Question de M. REINER Daniel (Meurthe-et-Moselle - SOC) publiée le 04/05/2006

M. Daniel Reiner attire l'attention de M. le ministre de la santé et des solidarités sur l'inquiétante répartition hétérogène de la population médicale en France et sur les zones déficitaires en offre de soin.
Le diagnostic est unanime : la densité médicale, qui atteint actuellement des sommets avec environ 340 praticiens pour 100 000 habitants, va chuter inéluctablement au moins jusqu'en 2020 pour atteindre 280 médecins pour
100 000 habitants.
La pénurie est déjà patente dans plusieurs régions. La répartition des médecins sur le territoire national est très inégale entre d'une part la région parisienne, le sud de la France et l'Alsace et le reste du pays. Le risque est que les régions qui connaissent déjà peu de médecins par rapport aux autres en comptent moins à l'avenir.
La pénurie de médecins ne touche pas uniquement les campagnes : comme souvent, le monde rural partage ce problème avec les banlieues défavorisées.
La situation relève d'abord d'une simple question de courbe des âges : de nombreux médecins vont partir à la retraite ces prochaines années et leur départ ne sera pas compensé par l'arrivée de jeunes médecins. En effet, le numerus clausus diminué ces dernières années ne permet pas de former en nombre suffisant les étudiants se destinant à la médecine. Malgré son récent relèvement, et puisqu'il faut près de dix ans pour former un médecin, les effets de cette récente mesure ne seront pas immédiats.
Par exemple en Lorraine, les chiffres sont très alarmants, c'est ainsi que, pour 137 postes ouverts en médecine générale en 2005, seulement 53 ont été pourvus. Il existe donc un déficit de 84 postes en médecine générale. Par ailleurs, pour la période 2006 – 2015, pas moins de 931 médecins pourront faire valoir leurs droits à la retraite. Il y a déjà six cantons lorrains jusqu'à 4000 habitants qui n'ont plus de médecins.
S'ajoutent d'autres paramètres : l'aspiration au confort de vie des médecins, les conditions éprouvantes d'exercice en milieu rural et le désintérêt des futurs médecins pour la médecine générale.
Dans un courrier du 26 janvier 2006, le ministre de la santé a informé les parlementaires d'une part de la situation de la démographie médicale dans chaque département, et d'autre part de la présentation du plan « démographie des professions de santé ».
Pour la Meurthe et Moselle, il s'avère, malheureusement, que le département est classé en zone de faible densité médicale. En outre, dans le cadre de la mise en œuvre de la circulaire du ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire sur l'accès aux services en milieu rural, la consultation menée sur l'ensemble du département de Meurthe et Moselle, met en évidence que l'accès aux soins est la principale préoccupation de la population.
Ce paradoxe permet de constater l'inefficacité des mesures mises en place depuis plusieurs années et pose le manque d'anticipation des politiques publiques en matière de santé et d'aménagement du territoire.
Certes, si quelques mesures financières incitatives, faisant essentiellement appel aux financements des collectivités locales et aux organismes sociaux, sont mises en oeuvre, elles restent cependant très insuffisantes pour enrayer, dans un premier temps la courbe, et de l'inverser dans un second temps.
Le système libéral en matière d'offre de soin semble en bout de course à l'heure où la santé de nos concitoyens relève plus que jamais d'une obligation de service public.
Il lui demande en conséquence ce que compte faire le Gouvernement pour remédier à cette situation très préoccupante.

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Réponse du Ministère délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille publiée le 31/05/2006

Réponse apportée en séance publique le 30/05/2006

M. Daniel Reiner. Ma question porte sur la répartition de plus en plus inquiétante de la population médicale en médecine générale dans les zones déficitaires en offre de soins.

Le diagnostic est unanime : la densité médicale, qui atteint actuellement des sommets avec environ 340 praticiens pour 100 000 habitants, va chuter inéluctablement, au moins jusqu'en 2020, pour atteindre 280 médecins pour 100 000 habitants.

Le risque, selon le professeur Yvon Berland, qui vient de vous remettre le rapport de la commission « Démographie médicale » qu'il présidait, c'est que les régions qui comptent déjà peu de médecins en comptent moins encore à l'avenir. La pénurie de médecins ne touche d'ailleurs pas uniquement les campagnes : comme souvent, le monde rural partage ce problème avec les banlieues défavorisées.

