Question de M. SUEUR Jean-Pierre (Loiret - SOC) publiée le 05/07/2007

M. Jean-Pierre Sueur appelle l'attention de M. le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement sur les conditions d'accueil des jeunes étrangers mineurs en France. Il se trouve que, en dépit du fait qu'ils disposent de papiers d'identité attestant de leur âge, un certain nombre de ces jeunes sont déclarés « majeurs » sur le fondement des résultats d'examens d'âge osseux. Or il s'avère que les résultats de tels examens sont sujets à des marges d'erreur non négligeables. Ces jeunes étant, nonobstant ces marges d'incertitude, considérés comme majeurs, ils ne sont pas pris en charge par les services départementaux d'aide sociale à l'enfance. Et, compte tenu du fait que leurs documents d'identité attestent de ce qu'ils ont moins de dix-huit ans, ils ne peuvent pas présenter de demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Ces jeunes sont donc dans une situation inextricable et ne peuvent bénéficier des aides et du soutien qui s'avèrent indispensables, eu égard aux difficultés qu'ils connaissent et aux souffrances qu'ils vivent. Il lui demande, en conséquence, quelles dispositions il compte prendre pour qu'il soit mis fin à ces situations inextricables et que ces jeunes trouvent dans notre pays la protection, le soutien et le suivi qui leur sont nécessaires. Il lui demande, en particulier, s'il ne lui paraît pas opportun de publier un texte réglementaire disposant que, compte tenu des marges d'erreur affectant les résultats des examens d'âge osseux, aucun refus d'admission aux services départementaux d'aide à l'enfance, lorsqu'il y a doute sur l'âge d'une personne, ne pourra être décidé sur le seul fondement des résultats de ces examens.

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Transmise au Ministère de la Justice


Réponse du Ministère de la Justice publiée le 10/04/2008

La garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que la situation des mineurs étrangers isolés présents sur le territoire national fait partie des préoccupations du ministère de la justice, mais qu'elle relève en réalité des compétences conjointes de plusieurs ministères ainsi que de celles des collectivités locales. S'agissant de la détermination de l'âge de ces jeunes étrangers, il convient de rappeler le principe posé par l'article 47 du code civil, lequel dispose que tout acte d'état civil des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi. En cas d'impossibilité de vérifier l'authenticité de l'acte ou en l'absence d'un commencement de preuve de l'état civil, il peut être recouru à d'autres modes d'identification, notamment à des mesures d'expertises judiciaires. L'article 246 du code de procédure civile disposant que « le juge n'est pas lié par les constatations ou les conclusions du technicien », le magistrat qui ordonne une mesure d'expertise est toujours libre d'apprécier la validité d'une preuve résultant de cet examen. Tel est le cas s'agissant des conclusions d'une expertise de détermination médico-légale de l'âge d'un adolescent. La méthode, la plus fréquemment utilisée en Europe pour y parvenir se fonde sur la radiographie de la main et du poignet gauche par comparaison avec des clichés de référence collectés dans l'atlas de Greulich and Pyle. La fiabilité relative de cette méthode en raison notamment de l'incertitude des résultats est régulièrement dénoncée, sans qu'aucune autre technique n'ait fait la preuve d'une plus grande fiabilité à ce jour. Dans un avis du 23 juin 2005, le Comité consultatif national d'éthique, sans récuser a priori leur emploi, a suggéré que le recours à ces méthodes « soit relativisé de façon telle que le statut des mineurs ne puisse en dépendre exclusivement ». Plus récemment, le 16 janvier 2007, l'Académie nationale de médecine s'est prononcée à la demande du garde des sceaux et du ministre de la santé, sur la fiabilité des examens médicaux visant à déterminer l'âge à des fins judiciaires et sur les possibilités d'amélioration en la matière. L'Académie de médecine a mis en place un groupe de travail pour répondre à ces questions, dont les conclusions ont indiqué : « La lecture de l'âge osseux par la méthode de Greulich et Pyle permet d'apprécier avec une bonne approximation l'âge de développement d'un adolescent en dessous de 15 ans. Cette méthode ne permet pas de distinction nette entre 16 et 18 ans. Il existe cependant, même si elles sont relativement rares, des situations où l'âge de développement et âge réel comportent des dissociations. La double lecture de l'âge osseux (radio pédiatre et endocrino pédiatre) et l'examen du développement pubertaire en milieu spécialisé avec éventuellement un contrôle 6 mois plus tard, doivent augmenter la fiabilité de la détermination. » Ces précautions paraissent devoir être appliquées par les spécialistes qui sont désignés pour pratiquer l'examen de maturation osseuse. En outre, il convient de préciser que le Conseil de l'Europe a été amené dans une résolution en date du 26 septembre 1997, à préciser que : « l'enfant doit apporter la preuve de sa minorité et les Etats sont libres de déterminer le type de preuve valable. Toutefois, en cas de doute sur la minorité, les Etats s'engagent à privilégier le bénéfice du doute ». En l'état, il n'apparaît donc pas nécessaire de prévoir par une disposition réglementaire spécifique qu'en cas de doute sur la minorité d'un individu, les résultats d'une mesure d'expertise d'âge osseux sont insuffisants pour justifier à eux seuls une décision de refus de prise en charge. De plus, l'article 1er de la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance est venu trancher positivement la question de l'appartenance des mineurs étrangers isolés au public de droit commun de la protection de l'enfance. La protection de l'enfance relève au premier chef de la responsabilité des Conseils généraux. Ces mineurs peuvent donc être pris en charge directement par les services de l'Aide sociale à l'enfance dont ils dépendent. Ils peuvent également être confiés par l'autorité judiciaire tant aux services départementaux qu'aux établissements et services de la protection judiciaire de la jeunesse, au titre de l'enfance en danger. Le refus de prise en charge par les services administratifs peut faire l'objet d'un recours devant les juridictions administratives et celui de l'autorité judiciaire, par la voie de l'appel. La qualité de jeune « majeur » n'empêche pas une prise en charge : le jeune peut toujours demander la mise en oeuvre d'un « contrat jeune majeur » au titre de la protection administrative par les services du conseil général. Enfin, il y a lieu de rappeler que les mineurs étrangers isolés bénéficient du soutien et des aides qui leur sont indispensables, notamment lorsqu'ils présentent une demande d'asile. L'article L. 751-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit en effet que le procureur de la République leur désigne un administrateur ad hoc chargé de les assister et d'assurer leur représentation dans le cadre des procédures administratives et juridictionnelles relatives à cette demande. L'importance de cette mission est reconnue par le ministère de la justice puisqu'au terme des réflexions d'un groupe de travail sur les administrateurs ad hoc, réuni en 2007, il a été décidé de revaloriser leurs indemnités. Un projet de décret est actuellement soumis à l'examen du Conseil d'État à cette fin.

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