Question de M. CORNU Gérard (Eure-et-Loir - UMP) publiée le 04/03/2004

M. Gérard Cornu appelle l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur une des conséquences de la loi n° 98-69 du 6 février 1998, dite loi Gayssot. Ce texte est venu modifier le code du commerce en prévoyant à l'article L. 132-8 une action directe en paiement à l'encontre du destinataire d'un transport par le transporteur en cas de défaillance du fournisseur. Cela revient dans les faits à faire peser sur le destinataire (sous-traitants, façonniers...) le paiement du prix du transport dès lors que l'expéditeur s'avère dans l'impossibilité de l'honorer. Cette disposition soulève certaines contestations somme toute assez légitimes chez les sous-traitants qui estiment anormal voire injustifié d'être considérés comme " solidaires " des manquements du donneur d'ordre. Pourrait-il lui préciser l'action ministérielle que lui inspire cette situation ?

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Réponse du Ministère de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer publiée le 27/05/2004

L'article L. 132-8 du code de commerce prévoit que la lettre de voiture établie pour effectuer un transport routier a valeur de contrat pour toutes les parties concernées par l'opération. Sur cette base, le transporteur voiturier peut demander le paiement de ses prestations à l'expéditeur ou au destinataire de la marchandise, dans le cas où son cocontractant direct ne l'a pas rémunéré. La rédaction de cet article, qui résulte de la loi du 6 février 1998, confirme l'évolution jurisprudentielle ; selon les tribunaux, il résultait en effet des dispositions alors en vigueur que, pour être payé, un transporteur pouvait se retourner contre l'une ou l'autre des parties au contrat, sans se limiter au cosignataire. La partie qui a déjà payé le commissionnaire de transport ou le transporteur principal défaillant peut donc être amenée à payer, en plus, l'entreprise qui a exécuté la prestation de transport : c'est ce que l'on appelle le double paiement. S'agissant plus particulièrement de l'éventualité d'une double TVA, elle-même liée à celle du double paiement, les dispositions du code général des impôts permettent, après le redressement des comptes du commissionnaire ou du transporteur principal défaillant, de procéder au remboursement de la taxe dans les conditions précisées par l'administration fiscale. Lorsqu'un commissionnaire ou un transporteur principal est en redressement judiciaire ou en dépôt de bilan, l'expéditeur ou le destinataire informés peuvent régler directement au transporteur le montant de ses prestations et ne payer à l'administrateur judiciaire, ou au mandataire liquidateur, que le prix de la commission de l'entreprise dont il a la charge. En effet, lorsque les transporteurs ont été directement payés par les expéditeurs ou les destinataires, assurer ensuite au commissionnaire une rémunération pour les mêmes transports constituerait un indu, ce dernier ne pouvant prétendre qu'au paiement de sa prestation. Il est conseillé aux chargeurs, expéditeurs ou destinataires de se concerter avec les commissionnaires de transport et les transporteurs, pour anticiper les accidents de paiement et tirer le meilleur profit de la réforme récente du code de commerce. Un chargeur peut, par exemple, exiger par contrat du commissionnaire de transport qu'il joigne à sa facture un justificatif de paiement de ses sous-traitants. Il lui est aussi possible de demander par contrat à un transporteur de ne pas sous-traiter et de ne le payer qu'au vu d'une attestation de non-sous-traitance du contrat de transport. Sur ce point, la Cour de cassation vient, par son arrêt du 28 janvier 2004, de considérer que, si l'expéditeur avait interdit à son cocontractant toute sous-traitance mais que ce dernier avait quand même sous-traité l'exécution de son contrat, le voiturier ayant procédé au transport ne pouvait pas utiliser l'action directe en paiement pour obtenir le paiement de sa prestation auprès de l'expéditeur.

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