La situation relève d'une simple question de courbe des âges : de nombreux médecins vont partir à la retraite dans les prochaines années et leur départ ne sera pas compensé par l'arrivée de jeunes médecins.

Le numerus clausus, qui avait été diminué ces dernières années, ne permet pas de former en nombre suffisant les étudiants qui se destinent à la médecine, en particulier à la médecine générale. Il faut près de dix ans pour former un médecin, les effets de son récent relèvement ne seront donc pas immédiats.

En Lorraine, par exemple, les chiffres sont assez alarmants : en 2005, pour 137 postes ouverts en médecine générale à l'examen national classant des internes, 53 seulement ont été pourvus, c'est-à-dire un peu plus d'un tiers, la proportion n'étant déjà que de la moitié l'année précédente. Il existe donc, cette année, un déficit de 84 postes en médecine générale. Pour la période 2006-2015, nous avons calculé que 931 médecins généralistes pourront faire valoir leurs droits à la retraite et nous savons d'ores et déjà que plus de la moitié d'entre eux ne seront vraisemblablement pas remplacés. Quatre cantons lorrains, comptant jusqu'à 4 000 habitants, n'ont déjà plus de médecin généraliste.

Certes, des explications sont avancées : l'aspiration au confort de vie des médecins, les conditions éprouvantes d'exercice en milieu rural et, d'une manière générale, le désintérêt des futurs médecins pour la médecine générale.

Monsieur le ministre, au mois de janvier, vous avez informé les parlementaires de la situation de la démographie médicale dans chacun des départements et présenté le plan « démographie des professions de santé ».

Mon département, la Meurthe-et-Moselle, est classé en zone de faible densité médicale. D'ailleurs, nous nous en doutions, car la consultation que nous avions engagée dans quelques cantons à l'occasion de la mise en oeuvre de la circulaire du ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire sur l'accès au service public en milieu rural a clairement mis en évidence que l'accès aux soins et la permanence des soins étaient la première préoccupation de la population.

Ce paradoxe permet de constater que les quelques mesures mises en place depuis plusieurs années sont peu efficaces et montre clairement le manque d'anticipation des politiques publiques en matière de santé et d'aménagement du territoire.

Les mesures financières incitatives demeurent très insuffisantes pour enrayer puis inverser la courbe. Certaines d'entre elles font d'ailleurs appel aux collectivités locales, qui n'en ont par nature pas les moyens, et aux organismes sociaux.

Une vraie question est donc posée : le système libéral en matière d'offre de soins, en particulier le libre choix de l'installation, ne paraît-il pas en bout de course, à un moment où la santé de nos concitoyens relève plus que jamais d'une obligation de service public et où le rôle pivot du médecin généraliste dans le parcours de soins vient d'être réaffirmé ?

Je vous demande en conséquence, monsieur le ministre, ce que le Gouvernement compte faire pour remédier à une situation qui devient de plus en plus préoccupante.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le sénateur, la question de la démographie médicale est au coeur de notre politique de santé publique et d'assurance maladie.

Je tiens tout d'abord à souligner qu'il n'y a jamais eu autant de médecins dans notre pays, mais il est vrai que leur nombre va diminuer de 9 % d'ici à 2025, ce qui risque, à l'avenir, de créer des problèmes d'accès aux soins.

Vous soulignez l'absence d'une politique cohérente par le passé : vous me donnerez acte que ce reproche ne s'adresse donc pas à notre gouvernement, qui, au contraire, met en oeuvre une politique globale ambitieuse pour prévenir les risques de désertification.

Xavier Bertrand a présenté, le 25 janvier dernier, un plan pour la démographie médicale comportant une série de mesures visant à augmenter le nombre de médecins, à faciliter leur exercice professionnel, notamment en milieu rural, et à encourager spécifiquement leur installation dans les zones déficitaires.

Ainsi, le numerus clausus a été porté en 2006 à 7 000, soit une augmentation de près de 50 % depuis 2002, et ce niveau sera maintenu jusqu'en 2010.

