Question de M. PIRAS Bernard (Drôme - SOC) publiée le 15/01/2004

M. Bernard Piras attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales sur l'avenir de certaines productions agricoles au regard des évolutions de la politique agricole commune (PAC). Ainsi, par exemple, les producteurs de lait de chèvre sont très inquiets puisque les réformes annoncées risquent d'engendrer une baisse des prix sans compensation puisque bénéficiant déjà de signes de qualité telles que des AOC. Dans une récente étude prospective, la DATAR écrit qu'il revient à l'Etat d'assurer, " à côté d'une agriculture productive et de précision (aboutissant nécessairement à une concentration géographique de la production), le maintien et le développement d'autres formes d'agriculture, dont l'agriculture de terroir et l'agriculture de territoires ". Il lui demande de lui indiquer les mesures spécifiques qu'il entend prendre pour protéger ces productions locales, qui risquent d'être fragilisées par les options de la nouvelle PAC.

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Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales publiée le 29/07/2004

La filière laitière française traverse actuellement une période de forte inquiétude. Cette filière joue en effet un rôle essentiel non seulement, au sein de notre économie agricole, mais également pour nos territoires. Elle emploie 400 000 personnes, dont 300 000 au stade de la production. La France est le deuxième producteur européen, avec 23,5 millions de tonnes de lait de vache. Notre pays est un très grand exportateur de produits laitiers puisqu'il dégage un excédent de deux milliards d'euros, soit le quart du solde de la balance commerciale agro-alimentaire. Ces performances sont notamment le résultat d'une démarcation des produits français, que ce soit grâce à de grandes marques internationales ou des appellations d'origine contrôlée (AOC) de réputation mondiale. Depuis l'instauration des quotas laitiers, la filière a su conjuguer cette réussite économique et le souci d'aménagement harmonieux du territoire. La gestion des quotas laitiers mise en place en France constitue le résultat probant d'une concertation entre les autorités nationales et tous les acteurs de la filière dont est issu un corps de règles qui utilise les possibilités offertes par l'organisation commune des marchés (OCM) " lait et produits laitiers " pour s'adapter à ses spécificités. L'entrée en vigueur en 2004 des décisions prises à Berlin en 1999 et complétées le 26 juin dernier à Luxembourg va profondément modifier cette organisation commune de marché. L'accord obtenu à Luxembourg en juin dernier préserve - et la France y a veillé tout au long de la négociation - les principes essentiels de la PAC, et, en particulier, les outils de régulation économique des marchés (préservation des quotas laitiers jusqu'en 2015 notamment). Cet accord est donc plus favorable sur plusieurs points importants que l'accord de Berlin. La France a ainsi obtenu que la baisse des prix d'intervention, demandée par la Commission, soit réduite et ne concerne que le beurre, qui ne représente en France que 11 % de la transformation du lait. Elle a, en outre, obtenu que cette baisse soit compensée à 82 %, soit un taux supérieur aux compensations obtenues à Berlin. La baisse des prix d'intervention sur la poudre et le beurre, qui débutera au 1er juillet 2004, fera l'objet d'une compensation par une aide directe calculée sur la base du quota laitier détenu par chaque producteur. Cette aide directe sera totalement découplée de la production laitière à partir de l'année 2006. Les évolutions de la politique agricole commune constituent donc un bouleversement important pour une filière qui avait bénéficié jusqu'à présent d'un contexte économique relativement sécurisé. Dans ce contexte, le maintien d'une production laitière dans les zones de montagne et les bassins laitiers des zones intermédiaires revêt une importance particulière. En effet, cette activité contribue à préserver un tissu rural actif et vivant au travers du maintien d'exploitations laitières nombreuses et d'un environnement agro-alimentaire dynamique. C'est pourquoi, alors que l'ensemble de nos voisins européens optait pour le transfert marchand des droits à produire, la politique française de gestion des quotas laitiers a largement pris en compte cette préoccupation en évitant la concentration de la production laitière sur quelques bassins et dans de grandes exploitations. Alors que le nombre de producteurs laitiers a baissé de 40 % en moyenne dans l'ensemble des Etats membres de l'Union européenne, il n'a diminué en France que de 23 %. Ce meilleur maintien s'est doublé d'une rémunération plus forte de l'activité de producteur laitier puisque, avec un revenu annuel par unité de travail familial de 17 400 euros, les producteurs français sont mieux positionnés que leurs collègues des autres Etats membres grands producteurs de lait (Allemagne, Irlande, Pays-Bas et Danemark). Ce dispositif, essentiel à l'aménagement du territoire, a vocation à se poursuivre dans ses grandes lignes. Face aux difficultés particulières que pourraient connaître les productions AOC à base de lait de vache ou de chèvre, il convient de rappeler que les éleveurs engagés dans ces filières bénéficient d'une meilleure rémunération du prix du lait. Ainsi, en 2002, si le prix du lait payé aux producteurs de vache a été en moyenne de 0,30 euro par litre, celui payé pour la fabrication de l'AOC Reblochon par exemple, a été de 0,40 euro par litre, soit un résultat supérieur de 33 % au lait destiné aux productions classiques. Moins concernées par le risque de baisse du prix du lait que pourrait entraîner la baisse des prix d'intervention du beurre industriel et de la poudre de lait écrémé, les productions AOC bénéficieront pourtant, comme les autres, de l'aide directe laitière (de 11,8 euros par tonne en 2005 à 35,5 euros par tonne à partir de 2006). La production laitière pour la transformation en fromages AOC gardera donc son attractivité dans les années à venir du fait de la valorisation particulière dont ces produits bénéficient. Plus généralement, il est apparu indispensable de donner à la filière laitière française une meilleure visibilité sur son avenir. A cette fin, en novembre 2003, les corps d'inspection du ministère chargé de l'agriculture ont été chargés d'une étude prospective sur l'évolution en France de l'élevage laitier ainsi que des industries de transformation et de valorisation du lait. Ce rapport, remis au ministre chargé de l'agriculture le 6 février 2004 a été présenté le 10 février lors d'une table ronde qui réunissait l'ensemble des acteurs de la filière. Bien accueilli par les participants, il constitue une base de travail partagée pour l'élaboration d'un programme stratégique destiné à adapter la filière aux enjeux de la réforme de la PAC. Ce programme devra analyser les conditions d'une meilleure maîtrise de l'offre, étudier une restructuration des industries et formuler des propositions en faveur des exploitations, notamment en matière de mise aux normes et de modernisation des bâtiments d'élevage. Un ingénieur général du génie rural des eaux et forêts anime et coordonne la réflexion de sept groupes de travail chargés d'élaborer ce programme. Ils concernent l'emploi, la maîtrise de l'offre au niveau français et communautaire, les mesures en faveur des exploitations, la restructuration industrielle, les relations avec la distribution, la promotion des produits laitiers, et la recherche innovation. Ces groupes de travail seront conduits à l'échelon national, mais également régional, afin d'intégrer, le plus possible, à la réflexion et à l'analyse, les spécificités territoriales de la production laitière française. Ce programme stratégique doit être remis au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales avant la fin juin 2004. Dans l'immédiat un crédit de 20 millions d'euros a été engagé pour réaliser les premières réformes structurelles urgentes, tant pour les exploitations que pour les transformateurs.

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