Question de M. LORIDANT Paul (Essonne - CRC) publiée le 27/02/2004

Question posée en séance publique le 26/02/2004

M. Paul Loridant. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre ou, à défaut, à M. Fillon.

Mme Hélène Luc. Le Premier ministre va nous répondre !

M. Paul Loridant. Vendredi dernier, les salariés de l'entreprise OCT de Dourdan, dans l'Essonne, ont été stupéfaits de découvrir, à la reprise du travail le matin, les locaux vidés de tout matériel de valeur par le patron britannique, qui était venu dans la nuit.

M. Didier Boulaud. Patron voyou !

M. Paul Loridant. Pour toute explication, ils n'ont trouvé qu'une lettre type de licenciement. L'inspecteur du travail, appelé en urgence, s'est avoué démuni.

Ce triste événement rappelle douloureusement d'autres affaires du même ordre, notamment celle de Metaleurop. A cette occasion, le Gouvernement avait adapté les propos de Jacques Chirac sur la marée noire du Prestige lorsqu'il avait stigmatisé « les hommes d'affaires véreux, voyous de la mer » : M. François Fillon, ministre des affaires sociales, avait alors parlé de « pirates de l'économie », et vous-même, monsieur le Premier ministre, aviez fustigé les « chefs d'entreprise qui profitent de la situation internationale » pour licencier.

M. Henri de Raincourt. Il avait eu raison !

M. Paul Loridant. Cependant, au-delà de toutes les déclarations de compassion, spécialité de ce gouvernement (Vives protestations sur les travées de l'UMP. - Rires sur les travées du groupe CRC),...

M. Dominique Braye. Démago !

M. Paul Loridant. ... vous conduisez, pour les victimes des plans sociaux, une politique d'austérité salariale et budgétaire.

Mme Marie-Claude Beaudeau. C'est la mondialisation !

M. Paul Loridant. Les plans sociaux et les patrons voyous sont dénoncés par le Gouvernement, mais la réalité, têtue, vous rattrape.

Lors de ses voeux, le Président de la République feint de découvrir que l'emploi est une priorité pour les Français.

M. René-Pierre Signé. Cela fait pourtant un moment qu'il est là !

M. Paul Loridant. Son action et celle de son gouvernement dans ce domaine sont pourtant édifiantes : 200 000 chômeurs en plus, explosion de la précarité, dérégulation généralisée,...

M. Dominique Braye. Qu'a fait la gauche !

M. Paul Loridant. ... démantèlement de notre pacte social, accord d'entreprise privilégié au détriment de l'accord de branche, radiation des chômeurs des fichiers, réduction brutale de la durée d'indemnisation de l'allocation de solidarité spécifique, l'ASS.

L'Etat lui-même donne le mauvais exemple.

Comment ne pas évoquer la situation de GIAT-Industries, que connaît bien ma collègue Hélène Luc, à quelques jours de la décision de justice concernant le volet social du plan de restructuration ?

M. Dominique Braye. Vous voulez la guerre ?

M. Paul Loridant. Plus de 3 000 emplois publics sont menacés.

M. Dominique Braye. Il faut faire la paix, il ne faut pas fabriquer d'armes !

M. Paul Loridant. Et que dire de l'entreprise ST Microelectronic,...

Mme Nicole Borvo. Ah !

M. Paul Loridant. ... dernière en date, dont l'Etat est actionnaire à 17 %, et qui annonce 600 licenciements sur son site de Rennes et la délocalisation d'une partie de son activité à Aix ?

Au-delà des artifices statistiques, tout porte à croire que la France connaît à nouveau en 2004 une période de chômage à deux chiffres, ce qui confirme que la politique gouvernementale nous conduit à la débâcle industrielle et sociale.

Au-delà de la compassion, au-delà des promesses non tenues et des cadeaux au patronat...

M. Didier Boulaud. A votre ami le baron !

M. Paul Loridant. ... - cadeaux au demeurant inefficaces -, le Gouvernement compte-t-il enfin lutter sérieusement contre le chômage, contre la désertification industrielle,...

M. Dominique Braye. Contre la pluie !

M. Alain Gournac. Tout ce qui est excessif est dérisoire !

M. Paul Loridant. ... contre les délocalisations sauvages et pour la défense et l'élargissement des droits des salariés ?

Quelles mesures précises pouvez-vous annoncer pour mettre un terme aux licenciements...

Mme Nicole Borvo. Oui, précises !

M. Paul Loridant. ... et pour rappeler les entreprises...

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Loridant !

