Question de Mme SCHILLINGER Patricia (Haut-Rhin - SOC) publiée le 28/06/2007

Mme Patricia Schillinger attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice concernant l'activité des opérateurs internationaux appelés trusts sur les marchés financiers européens. Le trust, par nature occulte, ne jouit pas de la même reconnaissance dans tous les pays de l'Union. Si les pays anglo-saxons sont coutumiers de cette pratique, le concept de trust souffre d'un vide juridique dans de nombreux pays, et notamment en France. Il n'en demeure pas moins que ceux-ci sont actifs sur les marchés financiers français ; cette réalité rendant fort délicate la mission de certains auxiliaires de justice, et particulièrement les avocats ou autres trusts protectors à l'étranger, confrontés, dans le cadre de l'exécution de leur mandat, à ce qu'il convient de qualifier « d'éclipse d'identité » de leur interlocuteur privilégié, que cette dernière soit ou non intentionnelle. Faute pour ces trusts de jouir d'une personnalité juridique clairement établie, laquelle permettrait une identification définitive, ces mandataires sont souvent confrontés à la nécessité de ré-identifier leurs propres clients en cours de mandat. Si la directive CE 2005/60, portant prévention et lutte contre le blanchiment d'argent et le financement d'actes terroristes, prévoit une obligation permanente d'identification du mandant non seulement dès la conclusion du mandat mais également en cours d'exécution (article 7 a et d), le problème de dénonciation d'une éventuelle éclipse d'identité n'a pas été envisagé par le législateur national. Cette directive devant être transposée en France avant le 1er janvier 2008, elle lui demande de bien vouloir lui indiquer quelles sont les intentions du Gouvernement quant à la ratification de la convention de La Haye du 01/07/1985 sur la reconnaissance du trust, compte tenu du développement de cette structure dans l'économie mondiale. En pratique, à quelle autorité publique française l'avocat trust protector doit-il aujourd'hui dénoncer l'incapacité où il se trouve d'identifier en cours de mandat un client préalablement identifié, en raison de circonstances particulières, alors que pèse sur lui l'obligation de vigilance codifiée dans la directive 2005/60/CE (art. 7 a et d) ? De plus, elle souhaite attirer l'attention sur l'importance des enjeux liés au problème d'identification des trusts dès lors que ces derniers, importants investisseurs en France, sont susceptibles de porter atteinte à l'épargne des français.

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Réponse du Ministère de la Justice publiée le 24/01/2008

La garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que la décision de ratifier la convention de La Haye du 1er juillet 1985 relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance n'a pas à ce jour été prise. Cette convention, qui est relative à la reconnaissance des trusts, vise essentiellement à régler les conflits de lois, en déterminant la loi applicable au trust et à donner certains effets aux trusts dans les États signataires et, tout particulièrement, à admettre la reconnaissance de la capacité du trustee sur certains biens ou la séparation de ces biens avec le patrimoine du trustee. Elle définit le trust comme : « Les relations juridiques créées par une personne, le constituant, par acte entre vif ou à cause de mort, lorsque les biens sont placés sous le contrôle d'un trustee dans l'intérêt d'un bénéficiaire. » La décision de ratifier la convention nécessite une réflexion approfondie qui doit être menée en considération de l'adoption le 19 février 2007 de la loi n° 2007-211 instituant la fiducie, dont les éléments constitutifs sont proches de ceux envisagés pour le trust dans cette convention. Il convient en effet de veiller à ce qu'une telle ratification n'emporte pas reconnaissance en France, sans aucun contrôle, de patrimoines d'affectation, créés selon un droit étranger, qui échapperaient aux mesures de transparence imposées aux fiducies françaises et qui pourraient ainsi concurrencer sérieusement cette nouvelle institution. La ratification de la convention risquerait également d'encourager les délocalisations de patrimoines et de rendre plus délicate la lutte contre le blanchiment et les fraudes, puisque les trusts constitués à l'étranger devraient être reconnus en droit interne. S'agissant des obligations de l'avocat trust protector en matière de lutte contre le blanchiment, l'article 6-2 du règlement intérieur national de la profession d'avocat (décision du 12 juillet 2007 portant adoption du règlement intérieur national [RIN] de la profession d'avocat, article 21-1 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée) mentionne, parmi les missions de l'avocat, la possibilité d'exercer des missions pour le compte de personnes physiques ou morales agissant sous forme ou pour le compte de fonds fiduciaires ou de tout instrument de gestion d'un patrimoine d'affectation. L'avocat exerçant des fonctions de trust protector de droit étranger est aujourd'hui soumis, quant à son obligation de vigilance, aux dispositions de l'article R. 563-4 6° du code monétaire et financier, qui vise « la constitution, la gestion ou la direction de fiducies de droit étranger ou de toute autre structure similaire ». S'agissant enfin de la directive 2005/60/CE adoptée le 26 octobre 2005, elle abroge et se substitue à la directive 91/308/CEE du 10 juin 1991 modifiée par la directive 2001/97/CE du 4 décembre 2001, jusqu'alors applicables en matière de lutte contre le blanchiment. Elle modifie le dispositif actuel pour y intégrer les quarante recommandations du groupe d'action financière (GAFI, créé par le G7 en 1989), telles que révisées en juin 2003. La transposition de cette troisième directive « antiblanchiment » qui doit être achevée avant le 15 décembre 2007 nécessite des modifications de la partie législative et de la partie réglementaire du code monétaire et financier qui sont en cours d'élaboration.

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