Question de M. LEGENDRE Jacques (Nord - UMP) publiée le 12/10/2006

Dans sa lutte contre l'habitat indigne, l'association départementale des caisses d'allocations familiales du Nord a décidé de créer un indicateur régional permettant, à travers un questionnaire, de repérer les logements non décents. Les résultats obtenus sont ensuite vérifiés sur place par le personnel des CAF ou par les services d'hygiène des communes. En cas de non décence, les CAF du Nord utilisent la dérogation qui permet de maintenir l'allocation logement en la versant directement au locataire et non plus au propriétaire, pour l'inciter à réaliser les travaux nécessaires à la mise en conformité du logement. Cependant elle induit chez le locataire la tentation forte d'affecter l'aide au logement à d'autres dépenses, alors même que la non-décence n'interrompt pas l'obligation du paiement du loyer. Aussi M. Jacques Legendre demande à M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement si une évolution des textes autorisant la mesure conservatoire par les CAF ne peut être envisagée.

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Réponse du Ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement publiée le 21/12/2006

Les articles L. 542-2 et L. 831-3 du code de la sécurité sociale subordonnent le droit aux allocations de logement à la décence du logement. En cas de non-décence, la loi prévoit que le versement de l'aide est maintenu dès lors que le locataire peut justifier qu'il a engagé une démarche amiable ou contentieuse auprès de son bailleur, afin d'obtenir une mise aux normes du logement. Dans les cas où l'aide est versée entre les mains du bailleur, le versement en tiers-payant est alors suspendu et l'allocation de logement est remise directement au locataire. La proposition de l'Association départementale des caisses d'allocations familiales (ADÉCAF) du Nord qui consiste à surseoir au versement de l'allocation de logement, « à titre de sanction pour le propriétaire » et « d'acte préventif pour le locataire », afin de la verser ensuite au fur et à mesure de la réalisation des travaux de mise en conformité par le propriétaire, ne peut se concevoir que dans l'hypothèse où le locataire serait préalablement exonéré du paiement de l'échéance mensuelle du loyer. Sinon, le locataire risquerait de ne pouvoir assumer son obligation de règlement du loyer au propriétaire et s'exposerait même à l'éventualité d'une procédure d'expulsion pour défaut de paiement du loyer. La législation applicable en matière de décence est, en effet, différente de celle qui existe en matière d'insalubrité. Lorsque le logement est insalubre, le paiement du loyer n'est plus exigible ; lorsque le logement est considéré comme indécent, l'autorisation de non-paiement du loyer ne peut être décidée que par le juge. A cet égard, je tiens à souligner l'avancée importante permise par la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement (ENL), qui a précisément renforcé le dispositif juridique de protection du locataire en cas de contentieux portant sur la décence du logement. L'article 86 de la loi ENL étend les compétences des commissions départementales de conciliation aux litiges concernant la décence. Ces commissions, créées auprès du préfet depuis la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, offrent déjà aux bailleurs et aux locataires la possibilité de se rencontrer en vue de rechercher à l'amiable une solution à leurs différends en matière de loyers, d'état des lieux, de dépôt de garantie, de charges locatives et de réparations. Pour les litiges portant sur la décence, la saisine de la commission pourra se révéler ensuite un préalable utile au locataire lorsque le juge sera saisi. Surtout, cet article 86 prévoit expressément que le juge pourra dorénavant suspendre le versement des loyers et la durée du bail dès qu'il constatera l'indécence du logement et ce jusqu'à l'exécution des travaux nécessaires par le propriétaire. En conséquence, dès lors que le bail sera interrompu par le juge et que le locataire ne sera provisoirement plus tenu d'honorer son loyer, le versement de l'allocation de logement sera lui aussi automatiquement suspendu aussi longtemps que les travaux imposés au propriétaire ne seront pas accomplis. Mais si le loyer reste exigible, en totalité ou en partie seulement selon la décision du juge, le versement de l'aide entre les mains du locataire devra être maintenu, afin de ne pas le pénaliser. Le niveau de l'allocation de logement, dans ce dernier cas, s'ajustera évidemment au montant du loyer exigible fixé par le juge pendant la période d'accomplissement des travaux.

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