Question de M. de BROISSIA Louis (Côte-d'Or - UMP) publiée le 26/01/2006

Interpellé par le maire de Dijon, M. Louis de Broissia souhaite appeler l'attention de M. le ministre de la santé et des solidarités sur la volonté louable d'intégration des personnes handicapées en établissement ordinaire qui corrélativement tendrait à supprimer des places en établissements spécialisés. Il souhaiterait également avoir un bilan sur les places en établissement qui ont été ouvertes depuis vingt ans, ainsi qu'une prospective sur les prochaines années.

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Réponse du Ministère de la santé et des solidarités publiée le 22/02/2006

Réponse apportée en séance publique le 21/02/2006

M. le président. La parole est à M. Louis de Broissia, auteur de la question n° 914, adressée à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Louis de Broissia. Monsieur le ministre, je tiens à vous remercier d'être venu en personne répondre aux questions qui ont trait à votre compétence ministérielle, la santé et les solidarités.

Ma question concerne les établissements spécialisés pour personnes handicapées.

Nous célébrons ici, au Sénat, comme à l'Assemblée nationale, le premier anniversaire de l'adoption de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, dite loi sur le handicap.

Nous tous, élus de la République, nous félicitons des efforts grandissants qui ont été faits pour la prise en charge des personnes handicapées et pour leur intégration dans des milieux ordinaires de vie.

Nous saluons à cet égard la mise en place de multiples moyens de prise en charge, tels que le service d'accompagnement à domicile ou le doublement du nombre de classes dans les unités pédagogiques d'intégration, de même que nous saluons la mise en place, dans les départements, des maisons départementales des personnes handicapées.

De très gros progrès ont été faits, mais il ne faut pas en déduire pour autant que la place en établissement spécialisé ne serait pas nécessaire ; vous le savez bien, monsieur le ministre ! En effet, si des personnes handicapées peuvent être intégrées en milieu ordinaire de vie, d'autres ont besoin de places en milieu spécialisé.

Permettez-moi, à titre d'illustration, de citer l'exemple de mon département, la Côte d'Or, où l'on compte actuellement, tous types de handicaps confondus, 880 places. Nous ne sommes pas trop à la traîne ; nous sommes même plutôt au-dessus de la moyenne. Toutefois, il reste encore 92 demandes de places spécialisées pour enfants ou adultes.

Monsieur le ministre, j'entends parfois, du côté de l'opposition, une idée quelque peu paradoxale selon laquelle l'intégration en milieu ordinaire de vie serait faite pour réaliser des économies et que, de ce fait, on créerait moins de places en établissements spécialisés. C'est en tout cas dans ce sens que j'ai été interpellé par le maire de la grande ville de mon département.

Dans le Bilan trimestriel de l'activité parlementaire pour la période octobre - décembre 2005, il est fait état de la volonté forte du Gouvernement de maintenir des places et précisé que 60 000 places pour les personnes dépendantes âgées et les personnes handicapées auront été créées dans la période 2002-2007.

Monsieur le ministre, pourriez-vous nous dresser rapidement le bilan des places en milieu spécialisé et nous donner une vision prospective sur les prochaines années ?

N'ayant pas obtenu de réponse à la question écrite que j'avais posée sur le sujet, je n'hésiterai pas, si cela était nécessaire, à poser de nouveau ma question !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le sénateur, l'intégration des personnes handicapées en milieu ordinaire de vie est une évolution indispensable dans notre société.

Aujourd'hui, notre Gouvernement a souhaité mettre en place une politique beaucoup plus ambitieuse encore de lutte contre les discriminations, quelles qu'elles soient. C'est la volonté de faire vivre ce principe de non-discrimination qui nous a conduits à supprimer, dans la loi du 11 février 2005, le terme d'« éducation spéciale » et à poser comme principe que l'inscription de l'enfant handicapé dans l'école la plus proche de son domicile est de droit.

Nous avons ainsi mis fin définitivement à la séparation qui avait prévalu avec l'orientation des enfants déficients intellectuels au début de ce siècle vers les classes dites de perfectionnement. Il y a aujourd'hui une seule référence : le milieu ordinaire.

