Question de M. BILLOUT Michel (Seine-et-Marne - CRC) publiée le 11/05/2006

M. Michel Billout attire l'attention de M. le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, sur l'application de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000, relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage. En effet, les schémas départementaux sont aujourd'hui établis, mais la totalité des aires d'accueil n'est pas réalisée, loin de là. Il souhaiterait connaître alors l'état d'application de cette loi et le niveau de réalisation des objectifs déterminés par les schémas départementaux. De plus, l'article 3 de cette loi stipule que « si, à l'expiration d'un délai de deux ans suivant la publication du schéma départemental et après mise en demeure par le préfet restée sans effet dans les trois mois suivants, une commune ou un établissement public de coopération intercommunale n'a pas rempli les obligations mises à sa charge par le schéma départemental, l'Etat peut acquérir les terrains nécessaires, réaliser les travaux d'aménagement et gérer les aires d'accueil au nom et pour le compte de la commune ou de l'établissement public défaillant ». Il souhaiterait donc également savoir quelles mesures ont été prises par l'Etat pour remplir cette obligation en cas de défaillance des communes. En Seine-et-Marne, les retards accumulés pénalisent fortement les communes ou intercommunalités qui ont respecté la loi et investi dans la réalisation d'aires d'accueil. En nombre insuffisant, les aires aujourd'hui créées ne permettent pas de garantir à ces populations des conditions d'accueil satisfaisantes. Ce manque met également les communes dans des situations difficiles. En effet, lors des stationnements sauvages, les mesures administratives restent trop lourdes (intervention d'huissier et saisine en référé du tribunal de grande instance) et inopérantes, car cette procédure demande plusieurs jours, bloquant d'autant l'intervention des forces de l'ordre. Dans ces conditions, il souhaiterait savoir quelles mesures compte prendre le Gouvernement pour permettre l'application complète de cette loi afin d'accueillir au mieux les gens du voyage.

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Réponse du Ministère délégué aux collectivités territoriales publiée le 31/05/2006

Réponse apportée en séance publique le 30/05/2006

M. le président. La parole est à M. Michel Billout, auteur de la question n° 1046, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

M. Michel Billout. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur l'application de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage.

En effet, les schémas départementaux sont aujourd'hui établis, mais la totalité des aires d'accueil n'est pas réalisée, loin de là. Je souhaite donc connaître l'état d'application de cette loi et le niveau de réalisation des objectifs déterminés par les schémas départementaux.

De plus, l'article 3 de cette loi dispose : « Si, à l'expiration d'un délai de deux ans suivant la publication du schéma départemental [...] et après mise en demeure par le préfet restée sans effet dans les trois mois suivants, une commune ou un établissement public de coopération intercommunale n'a pas rempli les obligations mises à sa charge par le schéma départemental, l'État peut acquérir les terrains nécessaires, réaliser les travaux d'aménagement et gérer les aires d'accueil au nom et pour le compte de la commune ou de l'établissement public défaillant. »

Dans ces conditions, je souhaite donc également savoir quelles mesures ont été prises par l'État pour remplir cette obligation en cas de défaillance des communes, sachant que des délais supplémentaires ont déjà été accordés.

Ainsi, dans mon département, la Seine-et-Marne, six ans après l'adoption de cette loi, 196 places ont réellement vu le jour et 78 seulement sont en cours de réalisation, alors que les besoins estimés par la préfecture en janvier dernier s'élèvent à 1 250 places !

Les retards accumulés pénalisent fortement les communes ou les intercommunalités qui ont respecté la loi et investi dans la réalisation d'aires d'accueil.

En nombre très insuffisant, les aires aujourd'hui créées ne permettent pas de garantir aux populations concernées des conditions d'accueil satisfaisantes.

Ce manque place également les communes dans des situations difficiles. En effet, malgré les tarifs attractifs des aires d'accueil - par exemple, deux euros cinquante par jour sur l'aire de ma commune pour un emplacement pouvant accueillir deux caravanes - les stationnements sauvages persistent, provoquant l'exaspération des élus et des administrés, qui ne comprennent pas l'inaction des pouvoirs publics. Les mesures administratives restent trop lourdes - intervention d'huissier et saisine en référé du tribunal de grande instance -, et inopérantes, car l'obtention d'une ordonnance du tribunal demande entre quatre et cinq jours, retardant d'autant l'intervention des forces de l'ordre.

Les communes ayant fait l'effort financier de créer des aires d'accueil sont ainsi doublement pénalisées : non seulement, elles financent l'investissement et le fonctionnement de ces aires, mais elles doivent en outre assumer la prise en charge des branchements électriques et des ponctions d'eau illicites dus aux stationnements illégaux.

