Question de M. BADRÉ Denis (Hauts-de-Seine - UC-UDF) publiée le 08/09/2005

M. Denis Badré attire l'attention de M. le ministre de la santé et des solidarités sur la pertinence de la réglementation relative à l'implantation des officines pharmaceutiques en milieu urbain et sur la cohérence de la procédure administrative accompagnant ces implantations. En l'état actuel du droit, le nombre et la répartition des officines pharmaceutiques sont établis en fonction de critères strictement communaux. Or, il apparaît que la population couverte par une officine dépasse parfois le territoire communal, c'est le cas des populations situées dans des zones frontalières, ou plus simplement en limite de commune. Par ailleurs, l'implantation d'officines peut, à l'heure actuelle, s'effectuer sans tenir compte des avis émis par les acteurs locaux, qu'ils soient maires ou préfets, un recours pouvant être accepté par l'administration, puis instruit et validé sans aucune saisine ni même information des élus locaux. Il lui demande quelles mesures pourraient être envisagées afin de rendre la carte d'implantation des officines pharmaceutiques plus homogène et cohérente entre les communes. Il lui demande également s'il lui semble possible d'adopter des dispositions permettant de prendre davantage en compte l'avis et la décision des élus locaux, qui constituent les responsables les plus qualifiés pour intervenir lors du processus d'implantation des officines pharmaceutiques. Il considère que la décentralisation commence par là.

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Réponse du Ministère délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille publiée le 10/11/2005

Réponse apportée en séance publique le 09/11/2005

M. Denis Badré. Monsieur le ministre, « les créations, les transferts et les regroupements d'officines de pharmacie doivent permettre de répondre, de façon optimale, aux besoins en médicaments de la population résidant dans les quartiers d'accueil de ces officines ». Je cite ici les propos tenus par Xavier Bertrand, le 20 juin dernier, dans Le quotidien du pharmacien.

Celui-ci précisait même qu'une règle unique nationale serait adaptée à des situations très diverses sur des terrains dissemblables ; il allait donc au bout de la déconcentration.

Or qu'en est-il de ces beaux principes, auxquels nous souscrivons évidemment tous, du point de vue de leur application ?

A cet égard, je citerai un cas concret qui me semble exemplaire à de nombreux titres. Ville-d'Avray possédait son propre contingent d'officines et il en manquait une à Sèvres. Une demande d'ouverture est déposée, mais celle-ci concerne un quartier de Sèvres enclavé dans Ville-d'Avray !

Du strict point de vue des critères, cette demande est recevable et elle nous permet d'aller vers l'optimum cher au le ministre.

En réalité, il est créé une officine de trop sur l'ensemble constitué par Ville-d'Avray et cette enclave de Sèvres, alors qu'il en manque toujours une à Sèvres, dans un quartier qui, lui, est très mal desservi, et cette situation durera sans doute un certain temps, le contingent attribué à Sèvres étant atteint. Ainsi, on casse ce qui fonctionnait à Ville-d'Avray et on s'interdit de régler le problème qui se pose à Sèvres !

Telle est l'analyse qui a conduit le préfet à rejeter cette demande. Après avoir consulté les deux maires de Sèvres et de Ville-d'Avray et enregistré leur commune et caractéristique opposition à l'ouverture de cette officine, après avoir également tenu compte de l'avis défavorable de l'Union des pharmaciens de la région parisienne et du conseil régional de l'Ordre, il a choisi de faire prévaloir la réalité du terrain sur l'application aveugle de normes et de critères.

Dès lors, quelle ne fut pas notre surprise - celle du préfet et des deux maires concernés - de voir s'ouvrir cette pharmacie, dont la mise en place avait été rejetée par le préfet.

Ni le préfet ni les deux maires n'avaient été informés du dépôt d'un recours contre cette décision préfectorale. A fortiori, ils n'avaient pas été consultés sur l'instruction de ce recours et ils n'étaient pas non plus au courant du fait que l'autorité ministérielle avait finalement accepté ce recours, ne tenant aucun compte, ce faisant, du refus opposé par le préfet.

Alors que je m'étonnais de cette situation auprès du ministère, il m'a été répondu qu'il me suffisait de consulter le Journal officiel. Je ne suis pas sûr qu'une telle insolence soit de mise envers le Parlement !

Si la loi repose sur « les critères et rien que les critères », elle doit être d'application automatique et il est donc inutile d'envisager la moindre déconcentration. Soulageons alors le préfet de son intervention et ne dérangeons ni les élus ni les professionnels ; leur consultation, si elle est de pure forme, est presque insultante. La suppression de cette consultation entraînera des économies de temps et de moyens. D'ailleurs, la LOLF nous incite avec énergie à aller dans cette voie.

Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à faire ces économies ? Malgré tout l'intérêt que présenteraient ces économies, j'espère que ce n'est pas le choix que vous allez faire.

Allez-vous afficher clairement le fait que ces procédures sont suivies de Paris, et de Paris seulement, grâce, notamment, à des ordinateurs, ce qui ne nécessite même pas de personnel à Paris ?