Nous avons aussi voulu affirmer un principe de libre choix, laissant ainsi la décision à la famille, éclairée le cas échéant par l'avis des spécialistes, car certains enfants ont besoin d'être accueillis dans des établissements médico-sociaux qui, depuis tant d'années, ont fait la preuve de leur utilité. Ils y reçoivent, nous le savons, des soins adaptés.

Les principes de non-discrimination et de libre choix de la personne handicapée ou de ses deux parents sont deux piliers essentiels de la loi du 11 février 2005.

En concertation avec les associations de personnes handicapées, nous avons donc voulu offrir à toute personne handicapée une solution adaptée à ses besoins. Notre volonté d'intégrer les personnes handicapées en milieu ordinaire n'a donc pas pour conséquence de supprimer des places en établissement spécialisé, bien au contraire.

Monsieur le sénateur, au nom de la clarté, je vais vous donner les chiffres que vous attendez. Permettez-moi, puisque vous avez eu à répondre à des interpellations, de faire la différence entre la période 1998 - 2002 et la période 2003 - 2007.

Pour les enfants handicapés, le nombre de places créées a été de 4 200 entre 1998 et 2002 et de 8 400 entre 2003 et 2007, soit un doublement. Pour les adultes, il a été de 5 500 entre 1998 et 2002 et de 18 000 entre 2003 et 2007, soit un triplement. Pour les CAT, il a été de 8 500 entre 1998 et 2002 et de 14 000 entre 2003 et 2007.

Ces chiffres sont clairs et n'ont, en définitive, qu'une vocation : traduire un effort sans précédent accompli depuis vingt ans. Toutefois, le plus important est l'aspect non pas quantitatif, mais qualitatif. Je connais les responsabilités que vous exercez par ailleurs et je sais l'attention que vous portez à ces questions. Cet effort nous permet donc non seulement de rattraper le retard, mais surtout de répondre enfin à la demande en créant les conditions d'un accueil et d'un accompagnement moderne.

Monsieur le sénateur, je voudrais insister sur deux décrets particulièrement importants.

Le premier est le décret du 6 janvier 2005, qui permet de rénover les instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques, qui favorise les interventions hors les murs, particulièrement en milieu scolaire ordinaire, et qui fonde aussi la notion de « projet personnalisé d'accompagnement ».

Le second est le décret du 11 mars 2005, très novateur, qui définit les services d'accompagnement à la vie sociale et les services d'accompagnement médico-social pour adultes handicapés.

Je voudrais insister sur ce point, car, face au retard qui a été accumulé depuis vingt ou vingt-cinq ans, nous voulons aujourd'hui donner un rythme nouveau aux créations de places en établissements spécialisés. Pour tenir compte des nouvelles aspirations des familles, des personnes handicapées, nous avons travaillé dans la concertation. Nous voulons refonder la politique du handicap sur le principe de non-discrimination, comme l'exigent notre démocratie, le principe républicain et le principe de libre choix, ainsi que la dignité des personnes. Mais, vous l'avez compris, et vous avez eu raison de le souligner, ce n'est pas une question de chiffres, c'est avant tout une question d'ambition pour les personnes handicapées.

M. le président. La parole est à M. Louis de Broissia.

M. Louis de Broissia. Je remercie tout d'abord M. le ministre de la qualité de sa réponse et de la clarté des chiffres qu'il m'a indiqués. C'est important, car les polémiques sur un tel sujet seraient déplacées.

La semaine dernière, nous avons eu l'honneur d'accueillir au Sénat un colloque de l'Association des paralysés de France. J'ai eu l'occasion de dire, avec Mme la présidente et tous ceux qui représentaient cette association que tout le monde connaît, que le handicap mérite aujourd'hui un nouveau regard. Cela n'est pas pour autant qu'il faut se séparer du regard ancien que l'on avait, en particulier dans les instituts dits « spécialisés ».

Monsieur le ministre, le principe du libre choix, dont vous parlez depuis longtemps avec Philippe Bas, c'est la démocratie appliquée au handicap.

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