Question de M. HUMBERT Jean-François (Doubs - UMP) publiée le 18/11/2004

M. Jean-François Humbert appelle l'attention de M. le ministre de l'écologie et du développement durable sur les dégâts causés à nos populations piscicoles par le grand cormoran (phalacrocorax carbo sinensis), originaire des Pays-Bas et du Danemark et au régime alimentaire exclusivement piscivore. On estime la population actuelle sur le territoire national à 100 000 cormorans qui consomment 6 500 tonnes de poisson par an, soit l'équivalent de la production annuelle des piscicultures d'étang. Des portions de rivières ainsi que des étangs sont entièrement vidés de leur contenu. Les poissons et la faune aquatique sont aussi atteints par des vers, rejetés dans le milieu par les cormorans. De plus, les arbres servant de dortoirs aux oiseaux sont couverts de déjections et meurent irrémédiablement, En fait, c'est tout l'écosystème qui souffre de l'excès de présence de ce grand oiseau. Ce prédateur fait peser une menace réelle sur certaines espèces de poissons inscrites à l'annexe 2 de la convention de Berne relative aux espèces en danger à protéger en priorité. Le département du Doubs dispose des plus belles rivières d'Europe au niveau halieutique avec des populations de truites farios autochtones et d'ombres communs uniques en France. Or, cet atout touristique, reconnu et accompagné par des mesures des collectivités locales en faveur du traitement des pollutions et le travail des associations et fédérations de pêche, est remis en question par la présence du grand cormoran, espèce complètement inconnue il y a trente ans dans notre région. L'oiseau est présent en France d'octobre à mi-avril, mais cette période s'allonge de plus en plus au fur et à mesure des années, avec apparition de couples nicheurs et donc des craintes sur un début de sédentarisation de l'espèce. L'interdiction du ramassage des oeufs de cormoran pour consommation au Danemark et aux Pays-Bas, puis sa protection en 1979 dans le cadre de la directive européenne 79-409 ont entraîné un développement sans précédent de cette espèce, et par conséquent sa prolifération en France et en Europe du Sud. En 1997, le Gouvernement français a obtenu le déclassement du grand cormoran de l'annexe 1 de la directive européenne " Oiseaux " et des autorisations de régulation partielle. Ces mesures et notamment les augmentations de quotas de tir sont toutefois nettement insuffisantes et peu efficaces devant l'ampleur du phénomène. Des actions locales entreprises ces dernières années visent d'ailleurs à obtenir le classement du grand cormoran parmi les espèces chassables. Or, dans certains pays, la régulation de l'espèce s'opère à minima, voire pas du tout, c'est pourquoi une harmonisation européenne en la matière est indispensable. Il lui demande donc quelles nouvelles mesures concrètes vont être proposées en France, si les résultats du programme scientifique européen REDCAFE sont connus et si une stratégie européenne est envisagée.

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Réponse du Ministère de l'écologie et du développement durable publiée le 14/04/2005

Le ministre de l'écologie et du développement durable a pris connaissance, avec intérêt, des questions relatives aux mesures envisagées afin de réguler la prolifération des grands cormorans. La protection du grand cormoran, instituée à l'échelle de l'Europe à partir de 1979, participe à l'expansion de ses populations qui exercent une pression de plus en plus importante sur les eaux continentales. C'est pourquoi le ministère de l'écologie et du développement durable a engagé depuis 1992 une politique de gestion de cette espèce, visant à concilier la pérennité de l'espèce, la protection des intérêts économiques et celle du milieu aquatique. L'espèce grand cormoran est protégée au titre du régime général de protection de toutes les espèces d'oiseaux visées à l'article 1er de la directive 79/409 relative à la conservation des oiseaux sauvages et de l'arrêté du 17 avril 1981 modifié fixant la liste des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire. Ces textes ont prévu la possibilité de procéder à la destruction de grands cormorans pour prévenir les dommages importants aux pêcheries ou pour la protection de la faune et de la flore, à la fois sur les piscicultures extensives en étang et sur les eaux libres. Le 7e recensement national des grands cormorans hivernants, réalisé en janvier 2003, fait état d'un effectif de 89 183 cormorans. La progression annuelle s'est fortement ralentie pour n'atteindre que 2,4 % d'augmentation annuelle depuis 2001, contre 7 % entre 1997 et 1999. La stabilisation de la population hivernante correspond largement à celle des effectifs nicheurs de la population Nord-Ouest européenne qui fournit l'essentiel des hivernants français, population qui montre une courbe classique de régulation « densité-dépendance ». L'arrêté du 25 août 2003 a autorisé des quotas de prélèvement pour les saisons 2003 à 2005 en forte augmentation par rapport au dispositif précédent (globalement de + 26 %, soit plus de 30 000 oiseaux). En valeur absolue, on assiste à une réelle progression du nombre d'oiseaux prélevés : de 22 156 oiseaux au cours de l'hiver 2002/2003 à 25 239 au cours de l'hiver 2003/2004. Le taux de réalisation des tirs d'élimination n'a cependant pas été à la hauteur de l'augmentation autorisée. Ainsi le dispositif de gestion du grand cormoran, mis en oeuvre depuis plus de dix années, a été progressivement renforcé dans le sens demandé par les pisciculteurs et les pêcheurs. Comme le ministre de l'écologie et du développement durable s'y est engagé devant l'Assemblée nationale à l'occasion de l'examen de la loi sur le développement des territoires ruraux, il a fait préparer des mesures nouvelles pour améliorer la réalisation des prélèvements autorisés. Il s'agira tout d'abord de mutualiser les expériences réussies avec l'appui du Conseil supérieur de la pêche. Le ministre de l'écologie et du développement durable a déjà répondu favorablement aux demandes d'augmentation de quotas qui lui ont été présentées. Il examinera dans les mêmes dispositions celles qui lui parviendront. Il prépare l'élargissement à toute la France de la possibilité pour les pisciculteurs de réaliser des tirs jusqu'au 30 avril en cas d'alevinage ou de vidange tardifs. Par ailleurs, la zone de tir possible dans les eaux libres est en cours de révision pour offrir aux préfets une latitude dans la définition du périmètre d'accompagnement le long des rivières. Les moyens réglementaires existants doivent être également mieux employés. Notamment, il est souvent fait une interprétation trop restrictive de la possibilité de tirer les cormorans par des chasseurs autres que des gardes assermentés. Il faut aussi éviter des retards d'ouverture de la période de tir dans toute la période réglementairement possible. Le ministre de l'écologie et du développement durable rappellera l'ensemble de ces dispositions aux préfets. De plus, s'agissant d'une espèce migratrice, la France cherchera à développer la coordination du suivi des populations et de leur gestion entre les États membres de l'Union européenne concernés.

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