Question de M. RENAR Ivan (Nord - CRC) publiée le 26/01/2007

Question posée en séance publique le 25/01/2007

M. Ivan Renar. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes.

Monsieur le ministre délégué, lors du comité central d'entreprise du 18 janvier dernier, ...

M. Rémy Pointereau. Ça commence bien !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Attendez la suite, vous allez moins rire !

M. Ivan Renar. ... les 157 ouvrières du site d'ECCE, de Poix-du-Nord, ont brutalement appris la fermeture prochaine de leur usine. LVMH, qui est le principal client de cette entreprise, vient en effet de prendre une décision qui signe la fin de ces emplois.

Bien qu'ayant renouvelé son contrat de licence de fabrication avec ECCE pour la période 2008-2012, LVMH a exigé de pouvoir librement choisir les sites de production. Les costumes de la marque Kenzo, jusqu'alors fabriqués à Poix-du-Nord, seront désormais produits en Europe de l'Est.

Cette délocalisation entraînera la perte de 95 % des commandes de l'usine de Poix-du-Nord. L'activité d'un site déjà touché par de nombreuses restructurations devrait ainsi cesser dans quelques mois. La mort annoncée de cette usine risque également d'entraîner la disparition du site logistique d'ECCE à Prouvy, qui emploie 100 salariés.

Mme Christiane Hummel. À qui la faute ?

M. Ivan Renar. Au-delà du drame humain - un de plus ! - la fermeture du site de Poix-du-Nord marquerait la disparition d'un savoir-faire unique en France. Ces femmes, ces « petites mains », comme on les appelle dans le métier, faisaient en effet vivre la dernière usine française de prêt-à-porter masculin haut de gamme.

Avec une moyenne d'âge de quarante-cinq ans environ, elles désespèrent de leur avenir et de celui de leur famille, d'autant que l'Avesnois atteint déjà des taux de chômage records.

Les élus locaux se sont fortement mobilisés aux côtés de ces ouvrières et ont alerté le Gouvernement de la menace qui pesait sur le site. À la fin du mois de décembre, MM. Breton et Loos ont annoncé la reconduction du contrat entre LVMH et ECCE, laissant entendre que la fabrication serait poursuivie à Poix-du-Nord, alors que le groupe LVMH ne vise qu'à externaliser la production des costumes Kenzo.

Monsieur le ministre délégué, il n'y a pas de fatalité. On peut faire autrement, ces ouvrières ne sont pas prédestinées à subir la loi d'airain d'un marché sans conscience ni miséricorde.

Face à la logique arrogante et glacée des actionnaires, quelles mesures énergiques le Gouvernement entend-il prendre pour défendre ces emplois ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Aucune !

M. Ivan Renar. Il faudra bien, un jour, messieurs les ministres, interdire tout licenciement pour les entreprises réalisant ainsi des bénéfices.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. S'il suffisait d'interdire...

M. Ivan Renar. Il faudra bien un jour, messieurs les ministres, instaurer un prélèvement sur les importations afin de contrarier les tentations de dumping social et fiscal et d'aller vers une harmonisation progressive des législations européennes et mondiales.

M. Rémy Pointereau. C'est de l'idéologie !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous nous faites honte !

M. Ivan Renar. En attendant, et dans l'immédiat, face à ce gâchis économique, social et humain, quelles mesures comptez-vous prendre pour préserver l'emploi des 157 ouvrières de Poix-du-Nord ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

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Réponse du Ministère délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes publiée le 26/01/2007

Réponse apportée en séance publique le 25/01/2007

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Monsieur Renar, vous nous annoncez la fermeture de l'usine de Poix-du-Nord ; cette information ne correspond pas à celle qui a été transmise par la secrétaire du comité d'établissement de l'usine au directeur départemental du travail et de l'emploi.

Comme vous l'avez dit, le 26 décembre dernier, Thierry Breton et François Loos informaient les élus du Nord que le groupe LVMH avait reconduit le contrat passé avec le groupe Kenzo et que, par conséquent, l'activité devait se poursuivre selon un plan de charge jusqu'en 2012.

Afin de faire suite à votre question, je vais moi-même demander confirmation au groupe LVMH de ce qui a été dit à Thierry Breton et à François Loos au mois de décembre dernier et je tiendrai informés à la fois les élus du département mais aussi les salariés de cette entreprise.

Je comprends naturellement leur angoisse comme je comprends celle que peuvent également éprouver les salariés d'entreprises textiles situées dans d'autres régions de notre pays et pour lesquels, jour après jour, nous essayons de négocier des conditions de poursuite d'activité, des plans de sauvegarde de l'emploi. À chaque fois, nous sommes confrontés à des cas humains, souvent de femmes qui n'ont pas d'autre formation. Je pense ici à ce que nous avons connu l'an dernier dans les Vosges, ...

M. Jean-Pierre Bel. Pas seulement dans les Vosges !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. ...ainsi que le président Poncelet le sait.

Face à cela, quelles sont les mesures engagées par le Gouvernement ?

Au début de 2006, nous avons signé, avec l'ensemble des partenaires sociaux et les huit fédérations professionnelles de l'Union des industries textiles, un accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences portant sur la formation de 6 500 salariés.

Dans le département du Nord, portés par le FORTHAC, l'organe paritaire collecteur agréé pour la formation dans le textile, l'habillement, le cuir et les secteurs connexes, ont été mis en place des plans de formation permettant la préparation à des métiers nouveaux. Cette année, 500 salariés du textile vont en bénéficier - Jean-Louis Borloo y a veillé personnellement -, c'est-à-dire que la moitié des capacités seront concentrées sur cette région.

Nous agissons concrètement : les pôles de compétitivité sur les nouveaux textiles, l'Agence de l'innovation industrielle, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, la formation des hommes, la mise en compétitivité des territoires en sont la preuve, ainsi que le crédit collection, dispositif fort important pour Kenzo, notamment, et qui n'existe pas dans un certain nombre d'autres pays de l'Union européenne.

En conclusion, m'adressant à l'ensemble de cette assemblée, je soulignerai que, quelle que soit notre appartenance politique, nous allons devoir relever un défi majeur dans les mois qui viennent : l'Union européenne va en effet avoir à renégocier la majorité de ses accords commerciaux dans les dix-huit mois à venir.

Nous en avons déjà débattu à Berlin et nous sommes un certain nombre à estimer que l'exigence d'un travail décent et la dimension sociale du travail doivent bien être intégrées dans les accords commerciaux que nous concluons avec des pays tiers. Cet aspect me paraît essentiel et il sera, dans tous les cas, à la demande du Président de la République et du Premier ministre, porté par la France dans le débat qui aura lieu, le 22 février prochain, lors du conseil des ministres de l'emploi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments d'information que je suis en mesure de vous transmettre. Une attention particulière sera portée par le pôle de cohésion sociale aux salariés de Poix-du-Nord mais aussi à ceux d'Aubade, de Well et d'Arena, car, pour nous, il s'agit de se battre pour des hommes et des femmes et pour la préservation de l'activité économique. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. - Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On croit rêver !

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