Question de M. PASTOR Jean-Marc (Tarn - SOC) publiée le 10/03/2006

Question posée en séance publique le 09/03/2006

M. Jean-Marc Pastor. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Lors de la présentation du projet de loi relatif au service public de l'électricité, le 15 juin 2004, M. Sarkozy prenait l'engagement, au nom du Gouvernement, qu'EDF et GDF ne seraient pas privatisés.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les promesses n'engagent que ceux qui y croient !

M. Jean-Marc Pastor. Le Président de la République lui-même l'avait solennellement rappelé.

Vous avez décidé, monsieur le ministre, de revenir sur ces engagements et de privatiser GDF. C'est votre choix, que nous contestons évidemment, mais qui est logique quand on appartient à un gouvernement qui ne sait pas résister aux sirènes du libéralisme à tout va. (Rires et exclamations sur les travées de l'UMP.)

Encore faudrait-il, lorsque l'on veut que le marché domine tout, y compris les services publics, en respecter les règles de base !

Or, selon le vice-président de la Commission européenne lui-même, cette privatisation « porte un coup à l'esprit du marché commun européen ».

Même pour la Commission, très libérale au demeurant, cette privatisation est loin d'être claire. Elle vient de demander à la France de fournir, d'ici au 17 mars, des explications.

Elle souhaite en effet que la France s'explique sur la « chronologie des événements », après l'échec des pourparlers entre le groupe italien Enel et le groupe français Veolia, principal concurrent de Suez dans le traitement des eaux et des déchets. En effet, des négociations sont menées depuis longtemps entre la compagnie Veolia et la compagnie italienne Enel pour lancer une OPA sur le groupe franco-belge Suez.

La Commission « veut s'assurer en particulier que toute information qui puisse influencer le marché a été gérée de manière adéquate et dans le plein respect des principes du marché intérieur, des principes qui visent à garantir l'intégrité et la transparence des marchés en Europe ».

M. le président. Je vous prie de conclure.

M. Jean-Marc Pastor. Un doute plane aujourd'hui sur l'attitude du gouvernement français et donc sur la France.

M. Didier Boulaud. Ce qui plane, ce n'est pas un doute !

M. Jean-Marc Pastor. Ma question est donc simple : monsieur le ministre, dans quel but précis avez-vous utilisé les informations que vous aviez sur les intentions du groupe Enel ? Comment avez-vous persuadé Veolia de rompre les négociations avec ce groupe italien afin de favoriser le rapprochement GDF-Suez ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

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Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie publiée le 10/03/2006

Réponse apportée en séance publique le 09/03/2006

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le sénateur, je suis heureux de vous voir devenu un grand défenseur du marché intérieur et de la libre circulation des capitaux ! Il n'est jamais trop tard pour bien faire !

En ce qui concerne le projet de fusion entre Suez et GDF, vous avez parlé d'improvisation, de précipitation.

M. Roland Courteau. De privatisation, surtout !

M. Thierry Breton, ministre. Nous répondons anticipation, concertation, expression du Parlement.

M. Bernard Piras. Vous ne tenez pas votre parole !

M. Thierry Breton, ministre. Monsieur Pastor, figurez-vous que les deux entreprises Suez et Gaz de France discutaient ensemble depuis de nombreux mois pour voir ce qu'elles pourraient faire compte tenu de l'accélération que j'évoquais tout à l'heure.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Elles savaient que vous mentiez !

Mme Hélène Luc. Qui l'a dit au Parlement ?

M. Thierry Breton, ministre. En effet, le 9 décembre dernier, le président de Suez lui-même est venu me voir pour m'informer des rumeurs concernant une éventuelle OPA d'Enel sur son groupe. Je l'ai un peu rassuré en lui indiquant que nous étions en passe de finaliser une discussion avec le groupe Enel, visant à le faire rentrer progressivement sur le marché de l'énergie. Cette rumeur n'était donc pas crédible.

M. Bernard Piras. On verra ce que dira Rome !

M. Thierry Breton, ministre. Le 15 janvier, le président du groupe Veolia m'a fait part des mêmes rumeurs concernant son groupe.

J'ai joué mon rôle de ministre des finances : je les ai rappelés à la raison, leur disant de ne pas s'affoler, et je leur ai suggéré de travailler ensemble si c'était nécessaire.

Ce qui s'est passé depuis, c'est que les entreprises Suez et Gaz de France ont travaillé à leur projet industriel, parce qu'elles ont anticipé. C'est cela l'anticipation !

Ensuite, le premier actionnaire de Suez, puis le premier actionnaire de Gaz de France ont dit qu'ils croyaient à ce projet industriel.

M. Didier Boulaud. Ce sont des histoires pour endormir les enfants !

M. Thierry Breton, ministre. Nous sommes désormais entrés dans une phase de concertation longue avec les organisations syndicales. Ce n'est pas de l'accélération, c'est de la concertation.

Mesdames, messieurs, dans plusieurs semaines, après que le programme industriel aura été expliqué à tous et que le projet social aura été construit avec les organisations syndicales, nous viendrons devant le Parlement, c'est-à-dire devant vous, pour que vous puissiez décider si, oui ou non, ce projet est bon pour la France.

Si vous décidez qu'il n'est pas bon, vous ne le voterez pas !

M. Paul Raoult. Vous allez à l'échec !

M. Thierry Breton, ministre. Si vous décidez qu'il est bon, vous le voterez. Quand vous m'opposez le mot « privatisation », je vous réponds : « expression du Parlement », qui est souverain. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

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