Question de M. DÉSIRÉ Rodolphe (Martinique - RDSE-R) publiée le 29/04/2004

M. Rodolphe Désiré attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur les conditions de détention actuelles au centre pénitentiaire de Ducos, en Martinique. Cet établissement reçoit en effet 719 détenus pour 477 places, dans des cellules de 9 mètres carrés prévues pour une seule personne. Cette situation de crise contraint l'administration à des solutions inacceptables, avec des détenus couchés à même le sol ou sur un matelas situé à un mètre des toilettes. La promiscuité, l'exiguïté des espaces socio-éducatifs et sportifs et une offre insuffisante de soins médicaux - avec une attente d'un mois environ pour obtenir un rendez-vous - provoquent violences et agressions à répétition. Il faut tout de même signaler que le centre pénitentiaire de Ducos est le seul en France à regrouper en un seul lieu toutes les catégories d'établissements, de la maison d'arrêt à la maison centrale, en passant par les quartiers réservés aux mineurs ou aux femmes. Les parloirs sont d'ailleurs encombrés, deux ou trois familles pouvant être obligées de se côtoyer dans un espace de 3 mètres carrés. Les surveillants, quant à eux, travaillent dans des conditions déplorables, puisqu'un agent, censé s'occuper de 15 détenus, en supervise en réalité 60 ; pour ce qui est des unités de malades, la charge de travail y est supérieure de 55 % à la normale. L'administration prévoit la construction, en préfabriqué, de 100 cellules, sur l'emplacement d'un terrain de sport situé à l'intérieur du centre pénitentiaire. Evidemment, si l'on place alors quatre personnes par cellule, on considérera que la capacité de la prison est augmentée de 400 places, ce qui aura pour conséquence d'augmenter la densité de détenus dans l'enceinte de la prison de manière concentrationnaire. Ces modules cellulaires ne devraient-ils pas être placés à l'extérieur de l'établissement, comme le soulignait le personnel lors de sa récente négociation avec le directeur régional de la mission outre-mer ? La réglementation européenne fixe d'ailleurs la norme à un détenu pour 12 mètres carrés. Quand on sait en outre qu'il y a environ 300 condamnés circulant librement, en attente de place, on prend conscience de la gravité de la situation. L'exiguïté de la prison de Ducos n'est peut-être pas étrangère à l'ampleur du phénomène de la délinquance en Martinique, puisqu'il semblerait que les autorités judiciaires ne soient plus en mesure d'incarcérer les condamnés à des peines de moins de six mois fermes, et que les condamnés bénéficiant d'une liberté conditionnelle qui récidivent, même plusieurs fois, ne peuvent être réintégrés faute de place. Ces conditions de l'application du droit font douter de l'efficacité de la police, de la gendarmerie et de la douane, elles aussi en sous-effectif. Donner des moyens à la justice en Martinique implique donc tant de construire une nouvelle prison que d'humaniser celle qui existe, en améliorant à la fois les conditions de travail des employés et les conditions de détention des prisonniers. D'autre part, la justice ne dispose pas en nombre suffisant d'établissements adaptés à la délinquance des mineurs, ce qui contraint les forces de sécurité à l'inaction et conduit au sentiment d'impunité de ces délinquants. Ne conviendrait-il pas là aussi de donner à la justice les moyens de mieux fonctionner et créer d'urgence des unités pour mineurs, qu'il s'agisse de centres éducatifs renforcés ou de centres de placement immédiat plus ou moins ouverts, en fonction de l'âge, de la gravité des faits reprochés et de la situation des mineurs ? Il lui fait donc part de sa vive inquiétude devant une telle situation, sachant qu'il y a là, si rien n'est fait pour y porter remède dans les plus brefs délais, des risques profonds d'une déstructuration de la société insulaire martiniquaise.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 12/08/2004

Le garde des sceaux, ministre de la justice, porte à la connaissance de l'honorable parlementaire que le Gouvernement a voulu donner une place majeure, au sein de la loi d'orientation et de programmation de la justice, au traitement de la délinquance. Pour ce faire, un ambitieux programme de modernisation du parc immobilier aboutira, à terme, à la réalisation de 13 200 places de détention, dont 1 600 pour l'outre-mer. Le recensement des besoins et l'analyse de l'état du patrimoine pénitentiaire ont permis d'identifier les zones géographiques les plus touchées par la délinquance ou présentant des établissements vétustes et inadaptés aux normes réglementaires actuelles. Concernant plus particulièrement le département de la Martinique, une mission a été confiée à l'agence de maîtrise d'ouvrage des travaux publics du ministère de la justice portant sur la recherche d'emprises foncières susceptibles de pouvoir accueillir, à terme, un deuxième établissement pénitentiaire sur ce département. Par ailleurs, compte tenu de l'urgence que vous soulignez au regard du surencombrement du centre pénitentiaire de Ducos mettant en cause la sécurité de l'établissement, d'une part, les conditions de travail du personnel, d'autre part, le directeur de l'administration pénitentiaire a demandé à l'agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère de la justice d'engager deux études. La première est destinée à examiner les conditions d'installation, à court terme, de structures modulaires à l'extérieur de l'établissement destinées à héberger les femmes et les mineurs, dans la perspective de pouvoir dégager, à l'intérieur de l'enceinte, entre 60 et 100 places à la fin 2005. La deuxième étude a pour objet d'évaluer les possibilités, à moyen terme, d'une extension d'environ 100 places de l'actuel établissement sur le domaine pénitentiaire, dans des délais aussi rapprochés que possible. L'ouverture de ces places supplémentaires permettra de répondre aux besoins immédiats.

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