Question de Mme BORVO COHEN-SEAT Nicole (Paris - CRC) publiée le 13/04/2006

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat attire l'attention de M. le ministre délégué à l'industrie sur la dégradation de la qualité du service public rendu par la Poste et subie par les parisiens notamment.
Depuis 2002, date de l'adoption de la directive européenne modifiant les modalités de l'ouverture à la concurrence des services postaux de la Communauté, des restructurations des activités postales ont été progressivement mises en place par La Poste sur le territoire national. La promulgation de la loi n° 2005-516 du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales accélère ce processus avec la perspective d'une ouverture totale du marché envisagée pour 2009.
C'est dans ce contexte de libéralisation que La Poste de Paris “ réorganise ” ses activités avec à la clé une dégradation de la qualité du service public subie par les parisiens.
Après les fermetures de centres de tri dans plusieurs arrondissements, la suppression de la deuxième tournée dans la capitale, la baisse constante du nombre d'agents aux guichets, il serait envisagé pour 2006 des centaines de suppressions d'emplois à La Poste de Paris dont 300 postes de guichetiers supplémentaires.
Une telle mesure va une nouvelle fois imposer aux parisiens des conditions d'accès fortement dégradées dans les bureaux de La Poste avec des attentes prolongées ne pouvant qu'exaspérer davantage les usagers et générer des conflits avec les agents qui eux aussi subissent de plein fouet une dégradation de leurs conditions de travail. A cette dernière s'ajoute le projet de modifier et/ou réduire l'amplitude d'horaires d'ouverture des bureaux de poste.
La direction régionale de La Poste évoque une baisse de fréquentation de la partie guichet pour justifier ses choix alors que les motivations sont à rechercher dans la mise en place de la filiale Banque Postale avec un fort recentrage de ses activités.
Les Parisiens et notamment ceux des quartiers populaires vivent depuis plusieurs années déjà des conditions d'accès à leur bureau de Poste de plus en plus difficiles. Nombre de ces habitants ont le sentiment d'être abandonnés et méprisés par les services publics quand ils constatent que les structures de proximité manquent de personnels et qu'il leur faut affronter des files d'attente pouvant atteindre parfois deux heures notamment lors des périodes de versement de leurs prestations sociales.
L'objectif de réduire encore les postes de guichetiers va renforcer ce sentiment de relégation.
L'inquiétude est grande parmi les parisiens et les agents de La Poste. Ces derniers se sont adressés par voie de pétition aux usagers qui par milliers ont apporté leur signature en vue du maintien des postes de guichetiers sur Paris.
A chaque étape du processus de redéploiement des activités postales à Paris, la mairie de Paris s'est exprimé pour refuser toute dégradation du service public de La Poste auquel les Parisiens sont très attachés. Il s'agit aujourd'hui de faire en sorte que les bureaux de poste de Paris ne deviennent des sites vidés de leurs missions essentielles.
C'est pourquoi elle lui demande ce qu'il compte entreprendre en vue d'empêcher de nouvelles suppressions de poste de guichetiers sur Paris et d'attribuer les moyens suffisants à la réalisation d'un service public postal de qualité répondant aux besoins des parisiens.

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Réponse du Ministère délégué au commerce extérieur publiée le 10/05/2006

Réponse apportée en séance publique le 09/05/2006

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteur de la question n° 1018, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur la dégradation de la qualité du service public rendu par la Poste, en particulier dans mon département, à Paris.

Depuis 2002, date de l'adoption de la directive européenne modifiant les modalités de l'ouverture à la concurrence des services postaux de la Communauté, des restructurations des activités postales ont été progressivement mises en place par La Poste sur le territoire national. La promulgation de la loi du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales accélère ce processus avec la perspective d'une ouverture totale du marché envisagée pour 2009.

La concurrence acharnée à laquelle se livrent désormais La Poste et ses concurrents néerlandais et allemands se fait principalement au détriment du service public pour les usagers et les agents ; c'est le cas à Paris.

Après les fermetures de centres de tri dans plusieurs arrondissements - ce qui entraîne diverses conséquences, notamment en termes de transports -, la suppression de la deuxième tournée dans la capitale, la baisse constante du nombre d'agents aux guichets, il serait envisagé pour 2006 des centaines de suppressions d'emplois à La Poste de Paris, dont 300 postes de guichetiers supplémentaires.

Une telle mesure va une nouvelle fois imposer aux Parisiens des conditions d'accès fortement dégradées dans les bureaux de La Poste avec des attentes prolongées ne pouvant qu'exaspérer davantage les usagers et engendrer des conflits avec les agents qui, eux aussi, subissent une dégradation de leurs conditions de travail.

À cette dernière mesure s'ajoute le projet de modifier ou de réduire l'amplitude des horaires d'ouverture des bureaux de poste.

Cette question ayant déjà été posée précédemment, il a bien évidemment été répondu qu'il n'en était pas question. Si, il en est question ! Car, aujourd'hui, dans les quartiers populaires, on constate que les agents sont en nombre nettement insuffisant pour faire face aux nécessités du service public.

J'aimerais donc, madame la ministre, obtenir de votre part une réponse sur le maintien de la qualité du service public dans la capitale.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur. Madame la sénatrice, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de M. François Loos, qui est actuellement en Algérie pour traiter des problèmes concernant des contrats de gaz.

