Question de M. VIAL Jean-Pierre (Savoie - UMP) publiée le 02/06/2004

M. Jean-Pierre Vial attire l'attention de M. le ministre de la culture et de la communication sur la question de la redevance archéologique issue de la loi n° 2003-707 du 1er août 2003. Cette loi met en place un nouveau dispositif financier : les fouilles sont payées à leur prix réel par l'aménageur. Une redevance perçue sur tous les dossiers d'aménagement supérieurs à 3 000 mètres carrés permet de financer les diagnostics et d'alimenter un fonds pour l'archéologie préventive destiné à subventionner les petites communes qui ne peuvent assumer l'intégralité du coût des fouilles. La mise en oeuvre de cette réforme est en cours. Le dispositif financier est entré en vigueur en novembre dernier et la nouvelle redevance commence à être perçue. L'année 2004 est une année de transition au cours de laquelle les dispositifs prévus par la nouvelle loi entrent progressivement en vigueur. Mais il souhaiterait attirer son attention sur une difficulté que rencontrent tout particulièrement aujourd'hui les exploitants de remontées mécaniques et gestionnaires de domaine skiable de notre pays, ainsi que certains industriels et aménageurs d'espaces économiques. Cette difficulté réside dans la définition même de l'assiette de la redevance instituée pour financer les organismes de fouilles. Dans le cas précis de la création d'un télésiège, il a été estimé par les sociétés des Trois Vallées que le sous-sol aménagé correspondait à l'emprise réelle des gares d'arrivée et de départ, soit 500 mètres carrés. Or, dans son arrêté de permis de construire, la direction départementale de l'équipement a notifié une assiette de liquidation de 179 866 mètres carrés, soit, pour le cas de ce télésiège, la somme de 58 636 euros. De la même façon, la petite commune de Villaroger, en Savoie, a prévu dans son budget le remodelage d'une piste de ski dont le montant du marché s'élève à 177 851,80 euros hors taxes. Les surfaces des parcelles en montagne étant très importantes, la base de calcul de la redevance a été évaluée sur 217 hectares. Le montant de la redevance a ainsi été fixé à 708 340,62 euros, soit quatre fois et demie le prix des travaux. Cette situation interdit à cette petite commune de pouvoir réaliser ce chantier, son budget ne pouvant pas absorber ce surcoût et les projets d'aménagement du domaine skiable. De nombreux investissements vont être reportés ou annulés. Les sociétés de remontées mécaniques subissent déjà une lourde fiscalité spécifique et elles ont pour les plus importantes d'entre elles à affronter une concurrence internationale très rude. Ces exemples se retrouvent également en matière d'aménagement de zones industrielles ou d'agrandissement des bâtiments industriels lorsque le calcul de la redevance est effectué sur la totalité des surfaces foncières alors que le projet immobilier ne peut concerner qu'une surface modeste. Aujourd'hui les professionnels sont inquiets et sont dans l'incapacité de prendre en charge de telles dépenses, qui remettent en cause la viabilité économique de leurs projets. Devant cette situation préoccupante et économiquement préjudiciable, il n'apparaît pas possible d'attendre l'échéance du 31 décembre 2005 pour établir le premier bilan d'exécution de la loi de 2003. Devant la gravité des conséquences, il apparaît évident soit de suspendre totalement ou partiellement l'application de la loi du 1er août 2003, soit d'adopter les mesures de correction ou d'adaptation qui s'imposent. Il voudrait qu'il puisse lui faire part du sentiment du Gouvernement sur ces quelques points.

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Réponse du Ministère de la culture et de la communication publiée le 16/06/2004

Réponse apportée en séance publique le 15/06/2004

M. Jean-Pierre Vial. Monsieur le ministre, la loi du 1er août 2003 a pour objectif de consolider l'archéologie préventive, de revoir son financement, de sauver de la faillite l'Institut national de recherches archéologiques préventives, l'INRAP, et d'ouvrir à tous les opérateurs qualifiés la possibilité de faire des fouilles. Elle réaffirme le rôle de l'Etat, qui décide des opérations d'archéologie, agrée les opérateurs, autorise et contrôle les fouilles, vise à développer l'intervention des services archéologiques des collectivités territoriales.

