Question de M. TODESCHINI Jean-Marc (Moselle - SOC) publiée le 25/01/2007

M. Jean-Marc Todeschini souhaite attirer l'attention de M. le ministre délégué à l'industrie sur les conséquences qu'entraînerait le projet industriel défini par le groupe Total Petrochemicals France (TPF). Ce projet qui prévoit la fermeture du vapocraqueur 2 sur la plate-forme chimique de Carling va entraîner la perte de 243 emplois sur ce site mosellan mais risque également de fragiliser l'ensemble de la filière pétrochimique lorraine. En effet, avec la fermeture d'un vapocraqueur sur les deux existants actuellement, il ne sera plus possible d'approvisionner l'ensemble des clients essentiels de TPF dont ARKEMA et INEOS Sarralbe. Ce sont vraisemblablement plusieurs milliers d'emplois, essentiellement dans l'est de la Moselle, qui sont susceptibles de disparaître à court terme. L'activité des deux vapocraqueurs étant une nécessité, un projet alternatif a été développé par les syndicats. Celui-ci consiste à centrer l'activité du site de Carling sur le traitement des « condensats » et mérite d'être étudié plus avant. Or, la direction de TPF ne le souhaite guère. Il est donc nécessaire que l'Etat se mobilise rapidement sur ce dossier important avant que des décisions irréversibles ne soient prises. Aussi, il souhaiterait savoir si le Gouvernement entend demander au groupe TPF de surseoir à cette décision de fermeture et s'il envisage de faire étudier par ses services le projet alternatif, porté par les organisations représentatives des salariés.

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Réponse du Ministère délégué à l'industrie publiée le 07/02/2007

Réponse apportée en séance publique le 06/02/2007

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, auteur de la question n° 1229, adressée à M. le ministre délégué à l'industrie.

M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question portera sur un sujet qui inquiète fortement mon département et ma région : il s'agit des conséquences que pourrait entraîner le projet industriel adopté par le groupe Total Petrochemicals France pour les années à venir.

Ce projet, dont vous avez déjà été saisi, au mois d'octobre dernier, par mon collègue Jean-Pierre Masseret, président du conseil régional de Lorraine, prévoit, dès 2009, la fermeture du vapocraqueur 2 sur la plateforme chimique de Carling et la suppression de 243 emplois sur ce site mosellan.

Cette annonce pose la délicate question de l'avenir de l'activité chimique et pétrochimique en Moselle.

En effet, l'activité du site de Carling repose, aujourd'hui, sur deux vapocraqueurs qui alimentent les besoins non seulement du groupe Total, mais également des principaux industriels chimiques de la région, dont Arkema et Ineos Sarralbe. Retirer à ce site un vapocraqueur reviendrait non pas à lui enlever un poumon mais à lui arracher le coeur, puisque, à lui seul, le vapocraqueur 1, qu'il soit ou non consolidé, ne suffira plus à alimenter les clients essentiels de Total Petrochemicals France d'ici à 2011.

En d'autres termes, faute d'approvisionnement suffisant, ces clients préféreront s'alimenter ailleurs. Or la logistique des flux existante rend la démarche difficile. Dès lors, Arkema et Ineos risquent très vite d'abandonner leurs sites mosellans. Ce sont donc plusieurs milliers d'emplois, essentiellement concentrés en Moselle-Est, qui vont disparaître à court terme. Il est urgent, monsieur le ministre, d'éviter cet effet domino.

Le conseil régional de Lorraine a constitué un groupe de travail conjoint avec le conseil économique et social régional, dont l'objectif est de définir, d'ici à la fin du premier semestre 2007, les stratégies industrielles nécessaires au maintien et à l'évolution d'une industrie chimique et pétrochimique en Lorraine, ainsi que les stratégies d'aménagement qui devront être mises en place dans les bassins lorrains concernés.

Les parlementaires et les élus locaux des secteurs de Saint-Avold et de Sarralbe se mobilisent également aux côtés des syndicats de Total Petrochemicals France, Arkema et Ineos.

Les principaux délégués de ces syndicats ont proposé un projet alternatif portant sur le traitement des condensats, résidus de combustion issus des vapocraqueurs. Ce projet permettrait d'avoir un produit de base, le naphta, moins cher, et de l'éthylène à un prix inférieur de 30 % au prix actuel. Il présenterait également l'avantage de produire du gazole moteur à hauteur de 400 000 tonnes par an.

Selon les syndicats, le coût estimé est de l'ordre de 100 millions d'euros, avec un retour sur investissement au bout de deux ans, soit un coût inférieur aux 400 millions d'euros que coûteraient à Total Petrochemicals France la fermeture du vapocraqueur et les investissements annoncés et nécessaires en matière de sécurité, quelle que soit la décision prise par cette société.

Comme vous pouvez le constater, monsieur le ministre, l'ensemble des acteurs se mobilisent pour l'avenir de la filière chimique et pétrochimique en Lorraine. Nous avons besoin du soutien de l'État, de la puissance publique. Le projet de traitement des condensats mérite d'être étudié plus avant. Le rapport de la région sera déterminant pour l'avenir de cette industrie et pour le maintien des emplois.

