Question de M. MASSERET Jean-Pierre (Moselle - SOC) publiée le 19/01/2005

M. Jean-Pierre Masseret souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la situation de l'industrie textile en Lorraine. Les accords " multifibres ", signés en 1974, arrivent en effet à terme le 1er janvier 2005, laissant l'Europe dépourvue de toute protection sous forme de quotas d'importation. Cela laisse présager une très forte augmentation des importations de produits, asiatiques pour l'essentiel, notamment chinois. Une part substantielle de l'industrie lorraine reste tournée vers le textile et l'habillement, avec plus de 400 entreprises qui employaient en 2002 près de 10 000 salariés. La moitié de cette production est concentrée dans le département des Vosges. Cela fait maintenant longtemps que cette industrie souffre. C'est pourquoi, le 18 décembre dernier, syndicats salariés et patronaux ont unanimement dénoncé l'absence de réactivité des pouvoirs publics face à la fin annoncée des accords " multifibres ". Cette attitude attentiste pourrait signifier la disparition pure et simple de 30 000 à 40 000 emplois dans toute la France. C'est pourquoi organisations syndicales et patronales demandent à l'Etat d'organiser pour le textile un plan global de reclassement, au même titre que ce qui a, par exemple, pu être fait pour la sidérurgie. L'examen des évolutions depuis trente ans démontre que les activités textiles ayant le mieux résisté et même créé de l'emploi sont celles dont la production est orientée vers l'ennoblissement et la fabrication d'articles spécialisés, qui apportent le plus de valeur ajoutée, ce qui nécessite des moyens de recherche importants. La région Lorraine est prête à s'inscrire dans une démarche partenariale pour un plan global autour de cette industrie, impliquant l'Etat au titre de la politique de l'emploi et les collectivités locales au titre de l'aménagement du territoire et de la politique de développement économique. C'est dans cet esprit qu'elle a déjà pris l'initiative de réunir l'ensemble des partenaires sociaux le 10 janvier dernier. Il souhaite en conséquence savoir quelles initiatives le Gouvernement entend prendre pour soutenir cette démarche essentielle pour l'avenir économique de la Lorraine.

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Réponse du Ministère délégué à l'industrie publiée le 02/02/2005

Réponse apportée en séance publique le 01/02/2005

M. Jean-Pierre Masseret. Monsieur le ministre, ma question porte sur le textile en Lorraine, notamment dans les Vosges.

Vous connaissez les conséquences pour nos entreprises locales de la fin des accords multifibre : des emplois disparaîtront, des personnes se trouveront en difficulté et des zones d'activité, singulièrement bousculées.

Je connais les réponses qui peuvent être apportées ; le ministre Hervé Gaymard les a données à notre collègue député Gérard Cherpion : il existe des mesures européennes tendant probablement à des négociations avec la Chine ; le textile français vivra, il vivra aussi en Lorraine ; l'Etat et la région apporteront les crédits nécessaires permettant les mutations technologiques, l'innovation, la créativité et la compétitivité ; le conseil régional, avec l'Etat, mettra en place des dispositifs permettant la formation, la conversion, la réadaptation, la qualification professionnelle des salariés qui vont perdre leur emploi, de façon à leur permettre de retrouver une activité.

Toutefois, cela ne sera pas suffisant. Des hommes, des femmes et des secteurs seront laissés au bord du chemin. C'est pourquoi, au-delà des mesures que le Gouvernement a déjà annoncées, je voudrais insister sur deux points.

Le premier concerne le plan de reclassement nécessaire pour celles et ceux qui seront véritablement en très grande difficulté et pour lesquels il n'y aura ni réponses économiques, ni réponses en termes de formation. Prenons la sidérurgie, prenons la chimie : un plan de reclassement social de même nature devrait être mis en place pour celles et ceux qui ne connaîtront pas de perspectives professionnelles.