Cette loi met également en place un nouveau dispositif financier : les fouilles sont payées à leur prix réel par l'aménageur. Une redevance perçue sur tous les dossiers d'aménagement supérieur à 3 000 mètres carrés permet de financer les diagnostics et d'alimenter un fonds pour l'archéologie préventive destiné à subventionner les petites communes qui ne peuvent assumer l'intégralité du coût des fouilles. La mise en oeuvre de cette réforme est en cours. Le dispositif financier est entré en vigueur en novembre dernier et la nouvelle redevance commence à être perçue.

Le décret d'application de la loi permettra l'agrément de nouveaux opérateurs archéologiques dès cet été. L'année 2004 est une année de transition au cours de laquelle les dispositifs prévus par la nouvelle loi entrent progressivement en vigueur.

Je souhaite toutefois attirer votre attention, monsieur le ministre, sur les difficultés graves - elles sont quasiment kafkaïennes ! - qu'entraîne l'application de cette loi et qui laissent les élus complètement décontenancés.

Ces difficultés résident dans la définition même de l'assiette de la redevance instituée pour financer les organismes de fouilles ou, pour le moins, dans son interprétation par les services chargés de sa mise en oeuvre. Les conséquences sont suffisamment inquiétantes et importantes pour nécessiter une réponse urgente.

A titre d'exemple, je citerai le cas de la Société des Trois Vallées, en Savoie, qui a envisagé la construction d'un nouveau télésiège sur un flan de montagne. La redevance d'archéologie préventive, la RAP, due à l'occasion des travaux qui affectent le sous-sol sur un terrain de plus de 3 000 mètres carrés, à l'exclusion des logements locatifs du personnel, est estimée, pour l'emprise des gares d'arrivée et de départ, à environ 500 mètres carrés.

Or, dans son arrêté de permis de construire, la direction départementale de l'équipement a notifié une assiette de liquidation de 179 866 mètres carrés, soit, pour ce télésiège, la somme de 58 636 euros.

De la même façon, - et ce cas est encore plus emblématique - la petite commune de Villaroger, en Savoie, a prévu dans son budget le remodelage d'une piste de ski dont le montant du marché s'élève à 177 851 euros hors taxes. Les surfaces des parcelles en montagne étant très importantes, la base de calcul de la redevance a été évaluée sur 217 hectares et le montant de la redevance a ainsi été fixé à 708 340 euros, soit 4,5 fois le prix des travaux qui seront réalisés. Bien évidemment, compte tenu de leur coût, la commune de Villaroger ne peut prendre en charge ces travaux.

C'est une évidence ! De nombreux investissements vont donc être reportés et annulés en montagne. Néanmoins, la situation ne concerne pas uniquement les zones touristiques de montagne, mais elle vise également les secteurs d'aménagement de zones industrielles ou d'agrandissement de bâtiments industriels, lorsque le calcul de la redevance est effectué sur la totalité des surfaces foncières, alors que le projet immobilier ne peut porter que sur une surface modeste.

Aujourd'hui, les professionnels sont inquiets et sont dans l'incapacité de prendre en charge de telles dépenses, ce qui remet en cause la viabilité économique de leurs projets, voire remet en cause des projets importants qui peuvent être abandonnés sur tel ou tel territoire.

Devant cette situation préoccupante et économiquement préjudiciable, il ne paraît pas possible d'attendre l'échéance du 31 décembre 2005 pour établir le premier bilan d'exécution de la loi de 2003. Compte tenu de la gravité des conséquences, il faut adopter dès à présent les mesures de correction, d'adaptation ou de suspension qui s'imposent.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, vous posez une question très importante qui légitime que je revienne de nouveau devant l'Assemblée nationale et le Sénat. En effet, nous savons que l'application de la loi pose problème et ce ne seront vraisemblablement pas de petits aménagements qui permettront de sortir de la crise que nous connaissons.

L'objectif politique est très important : il s'agit de concilier les opérations d'aménagement nécessaires, que sont les projets menés sur l'ensemble des communes de notre pays, et le souci de protection de notre histoire, de nos racines, de notre patrimoine, c'est-à-dire avec les aspirations liées à l'archéologie.