Mais le temps est compté. Aussi, monsieur le ministre, je vous demande d'accompagner le travail en profondeur organisé par l'ensemble de ces acteurs, en faisant pression sur le groupe Total pour qu'il sursoit à sa décision de fermeture et en demandant à vos services de faire étudier, le plus rapidement possible, le projet alternatif défendu par les organisations représentatives des salariés.

Je vous remercie par avance des réponses que vous m'apporterez.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. François Loos, ministre délégué à l'industrie. Monsieur le sénateur, vous vous inquiétez des conséquences de l'annonce de la fermeture du vapocraqueur 2 pour les clients de Total Petrochemicals France et pour l'activité industrielle en Moselle.

Dès que de telles craintes ont été identifiées, les députés André Berthol, Céleste Lett et Emile Blessig m'ont alerté. Deux rendez-vous ont été organisés à mon cabinet, au mois de décembre dernier, avec ces députés, le maire de Sarralbe, un représentant du préfet de la région Lorraine et, l'un, la direction générale de Total Petrochemicals France, l'autre, la direction britannique d'Ineos.

Ces deux sociétés ont indiqué que, pour ce qui les concerne, cette fermeture du vapocraqueur 2 n'aurait aucune incidence sur la possibilité pour Ineos d'être approvisionné en matières pétrochimiques.

Par ailleurs, la semaine dernière, mes services ont reçu des représentants du groupe Arkema qui leur ont expliqué que ladite fermeture n'aurait aucune conséquence sur les approvisionnements de leur société.

Monsieur le sénateur, vous m'interrogez sur le traitement des condensats. Le maire de Saint-Avold m'a transmis copie de ce projet dès le mois de décembre. Le groupe Total m'a indiqué que « l'investissement ne présente pas de rentabilité car ces condensats peuvent être traités en mélange avec des pétroles bruts dans des raffineries et bénéficier sans coût supplémentaire des unités de désulfuration existantes. L'investissement à Carling reviendrait à construire une petite raffinerie sur le site, sans rentabilité et sans pérennité. » Est-ce ainsi que nous devons bâtir l'avenir de notre chimie ?

Total Petrochemicals France s'est, par ailleurs, engagé à proposer à ses salariés, dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi - qui fait toujours l'objet de négociations -, des modalités pour éviter tout licenciement sur le site de Carling.

Pour autant, les interrogations demeurent quant à la compétitivité de la chimie mosellane. Je sais que telle est la raison d'être du collectif pour l'emploi dans la chimie en Moselle-Est mis en place par le maire de Saint-Avold et de la manifestation qui aura lieu demain, 7 février.

Comme l'avaient proposé MM. les députés Lett et Blessig au mois de décembre dernier, j'ai demandé au préfet de la région Lorraine de conduire une étude prospective sur l'avenir de la chimie en Moselle-Est, avec l'ensemble des acteurs de la chimie de Moselle. Cette étude devra en particulier analyser avec soin les propositions émanant, non seulement des organisations représentatives des salariés, mais aussi de tous les élus. Total Petrochemicals France est disposé à contribuer à cette étude en donnant les informations nécessaires et en faisant part de son expérience dans le cadre des opérations de revitalisation économique que ce groupe mènera sur le bassin de Carling-Saint-Avold. Ineos et Arkema ont fait connaître à mon cabinet leur accord pour participer à cette étude.

Ensemble, nous devons rendre l'approvisionnement de la France plus compétitif en matière pétrochimique. Telle était l'une des conclusions du rapport que m'avait remis le député Daniel Garrigue, dans le cadre du Conseil stratégique de l'industrie chimique ; l'horizon avait été fixé à 2015. C'est une nécessité, et l'étude que conduit actuellement le préfet permettra collectivement à État et aux collectivités d'aider les entreprises, c'est-à-dire leur direction et leurs salariés, à répondre à cette préoccupation.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.

M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le ministre, je vous remercie de vos réponses même si, vous vous en doutez, elles ne me rassurent pas du tout sur l'avenir de la chimie et de la pétrochimie en Moselle.

Certes, le problème est complexe et ne peut pas être réglé à la va-vite. Je reconnais que le directeur des relations institutionnelles du groupe Total, que j'ai rencontré à sa demande, m'a apporté la même réponse qu'à vous. Par ailleurs, vous avez rencontré des parlementaires, membres du groupe UMP, le lendemain de la première manifestation qui a eu lieu à Sarralbe. Mais nous sommes à la veille d'élections importantes et, sur le terrain, les acteurs du secteur en cause ont l'impression que le couperet tombera à l'issue de ces échéances. Or, 2011, c'est demain ! Si le groupe Total se désengage, les craintes relatives à l'avenir de la chimie et de la pétrochimie sont justifiées selon moi.

Je me félicite du lancement de l'étude que vous avez annoncée sur l'avenir de la chimie en Moselle-Est, associant le conseil régional et tous les acteurs du secteur. Mais les décisions ne doivent pas être prises trop tard. Or j'ai l'impression que, pour l'instant, on occupe le terrain et la population est très inquiète à ce sujet.

Vous avez fait allusion à une manifestation qui devait se dérouler demain à Saint-Avold. Je crois qu'elle n'aura pas lieu pour des raisons politiques.

Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, nous devons être solidaires et travailler ensemble, sans manifester de dissension, sur cette question que vous connaissez bien, puisque vous êtes un élu du Bas-Rhin.

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