Le second point concerne les secteurs qui appellent des activités de revitalisation, les vallées vosgiennes notamment. Certes, il y a bien le pôle de compétitivité « fibre » que l'Etat et la région soutiennent dans le cadre des pôles de compétitivité de la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale. C'est un élément du dispositif, mais cela ne répond pas à l'ensemble des besoins !

Des revitalisations sont nécessaires sur certains bassins d'activité. Il faudrait que l'Etat en prenne l'initiative. Je vous prie de croire que le conseil régional, dont j'assume la présidence, sera partenaire d'une telle démarche. Il faudra aussi « embarquer » le président du Sénat, également président du conseil général des Vosges, dans le dispositif de revitalisation. (Sourires.)

Monsieur le ministre, l'Etat est-il en mesure, a-t-il la volonté d'élaborer un plan de reclassement et de prendre des initiatives de revitalisation industrielle des vallées vosgiennes ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Monsieur Masseret, en France et en Europe, le secteur du textile et de l'habillement doit en effet faire face à des mutations très importantes : la suppression des quotas des accords multifibre, à compter du 1er janvier - autrement dit, nous sommes déjà dedans ! -, l'émergence de la Chine, qui devient un acteur majeur dans le domaine, l'élargissement de l'Union européenne... Il est vrai que les industries et les salariés traversent une période délicate. Mais, si vous me le permettez, c'est le cas depuis longtemps déjà !

Fort heureusement, beaucoup ont anticipé l'échéance du 1er janvier 2005. En réalité, le plus dur me semble derrière nous et le plus douloureux dans la mutation a déjà eu lieu. Je veux dire par là que l'industrie textile, qui est, dans notre pays, plus qu'une industrie historique, mais une vraie culture, n'est pas en déclin : elle est en mutation. C'est tout à fait différent ! Je suis convaincu qu'il existe un avenir crédible pour une telle industrie en France.

Vous avez comparé l'industrie textile à la sidérurgie, et je comprends bien le sens d'une telle comparaison, mais le textile n'est pas la sidérurgie !

Nous allons simplement changer la nature de nos fabrications, de nos productions. Ce ne sera pas la même chose, mais nous demeurerons le grand pays d'industrie textile que nous sommes.

Monsieur le sénateur, sachez que le Gouvernement n'a pas attendu la fin des quotas pour agir !

Je rappelle que nous avons pris des mesures afin d'encourager le secteur du textile et de l'habillement par un accroissement de sa capacité à innover et à créer de la plus-value. C'est l'avenir ! Seuls la différenciation des produits et des services offerts et le renforcement de la valeur matérielle ou immatérielle des biens permettront aux industriels européens de se démarquer durablement des produits de pays à faibles coûts salariaux.

C'est pourquoi Hervé Gaymard et moi-même avons souhaité que les entreprises du textile et de l'habillement puissent bénéficier d'un crédit d'impôt à hauteur de 10 % en volume des dépenses de création et de design pour leurs collections engagées en 2005. Il s'agit donc d'un doublement du dispositif actuel. Grâce à cette initiative, que nous comptons appliquer dès 2005, nous voulons accompagner les entreprises de la filière qui centrent leur activité sur les produits créatifs à forte valeur ajoutée.

Je ne méconnais pas, par ailleurs, la nécessité des mesures de réindustrialisation que vous préconisez. Mais, à mon sens, il est un axe premier, qui va dans le sens du renforcement de notre industrie textile et de la conservation du savoir-faire technique de personnels dont le métier, certes, évolue, mais qui, tout en changeant, demeure aussi exigeant.

L'innovation technologique est aussi un autre vecteur de l'indispensable différenciation de ces produits, et plusieurs outils sont d'ores et déjà mis en oeuvre.

Je pense ainsi à l'Institut français du textile et de l'habillement, l'IFTH, auquel l'Etat consacre onze millions d'euros annuellement pour développer et promouvoir l'innovation dans le textile.

Je pense aussi au réseau industriel d'innovation textile-habillement, le R2ITH, qui fait un travail remarquable.