M. Paul Loridant. ... à leur responsabilité sociale et à la solidarité nationale ?

Resterez-vous sourd, monsieur le Premier ministre, à ces exigences ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

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Réponse du Ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité publiée le 27/02/2004

Réponse apportée en séance publique le 26/02/2004

M. le président. La parole est à M. le ministre.

Mme Hélène Luc. La question était adressée à M. le Premier ministre !

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je vais, par défaut, répondre à sa place, madame le sénateur.

M. René-Pierre Signé. M. le Premier ministre est épuisé...

M. François Fillon, ministre. Monsieur Loridant, ce qui s'est passé à OCT est, en effet, tout à fait inacceptable.

Mme Hélène Luc. Ah !

M. François Fillon, ministre. Dès que j'ai appris, le lundi 23 février, le déménagement des machines de l'entreprise, j'ai demandé à la direction du travail et à l'inspection du travail de se rendre immédiatement sur place afin de constater les faits et d'entendre les salariés - et non les délégués du personnel puisque, dans cette entreprise, l'élection des représentants du personnel n'avait pas été organisée.

Quelques heures plus tard, Mme Fontaine s'est elle-même rendue sur place...

Mme Nicole Borvo. Elle a compati...

M. François Fillon, ministre. Nous avons enclenché les poursuites nécessaires,...

M. Alain Gournac. Exact !

M. François Fillon, ministre. ... comme nous l'avions d'ailleurs fait à l'encontre de Metaleurop.

A ce propos, je signale à la Haute Assemblée que c'est la première fois, avec l'affaire Metaleurop et cette affaire OCT, que des poursuites judiciaires sont engagées sur l'initiative des pouvoirs publics...

MM. Alain Gournac et Gérard Larcher. Tiens, tiens !

M. Henri de Raincourt. M. Loridant a oublié de le dire !

M. Dominique Braye. La gauche n'a jamais rien fait !

M. François Fillon, ministre. ... contre des patrons qui ne se conduisent pas normalement au regard du droit du travail.

Au-delà du cas d'OCT, monsieur le sénateur, vous soulevez une question plus large, celle du traitement des restructurations industrielles.

Mme Nicole Borvo. Quand l'Etat est actionnaire !

M. François Fillon, ministre. Entre le mois de janvier 2000 et le mois d'avril 2002, vous en avez connu 2 318. Votre seule réaction a été le vote d'une loi dite de « modernisation sociale »...

M. Didier Boulaud. Et vous, qu'avez-vous fait entre 1993 et 1997 ?

M. François Fillon, ministre. ... qui visait à empêcher de manière très formelle les licenciements.

M. Gérard Larcher. Cette loi a été votée sans concertation avec les syndicats !

M. François Fillon, ministre. Nous avons suspendu ce texte et nous nous sommes tournés vers les partenaires sociaux, auxquels nous avons demandé d'ouvrir une négociation...

M. Dominique Braye. C'est la différence avec la gauche !

M. François Fillon, ministre. ... sur la manière dont pouvait être traitées les restructurations sociales.

Cette négociation est engagée et doit se clore par une dernière réunion le 25 mars prochain.

Elle est en tout cas assez bien engagée pour que l'on puisse espérer que les partenaires sociaux fassent au Gouvernement - qui les soumettra, lui, au législateur - des propositions de nature à assurer aux salariés, en particulier aux salariés des petites entreprises, un bien meilleur traitement qu'aujourd'hui en cas de restructuration industrielle.

Cependant, si les partenaires sociaux ne parvenaient pas à un accord le 25 mars prochain, je puis vous assurer, comme je l'ai fait pour la formation professionnelle, que le Gouvernement prendra toutes ses responsabilités...

Mme Nicole Borvo. Lesquelles ?

M. François Fillon, ministre. ... et vous proposera au printemps un texte.

Quant au taux du chômage, je vous rassure, monsieur Loridant : il ne passera pas à deux chiffres en 2004. Au contraire, je vous ai annoncé il y a déjà plusieurs mois que 2004 verrait le reflux du chômage, qui était en augmentation constante depuis 2001.

M. Alain Gournac. Tiens, tiens !

M. François Fillon, ministre. Eh bien, c'est l'heure du rendez-vous : demain seront publiés les chiffres du chômage pour le mois de janvier, et vous verrez ce qu'il en est, monsieur le sénateur. (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Hélène Luc. A GIAT-Industries, il y a eu 3 000 licenciements sur 6 250 salariés !

Mme Nicole Borvo. La compassion et les plans sociaux : voilà la réponse !

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