Il est, par ailleurs, essentiel de donner envie aux jeunes médecins de devenir médecin généraliste. Ainsi, à partir du mois de septembre prochain, un stage de médecine générale sera mis en oeuvre au cours du deuxième cycle d'études, afin de faire naître des vocations.

De même, il est important de faciliter les reprises d'activité par de jeunes médecins. Ainsi, le décret permettant aux médecins qui le souhaitent d'exercer sous le statut de collaborateur d'un médecin déjà installé va être examiné au cours du mois de juin par le Conseil d'État.

Le décret alignant la durée du congé de maternité des femmes médecins sur celle du congé de maternité des salariées va paraître très prochainement ; il concernera également les autres professions de santé. Ce décret contribuera à lever un obstacle important au choix de la médecine libérale par les jeunes femmes médecins.

L'assurance maladie et les syndicats de médecins sont également en cours de négociation sur des majorations tarifaires applicables aux médecins installés dans des zones de sous-densité médicale. En Meurthe-et-Moselle, votre département, monsieur le sénateur, quarante-six communes sont concernées par ces dispositions.

Enfin, je vous indique que Xavier Bertrand a réuni, le 4 mai dernier, l'ensemble des partenaires de la permanence des soins pour évoquer le bilan de la mise en oeuvre de ce plan et les améliorations qu'il faut encore apporter au dispositif. Une permanence des soins bien organisée et bien régulée est un facteur majeur pour préserver l'attractivité de l'exercice en zone rurale. Il a notamment été décidé de généraliser la participation des libéraux à la régulation dans l'ensemble des départements et de permettre aux préfets d'étendre dans chacun la permanence des soins au samedi après-midi.

Voilà, monsieur le sénateur, les réponses très concrètes que le Gouvernement apporte aux attentes de la population et de ses élus.

M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner.

M. Daniel Reiner. Je vous remercie de ces précisions, monsieur le ministre. Il s'agit effectivement de mesures concrètes. Certaines ont déjà été annoncées au mois de janvier par le ministre de la santé, d'autres existent depuis plusieurs années ; je pense, en particulier, à l'allègement de la taxe professionnelle consenti par les collectivités locales.

Je tiens à cet égard à souligner que leur aide est de plus en plus sollicitée pour la création de maisons médicales, où s'exerce une médecine de groupe, ou pour celle de maisons de santé associant divers professionnels de la santé. Cela ne laisse d'ailleurs pas de désespérer les collectivités locales, car de telles aides ne relèvent pas véritablement de leurs compétences et les financements qui leur sont demandés sont néanmoins assez lourds.

Jusqu'alors, comme nous le constatons depuis plusieurs années, nous n'avons pas pu inverser la tendance.

Un professeur de médecine générale de Nancy vient de proposer deux thèses de doctorat en médecine portant sur ce sujet. À leur lecture, je me suis rendu compte - même si le Sénat avait déjà abordé cette question à l'occasion de l'enquête sur les services publics en milieu rural - que les étudiants avaient mille raisons de ne pas vouloir s'installer à la campagne et que les mesures d'incitation qui leur étaient proposées jusqu'à présent pesaient peu au regard de cette aspiration profonde, liée pour une part à la féminisation de la profession, mais aussi et surtout à la volonté d'exercer la médecine dans des conditions plus confortables.

Nous sommes bien loin du sacerdoce que représentait autrefois cette profession. Je crains que le système du libre choix de l'installation, dans lequel un jeune médecin peut s'installer là où il le souhaite, ne soit parvenu au terme de sa force propulsive. Peut-être serons-nous amenés à exiger, comme pour d'autres professions, que les jeunes médecins s'installent pendant un certain temps à tel endroit plutôt qu'à tel autre. Il s'agit d'une responsabilité globale qui n'incombe pas plus à ce gouvernement qu'au précédent. Permettre à tous nos concitoyens de bénéficier de soins, quel que soit l'endroit où ils habitent, relève en effet de la responsabilité politique.

Pour les pharmaciens, on a défini des zones selon le nombre d'habitants. Ce dispositif n'existe pas encore pour les médecins, mais peut-être devrons-nous bientôt mener cette réflexion. C'est ce qu'attendent de nous nos concitoyens, car ils sont tous appelés, malheureusement, à devenir un jour ou l'autre des patients.

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