Je pense encore à ce qui se fait au sein de la Commission. Nous avons, en effet, réussi à convaincre les autorités européennes de créer le groupe de haut niveau sur le textile avec d'autres partenaires européens qui rencontrent également des difficultés dans cette mutation.

Je pense enfin à la mise en place de la zone de libre-échange textile « Paneuromed » avec quarante-cinq pays du bassin méditerranéen. Ce dispositif sera de nature à faire pièce à la concurrence asiatique, singulièrement, chinoise, et, à certains égards, à la concurrence américaine aussi.

Monsieur Masseret, ces initiatives contribuent à faire de la France un chef de file dans ce domaine. Nous ne renonçons pas à être une grande puissance textile ! Si j'observe ce qui se passe dans ce que l'on appelle le « textile technique », je constate que la France se situe au quatrième rang mondial et que ce domaine connaît une croissance de 5 % chaque année en moyenne. Certes, il faut faire la part des choses, cela ne représente que 20 % de parts de marché. Mais ce n'est pas si mal et cela offre une vraie perspective !

Voilà les raisons pour lesquelles je suis favorable à la réindustrialisation, mais en partenariat avec les collectivités territoriales. A ce titre, je sais que je peux compter sur le conseil régional ainsi que sur le département des Vosges et d'autres encore.

Permettez-moi un exemple, celui du Nord-Pas-de-Calais, qui a pris l'initiative de créer un pôle de compétitivité. Or ces pôles de compétitivité, s'ils présentent d'abord l'avantage d'un ancrage géographique, contribuent également à une mise en réseau. Pourquoi pas une telle mise en réseau pour la région qui vous est chère, monsieur le sénateur ?

Cela étant, s'agissant du Nord-Pas-de-Calais, nous n'en sommes qu'à l'appel d'offres et il faut donc attendre le dépouillement pour affirmer ce que seront véritablement les projets. Mais je considère d'ores et déjà que les propositions du Nord-Pas-de-Calais sont sérieuses et méritent beaucoup d'attention. A ce jour, rares sont les régions concurrentes sur un projet aussi structuré ! Elles peuvent toutefois déposer jusqu'au 28 février !

La mise en réseau est une initiative que la Lorraine ne saurait, me semble-t-il, rejeter.

Reste que je suis favorable à ce que mon ministère et les collectivités locales collaborent à l'élaboration de mesures propres à trouver d'autres activités industrielles pour tous ceux qui ne réussiraient pas à accompagner cette mutation.

Notre priorité est et reste le maintien de la grande activité textile que notre pays a su développer pendant des siècles.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Masseret.

M. Jean-Pierre Masseret. Monsieur le ministre, j'ignore ce que sont les propositions du conseil régional du Nord-Pas-de-Calais en matière de pôle de compétitivité, mais les nôtres sont également sérieuses : elles concernent les matériaux avancés à dominante métallique et les fibres. Il est bien évident que le textile français doit vivre, et il vivra en Lorraine.

Je retiendrai finalement trois axes.

Il y a tout d'abord les entreprises susceptibles de soutenir la compétition internationale. Il faut les aider à gagner des parts de marché en créant et en innovant.

Il y a ensuite les entreprises en difficulté qu'un investissement technologique adapté sera à même d'aider à passer le cap.

Enfin, il y a les autres, celles qui n'ont effectivement pas véritablement de porte de sortie et dont les salariés, malgré les sessions de reconversion et de qualification, ne retrouveront probablement pas d'activité professionnelle.

C'est pourquoi nous préconisons une démarche du type de celle qui a prévalu dans la sidérurgie, même si je reconnais que c'est un autre domaine, afin de ne pas laisser ces femmes et ces hommes au bord du chemin.

C'est également pourquoi nous sommes favorables à la prise en compte des initiatives de revitalisation des vallées. L'Etat doit montrer la voie et le conseil régional s'engagera derrière lui. Il faut aussi, je le confirme, « embarquer » le conseil général des Vosges !

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