Question de M. SIGNÉ René-Pierre (Nièvre - SOC) publiée le 07/10/2004

M. René-Pierre Signé souhaite attirer l'attention de M. le ministre délégué à l'industrie sur le contenu du plan d'évolution du réseau que vient d'adopter la direction de La Poste, dans la lignée du contrat de plan signé en juin 1998, et de la loi de régulation postale (n° 90-568 du 2 juillet 1990). Personne ne conteste aujourd'hui, y compris dans les rangs des syndicats, le fait que La Poste doit adapter son offre de service en tenant compte de l'évolution démographique et de l'activité économique. Articulé autour du concept de zones de vie, ce plan, qui entrera en vigueur à partir du 1er janvier 2005, suscite cependant l'inquiétude des élus des zones rurales. Dans le département de la Nièvre, il ne subsistera plus que 65 bureaux de postes de plein exercice sur 101. L'alternative constituée par les agences postales communales revient à alourdir encore un peu plus les charges des communes. Pour ce qui est des points postes, les conditions de confidentialité ne semblent pas être réunies et ils ne pourront proposer les mêmes services en étant considérés comme des centres de profit. On pourrait nourrir aussi quelques inquiétudes sur l'avenir d'EDF. RTE est déjà quasiment privatisé à 49 %. Le réseau de distribution confié le plus souvent à des syndicats départementaux est menacé, des points d'accueil supprimés, les délais de dépannage et de réparation allongés. Reste encore la péréquation, dernière garantie du service public. Pourra-t-elle résister longtemps à l'insertion des capitaux privés dans le capital d'EDF ? En conséquence, il lui demande comment le Gouvernement compte, après la mise en oeuvre de la concertation indispensable avec les élus locaux et les associations d'usagers, tenir compte de leurs demandes et veiller au maintien d'un service public effectif et efficace en zone rurale ?

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Réponse du Ministre délégué aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation publiée le 17/11/2004

Réponse apportée en séance publique le 16/11/2004

M. Didier Boulaud. Monsieur le ministre, je vous prie d'excuser l'absence de mon collègue et ami René-Pierre Signé, qui, légèrement souffrant, m'a demandé de le remplacer, ce que je fais d'autant plus volontiers que je partage pleinement sa préoccupation.

M. Signé et moi-même souhaitons attirer l'attention de M. le ministre délégué à l'industrie sur le contenu du « plan d'évolution du réseau » que vient d'adopter la direction de La Poste, dans la lignée du contrat de plan signé en juin 1998, et de la loi de régulation postale.

Personne ne le conteste aujourd'hui, y compris dans les rangs des organisations syndicales, La Poste doit adapter son offre de services en tenant compte de l'évolution démographique et de l'activité économique. Articulé autour du concept de « zones de vie », ce plan, qui entrera en vigueur à partir du 1er janvier 2005, suscite cependant l'inquiétude des élus des zones rurales.

C'est ainsi que, dans le département de la Nièvre, seuls 65 bureaux de postes de plein exercice subsisteront, contre 101 actuellement. Quant à la solution constituée par les agences postales communales, elle revient de fait à alourdir encore un peu plus les charges des communes.

Pour ce qui est des points Poste, les conditions de confidentialité ne semblent pas être réunies ; en outre, ils ne pourront proposer les mêmes services en étant considérés comme des centres de profit.

De la même manière, l'avenir d'EDF soulève quelques inquiétudes.

Le réseau de transport d'électricité, RTE, est déjà quasi privatisé, à 49 %. Le réseau de distribution confié le plus souvent à des syndicats départementaux est, quant à lui, menacé, des points d'accueil supprimés, les délais de dépannage et de réparation sensiblement allongés.

Reste la péréquation, dernière garantie du service public. Pourra-t-elle résister encore longtemps à l'insertion des capitaux privés dans le capital d'EDF ?

En conséquence, monsieur le ministre, comment le Gouvernement compte-t-il, après la mise en oeuvre de la concertation indispensable avec les élus locaux et les associations d'usagers, tenir compte de leurs demandes et veiller au maintien d'un service public effectif et efficace, notamment en zone rurale ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Jacob, ministre délégué aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Monsieur le sénateur, La Poste est un acteur majeur de l'aménagement du territoire grâce à une présence forte sur le territoire.

A la demande du Gouvernement, le président de La Poste s'est engagé solennellement à maintenir une présence postale de 17 000 points de contact à l'échelon non seulement national, mais aussi départemental.

En effet, ni le Gouvernement ni les Français n'auraient compris que La Poste déserte les zones rurales. Elle y demeurera donc, mais à travers des structures plus diversifiées que celles qui existent aujourd'hui. Il faut citer à cet égard les agences postales communales, les points Poste ou les bureaux de proximité.

Le département de la Nièvre compte, depuis de nombreuses années, 137 points de contact postaux, 68 bureaux de plein exercice, 40 bureaux annexes, 3 agences postales tenues par des particuliers, 18 agences postales communales et 8 points Poste.

Ainsi que le Gouvernement l'avait rappelé au président de La Poste, tout projet local d'évolution de la présence postale dans la Nièvre, comme d'ailleurs dans tout autre département, devra être précédé d'une concertation avec les élus locaux.

