire preuve d'imagination.

Mais le plus important est de faire en sorte que les agents économiques aient confiance dans notre dispositif, afin qu'ils se mobilisent pour permettre la transformation de la croissance en emploi. C'est ce dont notre pays a besoin, et cela passe par l'investissement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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