Question de M. GODEFROY Jean-Pierre (Manche - SOC) publiée le 20/01/2006

Question posée en séance publique le 19/01/2006

M. Jean-Pierre Godefroy. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué aux anciens combattants et porte sur la saga du Clemenceau.

M. René-Pierre Signé. Saga, c'est le mot !

M. Jean-Pierre Godefroy. Le transfert de ce navire vers les chantiers d'Alang, en Inde, ...

M. René-Pierre Signé. Quel voyage !

M. Jean-Pierre Godefroy. ... en vue de son démantèlement, soulève un certain nombre de questions.

Sur le plan juridique, la convention de Bâle, qui interdit l'exportation des déchets dangereux et toxiques hors de l'OCDE, ne s'appliquerait pas au Clemenceau, considéré comme navire de guerre. Cela est très contestable : en effet, le navire a été désarmé en 1997 et appartient désormais au service des domaines de l'État.

Quelle différence entre l'amiante contenu dans un équipement quelconque et l'amiante présent dans la coque vide d'un bâtiment retiré du service actif ?

Sur le plan technique, n'était-il pas possible de désamianter quasi-totalement le navire avant son démantèlement ? Il semble que deux propositions aient été faites pour l'opération de désamiantage et que la solution dite « mineure » ait été retenue.

En réponse à M. le député Rudy Salles, Mme le ministre de la défense a indiqué qu'il restait 45 tonnes d'amiante dans le navire : n'était-il pas possible de les en retirer tout en assurant la flottabilité de la coque ?

Sur le plan moral, alors que le Clemenceau reste propriété de l'État français jusqu'à la fin de sa démolition et dans la mesure où l'on connaît les conditions de travail des ouvriers sur ces chantiers indiens, nous sommes fondés à nous demander si toutes les précautions ont été prises pour éviter une pollution du site et une contamination des travailleurs.

La commission d'information du Sénat sur l'amiante a formulé, dans la troisième partie de son rapport, de nombreuses propositions relatives au désamiantage, dont le but est de garantir la sécurité des travailleurs concernés et de mettre en place une filière assurant la traçabilité des déchets amiantés.

Il serait souhaitable que ses propositions s'appliquent aussi aux entreprises et chantiers étrangers passant un contrat avec l'État français.

Mme Hélène Luc. Le Clemenceau n'a qu'à revenir en France !

M. Jean-Pierre Godefroy. Une formation spécifique des ouvriers indiens a-t-elle été prévue dans le cadre du contrat ? Quelle assistance technique l'entreprise retenue apportera-t-elle au chantier ? Toutes les précautions de confinement, d'aspiration et de non-diffusion de l'amiante seront-elles prises ?

En effet, les 8 millions d'euros attendus de la vente de l'acier semblent difficilement compatibles avec une véritable prise en compte des mesures de protection.

De quels moyens de contrôle et de coercition dispose l'État français ? Que deviendra l'amiante résiduel ?

Par ailleurs, le passage du canal de Suez a nécessité un droit d'octroi de 1,3 million de dollars. Qui a payé cette somme substantielle ? Était-elle prévue ?

Enfin, quelles sont les intentions du Gouvernement français si la Cour suprême indienne confirme la décision prise le 6 janvier dernier par sa commission de contrôle des déchets toxiques ?

Il eût été souhaitable, monsieur le ministre, que l'on puisse épargner à ce navire prestigieux, autrefois fleuron de notre flotte et qui porte l'un des noms les plus glorieux de la République, une fin si pitoyable.

En tant que troisième orateur du groupe socialiste, apparentés et rattachés, j'espère obtenir de votre part, monsieur le ministre, une réponse un peu moins désinvolte que celle de M. Borloo à notre président de groupe et moins inutilement agressive que celle de M. Bas à Mme Alima Boumediene-Thiery. (Protestations sur les travées de l'UMP. - Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

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Réponse du Ministère délégué aux anciens combattants publiée le 20/01/2006

Réponse apportée en séance publique le 19/01/2006

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué. Monsieur le sénateur, Mme le ministre de la défense, en déplacement à l'Île Longue, où elle accompagne le Président de la République, m'a demandé d'apporter à la question que vous avez bien voulu poser les réponses suivantes.

Tout d'abord, nous devons nous féliciter de la coopération avec les autorités égyptiennes en vue du franchissement, par l'ex-Clemenceau, du canal de Suez.

M. René-Pierre Signé. En payant !

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué. Par ailleurs, il convient de préciser que, conformément à la loi, un matériel de guerre conserve cette qualification jusqu'à sa destruction totale. De ce fait, le Clemenceau n'entre pas dans les catégories visées par les conventions de Bâle.

M. René-Pierre Signé. Il pollue quand même !

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué. Par conséquent, il n'existe pas, par nature, d'interdiction d'emprunter le canal.

J'ajoute que cette qualification a été confortée par des décisions juridictionnelles, et je pense notamment au jugement en référé du tribunal administratif de Paris du 30 décembre 2005.

Monsieur le sénateur, comme le soulignent tous les observateurs attentifs, la Marine nationale est le premier armateur à avoir effectué un désamiantage préalable.

M. Roland Muzeau. Elle y a été contrainte !

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué. Celui-ci a été mené en France dans des conditions irréprochables. Il n'avait rien d'une opération « cosmétique » : il a duré un an; représentant 50 000 heures de travail. C'est ainsi que 115 tonnes d'amiante ont été retirées du navire, sur les 160 tonnes qu'il contenait.

Mme Hélène Luc. Donc, il en reste tout de même 45 !

M. Paul Raoult. Il fallait tout enlever !

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué. Les 45 tonnes restantes représentent 0,2 % du poids du bâtiment.

Aller plus loin dans le désamiantage, comme vous le suggériez, monsieur le sénateur, aurait rendu impossible le remorquage du navire.

En Inde, le ministère de la défense a choisi un chantier de démantèlement de qualité. Il sera suivi tout au long du processus par une société française compétente pour contrôler cette qualité.

M. Paul Raoult. Ce n'est pas ce que l'on a vu à la télé !

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué. À cette précaution s'ajoute la présence d'un expert indépendant et de cinq ingénieurs indiens, formés en France.

Enfin, un ensemble de matériels de protection individuelle et collective sera expédié en Inde avant l'arrivée du navire.

Mme Hélène Luc. Il est toujours bloqué à Port Saïd !

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué. Monsieur le sénateur, nous attendons sereinement le jugement de la Cour suprême indienne. Nous lui transmettons l'ensemble des documents et des informations qu'elle nous demande.

Telles sont les précisions que je suis en mesure de vous communiquer sur ce dossier. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

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