Vous m'interrogez sur les cas aberrants qui se produisent. En présentant récemment en Conseil des ministres les décrets d'application de la loi, j'ai indiqué au Président de la République, au Premier ministre et à mes collègues du Gouvernement que, sur ce sujet, les décrets d'application étaient utiles. En effet, si, dans un certain nombre de domaines, ils étaient très attendus, dans d'autres, ils ne résoudraient pas les difficultés aujourd'hui constatées.

Aux termes de la loi, pour les travaux autorisés ou déclarés en application du code de l'urbanisme - il existe également les aménagements sans permis de construire : les routes, les autoroutes, les viaducs, les ponts... -, la redevance d'archéologie préventive est calculée par application du taux de 0,32 euro au mètre carré à la totalité de la superficie du terrain d'assiette desdits travaux. La circulaire d'application des dispositions relatives à la redevance définit le terrain d'assiette comme l'unité foncière constituée par l'ensemble des parcelles contiguës appartenant à un même propriétaire. C'est là, évidemment, que se posent les difficultés que vous avez soulevées.

Depuis la mise en oeuvre de la loi, l'assiette ainsi définie se révèle mal adaptée aux cas d'unités foncières de superficie importante qui peuvent induire des montants de redevance prohibitifs. Vous avez cité des exemples que je suis contraint, non seulement d'accepter, mais aussi de faire miens - j'aurais pu vous en donner d'autres ! -, car vous pointez un certain nombre de dysfonctionnements graves.

Par ailleurs, fondé sur le foncier, sans considérer les dimensions effectives des aménagements envisagés, le montant de la redevance, même s'il est raisonnable, peut sembler disproportionné par rapport à l'atteinte effective portée au sol par les travaux, y compris dans le cas d'unités foncières de superficie modeste.

Les redevances dues pour les autorisations et déclarations d'urbanisme sont liquidées par les services déconcentrés du ministère de l'équipement ; pour les autres projets, elles le sont par les services déconcentrés du ministère de la culture et de la communication, c'est-à-dire par les directions régionales des affaires culturelles, les DRAC, qui, il faut le reconnaître, ne sont pas très bien formées au prélèvement de la redevance dans ce domaine.

C'est donc en liaison très étroite avec les services du ministère de l'équipement ainsi qu'avec le ministre chargé du budget que nous recherchons une solution adaptée au problème posé. J'ai demandé que soit effectuée une étude technique précise des différentes hypothèses de correction de la redevance, pour les cas aberrants, voire de modification de l'assiette dont il convient de mesurer avec précision les incidences. D'emblée, nous nous situons dans la perspective d'une révision nécessaire des dispositions législatives.

Sans attendre l'aboutissement de ce travail, et pour les cas aberrants - quand, d'ailleurs, les considérer comme tels ? Il faudra se poser la question du seuil de déclenchement - j'envisage de proposer à mes collègues concernés de prendre de conserve la décision de suspendre, dans les cas aberrants, l'établissement de la redevance jusqu'à ce que la décision sur la solution à adopter soit prise.

Cette possibilité de suspension est offerte par la loi telle qu'elle avait été conçue. La situation que nous constatons va très vraisemblablement nous faire rentrer d'emblée dans l'application de cette loi par l'effet de suspension, avant d'en définir, le plus rapidement possible je l'espère, un nouvel équilibre. En effet, la date du 31 décembre 2005 que vous avez indiquée me semble, comme à vous, très lointaine.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vial.

M. Jean-Pierre Vial. Monsieur le ministre, j'ai été très sensible aux deux aspects de votre réponse.

Vous avez tout d'abord considéré qu'il fallait modifier la loi.

Il y a ensuite, et vous comprendrez que ce second aspect m'intéresse davantage, une véritable urgence sur le plan économique, notamment pour les chantiers qui, en raison de cette situation, ne peuvent pas être entrepris ou qui sont arrêtés.

Je tiens à vous remercier de la possibilité que vous proposez de suspendre, dans les cas qui poseraient vraiment difficulté, la mise en oeuvre de cette redevance. A ce titre, vous soulignez d'ailleurs que les services des directions départementales de l'équipement devraient également pouvoir apprécier de manière plus juste les situations.

S'agissant des travaux de montagne, je ne doute pas qu'il soit possible de faire preuve d'un peu plus de discernement.

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