S'agissant des conditions financières relatives aux agences postales communales, La Poste devrait annoncer, lors du congrès des maires, le lancement d'une nouvelle convention fixant désormais l'indemnité compensatrice sur la base d'un forfait de 35 euros par heure avec un minimum annuel de 5 250 euros.

Vous avez également soulevé, monsieur le sénateur, la question de la confidentialité des points Poste.

Il faut savoir que les commerçants qui gèrent ces points Poste s'engagent contractuellement à respecter les dispositions du code pénal en matière de secret professionnel et du code des PTT sur le secret des correspondances. Par ailleurs, ces commerçants n'ont absolument pas accès aux comptes chèques postaux, les fameux CCP, des clients.

Mesdames, messieurs les sénateurs, La Poste, ce grand service public de proximité apprécié des Français, doit rester un grand service public ; le Gouvernement y sera particulièrement attentif.

En ce qui concerne le réseau public de transport d'électricité, la filialisation, demandée par la directive européenne de juin 2003, est prévue par la loi du 9 août 2004, tout en garantissant que le capital « est détenu en totalité par EDF, l'Etat ou d'autres entreprises ou organismes appartenant au service public ». Dès lors, aucune privatisation ne peut avoir lieu.

Pour ce qui est de la distribution, la loi du 10 février 2000 a renforcé le rôle confié aux communes ou à leurs groupements dans l'organisation de la distribution publique d'électricité et conforté le Fonds d'amortissement des charges d'électrification, qui permet de pérenniser des ressources importantes au bénéfice des syndicats d'électrification, afin d'améliorer la qualité de l'électricité et l'esthétique des réseaux en zone rurale.

A cet égard, les enquêtes réalisées périodiquement au sein de conférences départementales réunissant les collectivités, les gestionnaires de réseaux de distribution et les services de l'Etat montrent une nette amélioration de la situation en termes de qualité.

Par ailleurs, la part des implantations d'EDF-Gaz de France Distribution en zone rurale se stabilise à un niveau satisfaisant et environ 85% de la population nationale se situent à moins de dix minutes d'un point d'accueil clientèle ou d'un site d'intervention.

La gestion des dépannages au sein d'EDF-Gaz de France Distribution est en cours de réorganisation. Le Gouvernement veillera à ce que cette réorganisation ne s'opère pas au détriment de la sécurité, notamment pour les demandes d'intervention en urgence, en cas de fuite de gaz, par exemple.

Le prochain contrat de service public entre l'Etat et EDF fixera des objectifs de résultat à EDF en matière de service aux usagers, quelle que soit leur situation géographique, et maintiendra l'obligation d'une concertation avec les collectivités préalablement à toute réorganisation importante de ses implantations.

Enfin, le choix de la péréquation tarifaire pour l'acheminement de l'électricité a été proposé par la Commission de régulation de l'énergie au Gouvernement, qui l'a accepté. Le tarif d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution est donc péréqué depuis 2002.

M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud.

M. Didier Boulaud. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, même si j'en pressentais la teneur.

S'il nous a paru nécessaire, à mon collègue René-Pierre Signé et à moi-même, de poser cette question, qui a été déjà soulevée à de multiples reprises, c'est pour insister sur l'inquiétude réelle des élus.

En effet, nous sommes au bord d'une crise grave entre l'Etat et des élus qui sont las de la disparité entre le discours officiel sur le monde rural et la réalité. Ainsi, chacun a pu constater que, dans la Creuse, 260 élus ont démissionné au mois d'octobre et que, par ailleurs, 6 000 communes ont délibéré pour protester contre les dispositions prises, qui amputent le service public.

Le Gouvernement, monsieur le ministre, mesure sans aucun doute la différence qui existe entre le maintien du service public et le maintien des services publics : ce n'est pas la même chose pour les usagers !

Confier les activités de La Poste à un commerce ou les mettre à la charge des communes n'est pas une opération des plus valorisantes. Or La Poste, les perceptions, les gendarmeries, les hôpitaux, les écoles, les services d'accueil, EDF, tout y passe !

Là où un dialogue et une négociation seraient nécessaires, on se trouve devant des décisions arrêtées.

Alors, on accuse l'Europe ! Mais les Européens doivent maîtriser leur avenir en termes de politique énergétique, de télécommunications ou de transport sans s'en remettre au seul marché, et, que je sache, la modification du statut d'EDF n'a pas été exigée par Bruxelles, mais correspond bien à une logique ultralibérale !

La modernisation des services publics est inséparable de leur défense. Pour notre part, nous militons pour des services efficaces - adaptables, certes, à l'évolution des techniques - qui devraient être regroupés au sein d'un grand service public, si l'on veut que l'aménagement du territoire ne se résume pas à de simples discours.

Or, si La Poste doit devenir un établissement financier de plein exercice, si EDF doit s'ouvrir à des capitaux privés, notre inquiétude est bel et bien justifiée. Des règles très strictes doivent être établies - à quand la loi postale, par exemple ? - si l'on ne veut pas que la situation évolue vers le « tout marché » qui, de notre point de vue, entraînerait la disparition des services publics tels que nous voulons les maintenir dans les zones rurales.

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