Question de M. BILLARD Joël (Eure-et-Loir - UMP) publiée le 15/10/2004

Question posée en séance publique le 14/10/2004

M. Joël Billard. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le ministre, deux ans après l'adoption de la loi d'orientation et de programmation pour la justice, notamment la justice pénale des mineurs, vous avez présenté, il y a un mois, une communication en conseil des ministres sur ce sujet et avez réuni récemment, à la Chancellerie, les directeurs de la protection judiciaire de la jeunesse.

Celle-ci souffre d'une image quelque peu négative. De plus, la délinquance des mineurs, qui n'a cessé d'augmenter ces dernières années, constitue l'un des défis majeurs de notre société, celui de l'insertion des jeunes, non seulement dans la vie active mais aussi, et d'abord, dans la société.

Face à la délinquance de mineurs toujours plus jeunes se posent non seulement le problème de son traitement, à savoir les réponses judiciaires, qui doivent être, selon moi, adaptées, mais encore celui de la protection de ces jeunes en danger qui se retrouvent parfois très tôt face à eux-mêmes, coupés du cadre familial et scolaire.

Ainsi, dans la mesure du possible, la réinsertion et la rescolarisation en aval me semblent bien sûr indispensables, tandis qu'en amont la prévention doit être privilégiée, avec un choix de peines alternatives aujourd'hui suffisamment étoffé.

Néanmoins, une société responsable doit également assumer le fait que les cas les plus graves nécessitent parfois un enfermement.

Mais, dans ce cas, il apparaît impératif de bien séparer les détenus majeurs des mineurs, sans quoi aucune reconstruction ne sera possible.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien ! Cela fait longtemps qu'on le dit !

Mme Nicole Borvo. Il existe un excellent rapport du Sénat sur la délinquance des mineurs qui, malheureusement, n'a pas été suivi d'effet !

M. Joël Billard. Les centres éducatifs fermés constituent également, de manière indéniable, une réponse adaptée pour les cas les plus graves.

Monsieur le ministre, ma question portera par conséquent sur ces deux aspects, répressif et préventif : face à cette délinquance des mineurs, dont j'espère que vous nous communiquerez les dernières statistiques en votre possession, peut-on aujourd'hui mesurer l'efficacité des centres éducatifs fermés et où en est-on, dans nos prisons, de la séparation entre détenus mineurs et majeurs ?

Enfin, quels efforts sont aujourd'hui portés sur la prévention de cette délinquance ?

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 15/10/2004

Réponse apportée en séance publique le 14/10/2004

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, la délinquance des mineurs n'est pas une fatalité, même si elle reste un défi considérable pour notre pays.

Je voudrais dire combien l'institution judiciaire s'est mobilisée depuis un certain nombre d'années et illustrer mon propos de quelques données chiffrées.

Le taux d'élucidation des affaires concernant les mineurs atteint désormais 85 %, ce qui est remarquable.

La réponse pénale est aujourd'hui plus forte : entre 2002 et 2003, elle a augmenté de trois points.

Quant aux classements sans suite, ils ont diminué de 7 % cette année, ce qui est tout à fait significatif !

M. Jacques Mahéas. N'importe quoi !

M. Dominique Perben, garde des sceaux. En termes d'efficacité, un autre pourcentage est important : 60 % des mineurs délinquants poursuivis le sont maintenant dans un délai inférieur à un mois.

Or nous savons, les uns et les autres, combien il est important, s'agissant de la délinquance des mineurs, que la sanction puisse tomber de façon relativement rapide après la commission des faits car, sinon, elle n'a aucun effet pédagogique. Il est donc très important que nous parvenions à accélérer ce processus.

Les mesures éducatives ont également été favorisées, puisqu'elles sont prononcées à 60°%, contre 40 % de peines.

J'en viens maintenant à l'accueil des mineurs condamnés.

Tout d'abord, onze centres éducatifs fermés fonctionnent d'ores et déjà aujourd'hui et vingt-cinq seront en fonctionnement en 2005.

Il est vrai que ces établissements sont difficiles à créer et à faire fonctionner. Mais je peux vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, au vu des cas individuels des jeunes suivis dans ces centres, combien ceux-ci sont utiles, tant les jeunes qui s'y trouvent connaissent des situations invraisemblables de perte de repères et d'intenses difficultés. Vraiment, le travail accompli dans ces centres est de très grande qualité !

Ensuite, s'agissant de la séparation des détenus mineurs et des détenus majeurs, je tiens à faire part à votre assemblée de ma détermination à y parvenir.

Les faits sont là : j'ai obtenu en deux ans et demi la rénovation de tous les quartiers de mineurs au sein des établissements de majeurs, de façon à ce que la distinction soit effective. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Josselin de Rohan. Très bien !

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Enfin, j'ai lancé la construction d'établissements spécifiques pour mineurs, organisés autour de la salle de classe, de façon qu'un mineur sorte de prison en meilleur état qu'il n'y est entré. Tel est notre objectif dans les cas où l'enfermement est nécessaire.

S'agissant de l'enfermement, le nombre de mineurs incarcérés a baissé substantiellement depuis deux ans, puisque nous sommes passés de 932 à 628 détenus mineurs, ce qui représente une diminution d'un tiers. Il faut le rappeler, car c'est une réalité qui est peu connue. J'y vois le résultat des mesures alternatives et, en particulier, de la création des centres éducatifs fermés.

La délinquance des mineurs n'est donc pas une fatalité, mais il faut poursuivre l'effort, et les résultats obtenus à ce jour sont encourageants.

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