L'inaction des pouvoirs publics est insupportable pour les administrés de nos communes : en Seine-et-Marne, sur 186 implantations illégales dénombrées en 2005, seules 57 ont donné lieu à des accords de concours de la force publique pour expulser les occupants.

Dans ces conditions, je souhaiterais savoir quelles mesures compte prendre le Gouvernement pour permettre l'application complète de cette loi, sachant que seule la réalisation de l'ensemble des places prévues permettrait d'accueillir au mieux les gens du voyage, dans un double souci de solidarité et de responsabilisation.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, le ministre d'État, empêché, m'a demandé de répondre à sa place, comprenant parfaitement que vous souhaitiez obtenir des informations sur l'application du dispositif départemental d'accueil des gens du voyage, prévu, comme vous l'avez rappelé, par la loi du 5 juillet 2000, qui renforce les obligations des communes en la matière.

Ainsi que vous le soulignez, à ce jour, les schémas départementaux ont été signés et publiés. Toutefois, les objectifs de création d'aires d'accueil, fixés très précisément à 44 232 places, ne sont pas encore atteints, du fait des difficultés liées, notamment, à la mobilisation des terrains ou à la recherche de financements. À la fin de l'année 2005, on comptait 366 aires d'accueil en service, représentant 7 746 places, et 68 aires de passage permettant d'offrir 7 339 places, soit un taux global de réalisation de 17 %.

C'est la raison pour laquelle la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a prorogé de deux ans le délai prévu pour la réalisation de ces aires.

Dans ces conditions, s'agissant des mesures prises par l'État en cas de défaillance des communes, la priorité a été accordée au dialogue avec les élus, afin de les inciter à réaliser ces aires d'accueil. C'est pourquoi aucun préfet n'a encore fait usage de la procédure de substitution. Une circulaire interministérielle est cependant en cours d'élaboration, afin d'indiquer aux préfets, en cas de refus manifeste des élus de réaliser les aires, les modalités de mise en oeuvre de leur pouvoir de substitution.

Vous vous préoccupez également de la longueur et du coût, en particulier pour les petites communes, des procédures destinées à obtenir l'évacuation forcée des résidences mobiles en stationnement illicite.

La loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure a apporté des améliorations à cette situation. Outre l'incrimination du stationnement illicite, désormais prévue par l'article 322-4-1 du code pénal, le maire peut mettre en oeuvre la procédure civile d'expulsion en saisissant directement le juge des référés, sans acquitter de frais de justice et sans recourir obligatoirement à un huissier pour constater une occupation illicite.

Ces mesures ne peuvent cependant s'appliquer ni au profit des communes qui n'ont pas encore réalisé leurs aires d'accueil, ni aux fins d'expulsion des personnes stationnant sur les aires aménagées.

Les conflits qui peuvent résulter du défaut de paiement des droits de stationnement ou des dégradations consécutives à l'occupation des aires relèvent d'une procédure de droit commun. Il convient, lorsque de tels faits sont constatés, de saisir le juge judiciaire pour faire prévaloir l'intérêt de la commune.

Pour faire face aux difficultés rencontrées par les communes, le ministre d'État a engagé une réflexion sur la manière d'accélérer sensiblement la procédure d'évacuation forcée des résidences mobiles pour stationnement illicite, tout en respectant les garanties fondamentales. Une procédure accélérée pourrait également être mise en place pour les séjours abusifs sur une aire d'accueil.

Pour réaliser l'objectif fixé par le législateur d'équiper le territoire en aires d'accueil, je vous rappelle que les communes de plus de 5 000 habitants qui ne rempliraient toujours pas leurs obligations légales seraient exclues de ces facilités procédurales.

M. le président. La parole est à M. Michel Billout.

M. Michel Billout. Je remercie M. le ministre des précisions qu'il a apportées.

Afin d'éclairer mon propos, je précise qu'il n'est pas utile, de mon point de vue, de recourir à des procédures répressives, tant que le taux de réalisation des aires d'accueil prévues par la loi ne le permet pas. En effet, expulser des familles de gens du voyage vers des terrains qui n'existent pas encore pour les recevoir poserait de réels problèmes.

Il est donc nécessaire d'accélérer l'application de cette loi, ce qui ne peut se faire sans dialogue.

Je partage donc votre souci d'accorder la priorité au dialogue avec les élus. Mais il faut le faire avec fermeté et courage, puisque l'on se heurte aux mêmes difficultés que pour l'application de la loi SRU et la construction de logements sociaux. Ce sont toujours à peu près les mêmes élus qui refusent d'accueillir sur leur territoire des populations qu'ils jugent indésirables.

Je compte sur vous, monsieur le ministre, pour faire diligence dans l'application de cette loi.

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