Question de M. REPENTIN Thierry (Savoie - SOC) publiée le 12/01/2007

Question posée en séance publique le 11/01/2007

M. Thierry Repentin. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.

Acculé par une association qui a su braquer les projecteurs sur une insuffisance gouvernementale en installant des tentes le long du canal Saint-Martin à Paris, vous avez été contraint de capituler, monsieur le Premier ministre.

L'injonction du Président de la République s'est vite révélée sans appel. L'opposabilité du droit au logement, que Mme Catherine Vautrin qualifiait dans cet hémicycle de « prématurée et irréaliste » est devenue, par la magie du nouvel an, l'outil miraculeux et définitif de la politique du logement.

Monsieur le Premier ministre, vous rappelez-vous également que plusieurs sénateurs issus des rangs de l'opposition ont déposé un amendement, qui a été débattu ici même le 11 avril dernier, visant à inscrire le droit au logement opposable dans la loi ? Quelle condescendance n'avions-nous alors pas suscitée !

Par conséquent, comment expliquerez-vous à vos parlementaires que nous n'avions pas tort et qu'ils doivent à présent émettre un vote contraire à celui qu'ils ont exprimé voilà à peine huit mois ?

Mme Raymonde Le Texier. Cela ne les gênera pas beaucoup !

M. Thierry Repentin. Mais, plus surprenant encore que la conversion éclair de Mme Vautrin, il y a le revirement de la majorité tout entière !

Monsieur le Premier ministre, avez-vous indiqué aux sénateurs et aux députés de votre majorité que votre projet, tel que débattu voilà deux jours en Conseil d'État, tend à contraindre l'État d'appliquer le droit au logement défini par la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement, dite loi Besson, qui avait alors été déférée devant le Conseil constitutionnel par votre majorité en vue de son abrogation ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jean-Pierre Michel. CQFD !

M. Thierry Repentin. Ainsi, la même famille politique nous propose aujourd'hui une modalité d'application d'un dispositif qu'elle voulait hier tout simplement supprimer.

Ma première question est donc la suivante : comment expliquer cette volte-face...

M. Didier Boulaud. Des girouettes !

M. Thierry Repentin.... à cent jours de la fin de l'exercice de vos responsabilités, monsieur le Premier ministre ?

Par ailleurs, je tiens à le dire avec force, la déclaration de l'opposabilité du droit au logement ne résoudra pas demain miraculeusement le déficit de logements économiquement accessibles. Ce déficit reste criant et n'a pas été jugulé sous votre gouvernement, malgré ce que vous avez affirmé voilà quelques minutes à peine, monsieur le Premier ministre.

Ainsi, sur les 53 000 logements réellement sociaux financés en 2005, 16 000 résultent de la stricte application de l'article 55 de la loi SRU, que l'amendement déposé à l'Assemblée nationale par Patrick Ollier au printemps dernier tendait à vider de sa substance. Autrement dit, en neutralisant l'effet de la loi adoptée sous le gouvernement Jospin, le nombre de logements sociaux financés par l'État se situe autour de 36 000, c'est-à-dire moins qu'en 2000, année pourtant la moins faste de ce point de vue de la précédente mandature. (M. Alain Gournac s'exclame.)

Monsieur le Premier ministre, sans logements sociaux en nombre suffisant, il n'y aura pas de réelle mise en oeuvre du droit au logement. Le préfet saisi n'aura d'autre choix que de loger les plus précaires dans les rares HLM disponibles des communes qui en ont sur leur territoire.

M. Bruno Sido. La question !

M. Thierry Repentin. Monsieur le Premier ministre, comment admettre cela alors que des élus ne veulent pas de logements sociaux chez eux ?

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Repentin !

M. Thierry Repentin. Comment expliquer aux familles des travailleurs pauvres, aux familles modestes et moyennes qui figurent sur des listes d'attente depuis plusieurs années qu'elles devront patienter encore plus, car elles ne sont pas prioritaires par rapport à votre loi ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

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Réponse du Ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement publiée le 12/01/2007

Réponse apportée en séance publique le 11/01/2007

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. L'honorable Thierry Repentin, expert en la matière, nous dit que le gouvernement agit avec précipitation, qu'il ne serait pas prêt à présenter un texte sur le droit au logement opposable. Je suppose que son groupe était prêt à le déposer !

M. Thierry Repentin. Nous l'avions déposé !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Je souhaiterais qu'il m'explique pourquoi, dans son programme, le parti socialiste...

M. Josselin de Rohan. Il n'en a pas !

Mme Raymonde Le Texier. Parce que vous en avez un, vous ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre.... indique qu'il saisira, s'il arrive au pouvoir, le Conseil économique et social afin de préparer un rapport sur la mise en oeuvre du droit opposable au logement. (Rires et applaudissements sur les travées de l'UMP - Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jacques Mahéas. Sur la mise en oeuvre, pas sur le principe !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. De grâce, sur un tel sujet, la polémique n'a pas sa place !

Je répète ce que j'ai dit tout à l'heure à l'adresse du groupe Communiste Républicain et Citoyen : au sein du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées siègent aussi des gens de votre sensibilité qui ont contribué à la rédaction de ce texte. Pour une fois, au nom du droit au logement, je vous propose de conclure un accord républicain.

S'agissant de la construction de logements, monsieur Repentin, je vois bien votre tentative désespérée de faire croire que, puisque le Gouvernement va plus vite, il va moins vite que ceux qui iraient très vite. (Rires.)

Voici, mesdames, messieurs les sénateurs, quelle est la situation (M. le ministre brandit un tableau comparatif.) : s'agissant du logement que l'on qualifie de « très social », 38 181 PLUS et PLAI ont été accordés sous le gouvernement Jospin, contre 67 130 en 2006, soit 75 % d'augmentation, avec l'objectif de 100 % en 2007.

M. Thierry Repentin. Vous parlez de choses différentes !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Si vous voulez d'autres chiffres, je continue : 4 000 PLS, qui correspondent au logement social « normal », ont été octroyés au temps du gouvernement Jospin, contre 38 450 en 2006.

M. Jean-Pierre Bel. Construisez !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. À moins que vous ne préfériez le parc social privé : 7 400 sous le Gouvernement Jospin, contre 38 500 aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.) Globalement, l'ensemble des parcs sociaux ont été multipliés par trois !

Nous manquons encore de logements sociaux dans notre pays.

M. Jacques Mahéas. Il faudra en construire à Neuilly-sur-Seine !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Nous avons besoin de ce texte fondateur. Je vous propose de chercher ensemble comment améliorer la situation.

Si la désinformation persiste, je n'hésiterai pas à rappeler aux Français que vous avez été bien silencieux quand le gouvernement précédent a détourné des fonds du « 1 % logement » pour abonder le budget général de l'État ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. Jacques Mahéas. Invraisemblable !

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