Question de M. JOLY Bernard (Haute-Saône - RDSE) publiée le 30/04/2004

M. Bernard Joly appelle l'attention de M. le ministre de la santé et de la protection sociale sur l'application de la circulaire DHOS/DGS/DACS/DGCL n° 2001-576 du 30 novembre 2001 portant sur l'enregistrement à l'état civil et à la prise en charge des corps des enfants décédés avant la déclaration de naissance, qui fait suite à la loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001 relative à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception. L'article 11 de cette loi reprend l'article L. 2213-1 du code de la santé, qui dispose : " l'interruption volontaire d'une grossesse peut, à toute époque, être pratiquée si deux médecins membres d'une équipe pluridisciplinaire attestent, après que cette équipe a rendu son avis consultatif, soit que la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme, soit qu'il existe une forte probabilité que l'enfant à naître soit atteint d'une affection d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic ". La circulaire précitée prévoit que, conformément au seuil de viabilité défini par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), l'établissement d'un acte d'enfant sans vie sera facilité puisqu'il ne sera désormais exclu que si l'enfant est né vivant mais non viable ou s'il est mort-né après un terme, non plus de cent quatre-vingt jours, mais de vingt-deux semaines d'aménorrhée ou si son poids est inférieur à 500 grammes ; en outre, la circulaire prévoit que le corps d'un enfant déclaré sans vie à l'état civil peut être inhumé et rappelle que certaines communes acceptent d'accueillir, dans leurs cimetières, les corps des enfants morts nés avant ce seuil de 22 semaines d'aménorrhée ou n'ayant pas atteint un poids de 500 grammes. Actuellement, presque toutes les interruptions médicales de grossesse pratiquées après vingt-deux semaines d'aménorrhée sont précédées d'un geste foeticide. C'est-à-dire que les médecins doivent, sous peine d'être poursuivis d'infanticide, injecter un produit dans le cordon ou le coeur du foetus à travers la paroi abdominale maternelle afin qu'au moment de l'expulsion le foetus soit mort. Des accidents maternels sont survenus, dont un arrêt cardiaque, réanimé, ayant fait l'objet d'une plainte. Il lui demande s'il est éthique de mettre en danger physiquement des mères déjà traumatisées par la procédure d'interruption médicale de grossesse pour éviter que les médecins aillent en prison pour infanticide.

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Réponse du Ministre délégué aux personnes âgées publiée le 19/05/2004

Réponse apportée en séance publique le 18/05/2004

M. Bernard Joly. L'article 11 de la loi du 4 juillet 2001 relative à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception reprend l'article L. 2213-1 du code de la santé qui dispose : « l'interruption volontaire d'une grossesse peut, à toute époque, être pratiquée si deux médecins membres d'une équipe pluridisciplinaire attestent, après que cette équipe a rendu son avis consultatif, soit que la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme, soit qu'il existe une forte probabilité que l'enfant à naître soit atteint d'une affection d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic ».

La circulaire n° 2001-576 du 30 novembre 2001 qui fait suite à cette loi porte sur l'enregistrement à l'état civil et sur la prise en charge des corps des enfants décédés avant la déclaration de naissance. Or cette circulaire prévoit que, conformément au seuil de viabilité défini par l'Organisation mondiale de la santé, l'établissement d'un acte d'enfant sans vie sera facilité puisqu'il ne sera désormais exclu que si l'enfant est né vivant mais non viable ou s'il est mort né après un terme, non plus de 180 jours, mais de 22 semaines d'aménorrhée, ou si son poids est inférieur à 500 grammes.

En outre, cette circulaire prévoit que le corps d'un enfant déclaré sans vie à l'état civil peut être inhumé et rappelle que certaines communes acceptent d'accueillir, dans leurs cimetières, les corps des enfants morts nés avant ce seuil de 22 semaines d'aménorrhée ou n'ayant pas atteint le poids de 500 grammes.

Actuellement, presque toutes les interruptions médicales de grossesse pratiquées après 22 semaines d'aménorrhée sont précédées d'un geste foeticide. Les médecins doivent, sous peine d'être poursuivis d'infanticide, injecter un produit dans le cordon ou le coeur du foetus à travers la paroi abdominale maternelle afin que le foetus soit mort au moment de l'expulsion. Des accidents maternels sont survenus, dont un arrêt cardiaque, réanimé, ayant fait l'objet d'une plainte.

Monsieur le ministre, est-il éthique de mettre en danger physiquement des mères déjà traumatisées par la procédure d'interruption médicale de grossesse pour éviter que les médecins aillent en prison pour infanticide ?

Il me semble qu'il est urgent de faire en sorte que cesse une conséquence non voulue d'une mesure prise dans le but d'humaniser un acte difficile.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Hubert Falco, ministre délégué aux personnes âgées. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser M. Philippe Douste-Blazy, qui m'a demandé de le représenter ce matin au Sénat.

Vous l'interrogez sur les pratiques entourant l'interruption médicale de grossesse. Selon vos informations, celles-ci sont souvent précédées d'un geste foeticide afin d'éviter aux praticiens concernés le risque de poursuite pour infanticide. Vous indiquez que des accidents maternels seraient survenus du fait de cette pratique.

Il convient de rappeler au préalable que l'interruption médicale de grossesse peut être réalisée quel que soit l'âge gestationnel, après que deux médecins, membres de l'équipe d'un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal, ont attesté soit que la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme, soit qu'il existe une forte probabilité que l'enfant à naître soit atteint d'une affection d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic. Dans une telle situation, qui implique une décision personnelle de la femme, il appartient à l'équipe médicale, si les conditions légales sont remplies, de mettre en oeuvre tous les moyens appropriés permettant l'interruption médicale de grossesse.

En outre, même si la décision d'interruption est d'autant plus pénible moralement que la grossesse est plus avancée, vous l'avez souligné, monsieur le sénateur, des délais sont cependant nécessaires pour évaluer le pronostic associé à certaines anomalies qui peuvent justifier la décision d'interruption médicale de grossesse. L'accouchement par voie basse, en déclenchant les contractions utérines, doit être privilégié pour éviter une césarienne, en raison de la morbidité maternelle associée et du risque de rupture utérine lors de grossesses ultérieures sur un utérus cicatriciel. Cela conduit à privilégier le mode opératoire qui sera le moins traumatisant pour la femme et qui est discuté avec elle.

Néanmoins, votre intervention nous conduira à demander des éléments d'information complémentaires dans les rapports d'activité des centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal, sur les pratiques entourant la réalisation d'une interruption médicale de grossesse et leurs éventuelles conséquences sur la santé de la femme.

De plus, je vous informe qu'une étude pilote, réalisée par un service hospitalier et une unité de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, l'INSERM, est actuellement en cours, afin d'enregistrer les indications et les complications des interruptions médicales de grossesse des centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal ; elle viendra compléter ce dispositif d'information.

Enfin, il ne me semble pas que la circulaire n° 2001-576 du 30 novembre 2001 relative à l'enregistrement à l'état civil et à la prise en charge des corps des enfants décédés avant la déclaration de naissance, qui a pris en compte le cas spécifique des interruptions tardives de grossesses, incite le corps médical à privilégier la pratique d'un geste foeticide dont le choix dépend avant tout de l'analyse de chaque situation particulière.

M. le président. La parole est à M. Bernard Joly.

M. Bernard Joly. Je voudrais remercier M. le ministre de toutes les informations qu'il a données. J'ai constaté qu'il connaissait parfaitement le sujet.

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