Question de M. SUTOUR Simon (Gard - SOC) publiée le 15/10/2004

Question posée en séance publique le 14/10/2004

M. Simon Sutour. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'outre-mer.

Madame la ministre, la Polynésie française traverse une crise politique et institutionnelle grave à la suite du renversement du gouvernement de M. Oscar Temaru.

M. René-Pierre Signé. C'est scandaleux !

M. Simon Sutour. L'émotion est forte, en Polynésie bien sûr, mais aussi en métropole. La presse s'en fait d'ailleurs tous les jours largement l'écho. (M. Simon Sutour brandit un quotidien.)

A cette crise, une seule réponse crédible est possible : consulter les Polynésiens en organisant de nouvelles élections.

Vous vous y opposez, au motif, dites-vous, qu'« il n'y a pas de blocage des institutions de la Polynésie ».

M. Josselin de Rohan. Exact !

M. Simon Sutour. Pourquoi, madame la ministre, avez-vous alors accepté de dissoudre l'assemblée de Polynésie au printemps dernier, en accord avec M. Flosse, et pourquoi refusez-vous aujourd'hui la dissolution demandée par M. Temaru, alors qu'il existe une crise institutionnelle réelle ?

La vérité, c'est que vos déclarations et votre action montrent que vous n'avez jamais accepté l'alternance politique en Polynésie, en particulier en annonçant que le processus électoral n'était pas achevé, et je reprends ici vos propres termes.

Il est vrai que l'action du nouveau gouvernement de M. Temaru a suscité certaines inquiétudes. Il a suspendu en effet de nombreux marchés publics, jugés excessifs, et il avait lancé un audit sur l'utilisation des fonds publics par l'ancien gouvernement de M. Flosse.

M. Jacques Mahéas. Voilà !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Eh oui !

M. Simon Sutour. Il est clair aussi que vous n'avez pas voulu jouer la continuité.

Ainsi, lors de sa venue à Paris au mois de juillet dernier, M. Temaru n'a pu rencontrer ni le ministre chargé de l'économie et des finances, ni le Premier ministre, ni bien évidemment le Président de la République.

Samedi prochain, à Papeete, une délégation de parlementaires socialistes, dont un membre de notre groupe, M. Bernard Frimat, participera à une marche pacifique à l'appel des partis démocratiques de Polynésie.

Madame la ministre, allez-vous enfin reconsidérer votre position et accepter, comme le demande M. Temaru, de dissoudre l'assemblée et de donner la parole au peuple de Polynésie française ?

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Réponse du Ministère de l'outre-mer publiée le 15/10/2004

Réponse apportée en séance publique le 14/10/2004

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, durant ces derniers jours, j'ai effectivement entendu beaucoup de critiques sur le rôle de l'Etat en Polynésie, ...

Plusieurs sénateurs socialistes. Il y a de quoi !

Mme Brigitte Girardin, ministre. ... critiques qui ne me paraissent pas acceptables. Aussi souhaiterais-je y répondre aujourd'hui, sans aucun esprit polémique. (Rires sur les travées du groupe socialiste.)

Tout d'abord, je le rappelle, le renversement d'un gouvernement à la suite de l'adoption d'une motion de censure (Exclamations sur les mêmes travées)...

M. Jean-Marc Todeschini. En sous-main !

Mme Brigitte Girardin, ministre. ... est prévu par le statut mis en place en 1984 par le gouvernement Fabius, et il n'est écrit nulle part qu'il doit ensuite être procédé à la dissolution de l'assemblée,...

M. Jacques Mahéas. Quand Flosse l'a demandée, elle a eu lieu !

Mme Brigitte Girardin, ministre. ... sauf en cas de blocage des institutions.

Un sénateur socialiste. Les blocages, c'est Flosse qui en décide !

Mme Brigitte Girardin, ministre. Or ces institutions fonctionnent normalement. (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Roland Courteau. Coup d'Etat !