L'exemple que je viens de décrire montre que la déconcentration a ses mérites et que le terrain doit conserver ses droits.

Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à proposer une modification de la loi, si c'est bien la loi qui interdit de procéder de cette manière ? A moins qu'une telle modification de la loi ne soit pas nécessaire et que l'on dispose, dès maintenant, des marges d'appréciation permettant de prendre en compte la réalité des situations.

Si la déconcentration est dorénavant la règle, si ces marges d'appréciation existent, pourquoi ne les utilisez-vous pas ? Pourquoi laissez-vous supposer que l'Etat est sourd et autoritaire ? Un tel Etat est soupçonné d'arrière-pensées, voire de motivations cachées, ce qui est toujours détestable !

Monsieur le ministre, je souhaiterais que vous me confirmiez que des marges d'appréciation existent et que vous avez toujours la volonté de les prendre en compte, afin que la démocratie et l'Etat restent transparents et proches du citoyen.

M. le président. Monsieur Badré, si vous ne voulez pas d'une nouvelle pharmacie à Sèvres, je suis preneur pour ma commune d'Aureille, dans les Bouches-du Rhône ! Je vous demande d'en prendre note, monsieur le ministre. (Sourires.)

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le sénateur, le courroux des élus de la nation est tout à fait justifié quand ils ne disposent pas des informations auxquelles ils peuvent prétendre concernant l'implantation d'officines pharmaceutiques sur le territoire de leurs communes, ou sur celui de communes voisines.

La législation actuelle, qui est d'ailleurs récente, repose sur l'assentiment de l'ensemble de la profession.

Le système d'ouverture d'officines pharmaceutiques par dérogation qui existait naguère était la cause de beaucoup de désordres, de nombreuses interventions et d'un maillage territorial qui, en réalité, n'obéissait plus à aucune règle rationnelle.

La législation actuelle permet, notamment en milieu urbain, de développer un maillage plus satisfaisant que celui qui résultait de l'ancienne législation.

Nous avons assisté à une multiplication de petites pharmacies, économiquement non viables, qui avaient été créées à la faveur de dérogations au motif qu'elles desservaient une population insuffisante

Par conséquent, même s'il n'est pas parfait, le système actuel constitue une amélioration par rapport à la législation antérieure.

La loi a prévu que le représentant de l'Etat dans le département doit établir des cartes départementales d'implantation des officines pharmaceutiques, ce qui permet d'augmenter la décentralisation du dispositif. Tel est le choix que le Gouvernement a fait et auquel il entend se tenir.

Soucieux de résoudre le problème des pharmacies excédentaires en milieu urbain, le Gouvernement a également introduit dans la loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises des dispositions permettant de faciliter le regroupement des officines, ce qui répond à une nécessité pour assurer la viabilité économique de nos officines pharmaceutiques.

Conformément au souhait de la profession, il n'est pas envisagé de revenir sur le critère communal pour apprécier les demandes de créations et de transferts. Dans l'ensemble, et cela signifie qu'il peut y avoir des exceptions, ce critère s'est révélé pertinent pour obtenir un maillage satisfaisant des officines, en particulier dans les communes rurales.

Les dispositions législatives aujourd'hui en vigueur prévoient qu'en milieu rural la population des communes limitrophes est prise en compte pour les créations d'officines dans les communes de moins de 2 500 habitants.

Par ailleurs, toutes les décisions prises sur l'ouverture ou le transfert d'officines donnent lieu à une publication au Journal officiel, après consultation des instances professionnelles, ordinales, syndicales, sur le plan régional et départemental. Il y a donc une publicité locale relativement importante avant leur application.

Néanmoins, j'ai bien entendu vos propos, monsieur Badré, sur la nécessité de prévenir les élus directement, sans les inviter à se référer au Journal officiel. Cette démarche doit être effectivement organisée.

M. le président. La parole est à M. Denis Badré.

M. Denis Badré. Votre réponse ne me donne pas satisfaction, monsieur le ministre !

Si le critère communal s'applique de manière simple et satisfaisante en milieu rural, ce n'est pas du tout le cas en milieu urbain continu, notamment en petite couronne. Il importe donc de le modifier. Je me tiens à votre disposition, monsieur le ministre, pour étudier avec vous les possibilités d'améliorer la situation.

Par ailleurs, vous vous dites attaché à la viabilité des pharmacies qui sont créées. A l'évidence, la pharmacie qui s'est ouverte à la sortie de la gare, côté Ville-d'Avray, sera viable puisqu'elle draine en amont tous les clients de toutes les pharmacies de Ville-d'Avray, dont elle compromet le fonctionnement. Nous voulons que les pharmacies créées soient viables, mais pas au détriment des pharmacies existantes !

Enfin, je confirme solennellement que mon collègue François Kosciusko-Morizet, maire de Sèvres, et moi-même sommes totalement d'accord sur ce point. Nous avons la volonté de tenir un raisonnement commun sur cette question de frontières et de ne pas opposer les communes de Sèvres et Ville-d'Avray. Ces deux communes sont lésées par la décision qui a été prise. Je demande que cette décision soit revue.

M. Gérard Delfau. Il a raison !

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