L'ouverture à la concurrence des services postaux constitue un défi majeur auquel doit répondre La Poste pour les années à venir. Aussi doit-elle, d'ores et déjà, dessiner progressivement ce que sera la poste de demain, un service moderne et performant. Par ailleurs, La Poste doit adapter sa performance aux rythmes de la vie contemporaine et à la demande de ses clients.

C'est pourquoi le réseau des bureaux de poste entame une refonte rapide et profonde de sa stratégie en faisant place à la dynamique commerciale, à la relation client et à la convivialité de l'espace d'accueil.

Dans ce cadre et depuis longtemps, La Poste analyse de très près le phénomène des files d'attente en bureau de poste et s'efforce de le maîtriser : celui-ci est propre aux très grandes villes, il est cyclique, notamment à l'occasion du paiement des prestations sociales en début de mois et il est lié aux modes de vie puisque l'on observe une forte fréquentation des bureaux de poste en début et en fin de journée ainsi qu'en fin de matinée le samedi.

La Poste a décidé d'y apporter une réponse dans le cadre de son projet « Cap Relation Client », mis en oeuvre depuis 2005 et dont les premières réalisations donnent des résultats encourageants, selon les observations de postiers eux-mêmes.

À cette fin, un nouveau concept a été développé, le « bureau du futur », qui repose sur une répartition des clients par le responsable de l'accueil, en fonction des attentes différenciées des clients. Ainsi, les services aux clients s'organisent autour de l'espace conseil dédié aux services financiers, de l'espace guichet, des espaces libre-service et de l'espace boutique pour des achats qui peuvent souvent d'ailleurs être effectués en libre-service. Le temps d'attente est réduit et connu de l'utilisateur lorsqu'il se présente.

La grande nouveauté est la création d'un « espace accueil » situé à l'entrée du bureau afin d'orienter l'usager vers l'espace qui correspond à sa démarche. En effet, dans de nombreux cas, les demandes peuvent être traitées en dehors des guichets et les clients peuvent accéder en libre-service à toute une gamme de produits : philatélie, emballages colis, carterie, papeterie, objets de correspondance, livres et petits cadeaux liés à l'univers postal.

Cette nouvelle organisation des flux, qui donne déjà des résultats notables dans les bureaux situés place de Clichy, place de la Bourse et, bientôt, à École Militaire, revient effectivement à réorienter des emplois de guichet vers ces nouvelles fonctions d'accueil. Ainsi, en 2006 et 2007, près de 100 postes de responsables d'accueil et 130 postes de gestionnaires de clientèle vont être créés à Paris et seront par conséquent pourvus par des personnes actuellement affectées à des activités de guichet.

Par ailleurs, parallèlement à ce redéploiement des positions, La Poste développe de nouveaux services à ses clients : deuxième présentation des colis en cas d'absence du destinataire ; test de « Cityssimo » des consignes automatiques dédiées au retrait des colis ; développement de cartes de retrait adaptées aux bénéficiaires de minima sociaux ; accroissement du parc d'automates et de services en ligne.

Toutes ces actions commencent à porter leurs fruits. Dans les bureaux pionniers, le temps d'attente a été réduit de 25%.

La poursuite du programme « Cap Relation Client » permettra d'aller plus loin encore.

Le projet de La Poste est d'offrir à ses clients un service adapté à leurs besoins, simple d'accès et modernisé.

Mon collègue François Loos, ministre chargé des postes, suit avec une très grande attention les grands projets de réorganisation de La Poste, qui, tout en se modernisant, doit continuer à rester au service de l'ensemble de la population. C'est d'ailleurs la mission qui a été assignée à cet établissement public, en tant que prestataire en charge du service universel par la loi de régulation des activités postales du 20 mai 2005.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Madame la ministre, je vous remercie des éléments de réponse que vous venez de m'apporter.

J'ai moi-même constaté les transformations des bureaux de poste. Toutefois, si la réorganisation et la mise en place des agents d'accueil sont utiles, le redéploiement des postes s'est fait au détriment des guichetiers.

Dans les quartiers les plus populaires, ces mesures sont à l'heure actuelle inadaptées. Les files d'attente sont très longues, les usagers en ont assez et s'en prennent aux agents,...

Mme Hélène Luc. C'est vrai !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ... ce qui est aberrant, à tel point que l'on finit par se demander si ce n'est pas le but recherché afin de justifier l'accélération du processus de privatisation de La Poste. Les usagers s'en prennent au service public alors que celui-ci doit être à leur disposition !

Mme Hélène Luc. Absolument !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Des pétitions ont été déposées qui ont recueilli des milliers de signatures. Le Conseil de Paris s'est prononcé en majorité pour le maintien de la qualité du service public de La Poste. Les expériences menées dans les bureaux situés place de Clichy, place de la Bourse ou à École militaire, ne doivent pas faire oublier les situations insupportables que vivent les gens dans les XVIIIe, XIXe ou XXe arrondissements, qui doivent faire la queue le matin, le soir et le samedi.

Évidemment, personne n'est opposé à une modernisation, à une réorientation des bureaux de poste et à l'amélioration de l'accueil des usagers - je préfère ce mot à celui de clients - mais cela ne peut pas se faire au détriment des guichetiers qui remplissent des fonctions indispensables et font défaut aujourd'hui. Il faut donc en tenir compte. La politique de concurrence de La Poste ne doit pas se faire principalement au détriment de la qualité du service public rendu aux usagers.

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