Mme Brigitte Girardin, ministre. C'est d'ailleurs le rôle de l'Etat de veiller à la stricte application de la loi statutaire, ce que nous venons de faire lorsque le président de l'assemblée de Polynésie a fait preuve d'une défaillance volontaire : l'assemblée, conformément au statut, s'est réunie pour fixer au 19 octobre prochain l'élection du futur président de la Polynésie.

M. Jacques Mahéas. On se demande qui sera élu !

Mme Brigitte Girardin, ministre. Monsieur le sénateur, est-il habituel que l'on demande la dissolution d'une assemblée locale, d'une collectivité locale de la République,...

M. Raymond Courrière. Chirac l'a fait !

Mme Brigitte Girardin, ministre. ... lorsque celle-ci est gérée à une seule voix de majorité ?

Je ne le crois pas et je ne vois pas pourquoi nous ferions exception en Polynésie française.

M. Christian Cointat. Très bien !

Mme Catherine Tasca. Tout est exception en Polynésie !

Mme Brigitte Girardin, ministre. Je vous rappelle que la dissolution qui a été prononcée en 2004 par le Président de la République, à la suite de l'entrée en vigueur du nouveau statut de la Polynésie, s'est faite dans les mêmes conditions que celle qui avait été prononcée en 1984 par le Président de la République de l'époque, François Mitterrand.

Vous approuvez la dissolution quand elle est le fait de François Mitterrand, vous la désapprouvez lorsqu'elle est prononcée par Jacques Chirac dans les mêmes conditions : où est votre cohérence ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. Jean-Marc Todeschini. Personne n'avait acheté de voix !

Mme Brigitte Girardin, ministre. Enfin, j'entends beaucoup parler de « débauchage », de « magouille », de « manipulation ».

Quelqu'un s'est-il offusqué que M. Temaru ait rallié la voix d'un partisan de M. Flosse qui, depuis, a d'ailleurs rejoint le parti de M. Flosse pour se faire élire président ? (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.) Pourquoi ne précise-t-on pas que le conseiller qui vient de faire basculer la majorité en faveur de Gaston Flosse était, voilà quelques années, son ministre de l'agriculture, avant de rallier le parti de M. Temaru ?

Alors, qui débauche qui ?

M. Jean-Marc Todeschini. D'un côté, 45%, de l'autre, 55% !

M. René-Pierre Signé. C'est au peuple de trancher !

Mme Brigitte Girardin, ministre. Enfin, je suis choquée que l'on reproche aussi à l'Etat de prendre toutes les mesures qui s'imposent en termes de maintien de l'ordre public. C'est en effet le rôle régalien de l'Etat en Polynésie française, laquelle n'est toujours pas indépendante, je vous le rappelle. Vous seriez sans doute les premiers à nous reprocher de faire preuve d'imprévoyance et d'incompétence sur ce sujet. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste. - Protestations sur les travées du groupe socialiste.))

M. Ladislas Poniatowski. Très bien !

Mme Brigitte Girardin, ministre. Quant au déni de démocratie que vous nous reprochez, je crois que, si Paris interrompait l'exercice normal de la démocratie locale sous prétexte qu'un gouvernement indépendantiste a été renversé,...

M. Jacques Mahéas. Majoritaire !

Mme Brigitte Girardin, ministre. ... il s'agirait bel et bien alors d'un déni de démocratie.

M. Raymond Courrière. Il faut faire appel au peuple !

M. René-Pierre Signé. Elections !

Mme Brigitte Girardin, ministre. Enfin, monsieur le sénateur, en allant en Polynésie avec une délégation d'élus socialistes métropolitains, vous illustrez parfaitement la logique coloniale interventionniste que vous dénoncez. (Applaudissements nourris sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste - Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Michel. Scandaleux !

Mme Brigitte Girardin, ministre. Alors, s'il vous plaît, acceptez de considérer que les Polynésiens sont des Français majeurs qui entendent le rester et qui sont capables de régler eux-mêmes leurs affaires.

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